Relevés par la main du Christ dans l’unité d’un corps de gloire

par | 8 novembre 2010

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Homélie du fr. Jean-Ariel BAUZA-SALINAS o.p. du dimanche 7 novembre 2010,
35ème dimanche du TO  Selon Luc 20, 27-38
 
Relevés par la main du Christ dans l’unité d’un corps de gloire
Il y a dans cet Évangile deux questions qui sont posées à Jésus par les saducéens. Celle de la descendance, d’abord, et celle de la résurrection, ensuite.
Le Christ va résoudre les deux en les mettant en relation. Nous verrons comment
Le point de départ des saducéens est la loi de Moïse selon laquelle le mari devait s’assurer une descendance, parce que sans descendance il n’y a pas de peuple. Et comme c’est le peuple d’Israël qui porte l’Alliance, si ce peuple est amoindri ou décimé, l’Alliance – marquée dans la chair même du peuple par le signe physique de la circoncision -, cette Alliance peut ne pas survivre.
Cette question de la pérennité « matérielle » de la foi portée par un peuple, est une question actuelle. Je me permets 2 exemples : le premier, la question des vocations : sans parents ou grands parents qui invitent leurs enfants à se poser la question de la vocation, pas de prêtres, pas de religieuses. 2ème exemple : la question démographique du christianisme : sans chrétiens, sans baptisés qui habitent l’espace public, qui parlent des valeurs chrétiennes et qui en vivent, d’autres croyances prendront notre place pour prêcher la « tolérance ». Nos frères et sœurs du Moyen Orient en savent quelque chose.
Mais revenons à notre texte. Sans descendance, disions-nous, l’Alliance peut être perdue. En effet, le descendant est celui qui reçoit et transmet l’Alliance. Mais pas seulement. Le descendant est celui qui hérite, qui reçoit des géniteurs ou de ceux qui l’ont adopté, les biens dont ceux-ci disposaient étant en vie. Le premier bien est celui de la vie humaine, le dernier et le plus haut, pour Israël, est celui de la vie avec Dieu, c’est à dire, l’Alliance, qui passe par le sang. Souvenez-vous de la promesse de Dieu à Abraham : « C’est quelqu’un de ton sang qui sera ton héritier. » (…) « Regarde le ciel, et compte les étoiles (…) vois quelle descendance tu auras ! » Et ce jour là le Seigneur conclut une Alliance avec Abraham (Gn 15, 1- 8).
Et souvenez-vous aussi de ce que fit Moïse, en descendant du Sinaï : il prit le sang (du sacrifice), en aspergea le peuple, et dit : « Voici le sang de l’Alliance que (…) le Seigneur a conclue avec vous. » (Ex 24, 3-8).
 
Si l’union de l’homme et de la femme garantit la vie humaine, l’Alliance, l’union avec Dieu nous garantit une vie divine. Nous avons été couverts, comme Abraham, par ce manteau d’étoiles que Marie portera un jour ; nous avons été aspergés du sang, non pas du sang des moutons, comme le peuple d’Israël, mais du sang de l’Agneau Pascal. Ce sang nous apporte une vie immortelle qui dépasse la seule vie de l’âme, car cette vie vient se greffer puissamment dans la chair de l’homme.
Cette greffe vient résoudre les 2 questions des saducéens, celle de la descendance et celle de la résurrection. C’est par le mystère de la descendance divine que nous avons accès à la résurrection de la chair. Et pour faire comprendre cela le Christ cite le passage du buisson ardent :
Le Seigneur, depuis le buisson, dit à Moïse : « N’approche pas d’ici, (…)” Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. ” (…) ” J’ai vu la misère de mon peuple (…). J’ai entendu son cri (…). Je suis descendu pour le délivrer (…) et le faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste (Ex 3, 6).
Par la première Alliance nous sommes de la race d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Très bien, mais il y a encore plus : en Marie, nous avons donné à Dieu la chair de son humanité et par là nous avons été greffés dans la chair du Christ. En Jésus-Christ cette parole du buisson ardent s’est accomplie : « Je suis descendu pour vous délivrer, pour vous faire monter de cette terre vers une terre plantureuse et vaste ».

Alors l’ordre donné à Moïse « N’approche pas d’ici », devient maintenant : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau » (Mt – 11 : 28) ; « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde » (Mt – 25 : 34). Et enfin, comme dit saint Pierre : « Approchez-vous donc de Seigneur Jésus : il est la pierre vivante (…). Vous aussi, soyez les pierres vivantes (…) : vous êtes (…) le peuple qui appartient à Dieu ; vous êtes donc chargés d’annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1P – 2 : 4, 5 et 9).
Moïse, enveloppé dans la lumière de la transfiguration, témoigne des prémices de la vie à laquelle nous sommes appelés à vivre un jour, vie qui doit investir aussi notre chair :
Ce jour là, lorsqu’il « enverra ses anges au signal retentissant de la trompette » (Mt – 24 : 31), ces particules de matière -qui furent un jour partie de notre corps- seront enfin irradiées du jaillissement de la vie du Christ : elles seront transpercées de sa lumière et de sa puissance, unifiées par son souffle et relevées par la main du Christ dans l’unité d’un corps de gloire.
– La résurrection universelle, la résurrection de tous les morts n’est autre chose que la résurrection unique du Christ, jaillissant sans aucun barrage et dans toute sa puissance et splendeur, comme une onde de choc, sur toutes les âmes et, à travers nos âmes, comme par un prisme, sur la matière. Ce jour là Dieu brisera les résistances et les frontières de la matière, et celle-ci deviendra entièrement perméable à la puissance de l’Esprit.
– La résurrection est la vie du Christ au matin de la Pâque, entièrement libéré de toutes les frontières et les obstacles que la mort et le péché avaient dressée.
– La résurrection est la vie du Christ ressuscité répandue, insufflée à chaque Âme qui, investie de cette force sans limite, pourra se pencher sur ces parcelles de matière qui formèrent un jour son corps pour les relever dans une unité personnelle, de corps et d’âme, vers la  gloire.
Nous avons été marqués, mes frères, du signe de la Croix et aspergés du sang du Christ : il est passé par la mort et, en héritage, nous avons reçu sa vie.

Alors, mes frères, nous sommes déjà entrés dans l’immortalité.

fr. Jean-Ariel Bauza-Salinas

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