Trois pas de la foi

par | 6 octobre 2013

Frère Pavel Syssoev

Trois pas de la foi
 
TO 27 C Lc 17, 5-10
Augmente en nous la foi… Dites-vous : nous sommes des serviteurs inutiles…

Augmente en nous la foi… Dites-vous : nous sommes des serviteurs inutiles…

Quelle étrange réponse ! Les disciples demandent : « Augmente en nous la foi ! », et Jésus : faites tout ce qui vous est prescrit en vous considérant comme des serviteurs inutiles. Inutiles ! Bien sûr, la traduction liturgique avec la pudeur qui lui est propre les nomme « quelconques », mais le texte grec est formel : inutiles et bons à rien. Essayons de voir d’un peu plus près.

Le tout premier enseignement : la foi peut grandir. Elle peut être petite ou grande, et ceci non pas invariablement. Elle peut être augmentée !

Que faire pour qu’elle croisse ? Voilà, peut-être, le premier piège. Nous ne pouvons pas considérer notre foi comme le fruit de notre seule industrie. Ni comme une possession. Il ne nous suffit pas de faire ceci ou cela et moins encore de prétendre la posséder comme un compte bancaire, une bonne réputation ou même la santé. Très facile à vérifier. Il suffit d’aller à la place des Quinconces dire à des arbres de se planter au milieu des flots. Nous obéiraient-ils ? Tirons donc le tout premier enseignement : nous ne sommes pas la source de notre foi. Elle est un don. C’est Dieu qui la dépose en nous. Nous ne pouvons pas nous en emparer. Elle est reçue, telle un cadeau. Elle peut donc aussi être refusée – et notre responsabilité ici est entière.

Mais admirons en tout premier lieu la justesse de la demande des Apôtres : augmente en nous la foi ! Ils confessent que le Christ en est la source, qu’il peut l’augmenter selon son bon plaisir et ils se tournent vers lui. Faisons de même. Voilà notre premier pas à faire : dans notre prière, implorons Dieu de nous accorder la vraie foi : vive, brûlante, grande, lumineuse. Venons communier avec ce désir : Seigneur, augmente en moi la foi !

Bien. Mais ce n’est qu’un début. Faisons un pas de plus. En entendant le discours du pain de vie, les auditeurs questionnent le Christ : « Que nous faut-il faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Quel est ce service qu’il attend de nous ? « L’œuvre de Dieu, leur répondit Jésus, c’est que vous croyez en celui qu’il a envoyé » (Jn 6, 28-29). Croire – c’est donc une œuvre. Non seulement une attitude intérieure, mais un acte. Un choix et un travail. Si Dieu seul peut déposer en nous la graine de sa vie divine, il nous faudra la cultiver. La servir. Comment ? En la mettant en pratique.

Permettez-moi d’insister : on ne peut grandir dans la foi, on ne peut avancer dans l’intelligence de la foi autrement qu’en la mettant en pratique. La foi s’accroît par les actes, non par les mots. Prenez le livre de recettes culinaires. Qui en aura une véritable intelligence – celui qui le soumet à l’analyse philologique ou celui qui cuisine avec ? C’est pareil avec la Parole de Dieu. Quand nous tâchons d’aimer Dieu plus que tout et notre prochain comme nous-mêmes, quand nous cherchons à pardonner, à espérer contre toute espérance, à tenir dans la tentation, c’est alors seulement que ses paroles s’illuminent. Ce don de Dieu qu’est la foi se déploie ou dépérit dans chaque acte que nous posons.

Vient notre troisième pas, le plus paradoxal. Plus notre foi grandit, plus nous nous découvrons petits devant Dieu. Dépendants. Pauvres. Mais aussi aimés. Surtout – aimés ; avec patience, détermination, inventivité, toutes divines. Regardez : tout au long des Évangiles, Jésus présente ses disciples comme serviteurs. Serviteurs de Dieu, serviteurs aussi les uns des autres. Puis, la nuit où il se livre pour eux, il les introduit dans une relation nouvelle : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis : tout ce que j’ai appris de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15). Enfin, au matin de Pâques, le Ressuscité dit à Marie Madeleine : « Va trouver mes frères… » (Jn 20, 17). Serviteurs, amis, frères – d’où vient ce changement ? Serait-ce le progrès spirituel des disciples qui l’opère ? Pas si sûr. Au contraire : Pierre qui abandonne tout pour suivre Jésus semble être plus proche de lui que Pierre qui le nie menacé par une servante. Ce n’est pas par l’élévation des apôtres que ce changement se produit, mais bien plutôt par l’abaissement du Christ. Lui, s’est fait notre serviteur, prenant condition d’esclave, jusqu’à la mort et la mort sur la Croix. Plus nous entrons dans l’intelligence de la foi, plus nous grandissons dans la fidélité, plus nous découvrons que c’est Dieu qui est à l’œuvre, qu’il change peu à peu notre cœur, qu’il entre dans notre mort, qu’il la transforme -de l’intérieur !- en sa vie divine. Qui sommes nous ? Des serviteurs inutiles. Rien en nous qui échappe à sa miséricorde. La gloire des saints, leur triomphe, leur unique parure – c’est la miséricorde divine. Quelle autre utilité voulons nous pour notre vie ?

fr. Pavel Syssoev, op

Frère Pavel Syssoev

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