Bienheureux Jourdain de Saxe – fr. Olivier-Thomas Venard, op

par | 14 février 2010

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En cette fête du Bx Jourdain de Saxe, les textes de la sainte liturgie nous tendent un miroir de notre vocation de frères prêcheurs.

L’évangile nous rappelle les règles que Jésus donna aux disciples chargés d’annoncer sa venue, règles que saint Dominique reprit quand il fonda notre ordre. Dans ces règles, nous aimons souligner une chose : les disciples sont envoyés deux par deux. Généralement nous en donnons une interprétation morale. Si nous sommes envoyés deux par deux, c’est pour que l’annonce du royaume, en particulier celle de l’amour du prochain et même de l’ennemi, ne soit pas simplement théorique mais aussi pratique. Car si l’on doit prêcher ensemble, on est un peu obligé de donner l’exemple ! Pour parler comme saint Paul, il faut se supporter les uns les autres avec amour, garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. L’art d’être disciple n’est pas un art solitaire, un splendide isolement. Il se cultive et s’enseigne en communauté.

Mais l’épitre de saint Paul va bien plus loin. La vie communautaire au service de l’évangile a une raison plus profonde que cette raison pédagogique. La vie en communauté, n’a pas seulement valeur d’exemple. Plus profondément elle a une raison mystique, théologique : elle révèle Dieu, Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même. Jésus envoie ses disciples par deux en avant de lui, pour annoncer sa venue partout où lui veut aller. C’est de Jésus qu’il s’agit.

Or on n’annonce bien que ce que l’on connait. Et avouons-le, frères et sœurs, nous ne connaissons pas bien Jésus. Il est difficile de connaitre Jésus, qui reste souvent une question même dans l’évangile. Pour toi qui suis-je ? Cette difficulté n’a rien d’anormal, elle est même très normale. Jésus nous échappe toujours, de quelque manière, parce que Jésus est Dieu. La personne de Jésus est le Verbe créateur. Et le Verbe ne nous est jamais présent tout à fait comme un autre, un objet en face de nous, clairement identifiable comme extérieur à nous. Il est plus intérieur, plus intime à à nous-mêmes que nous-mêmes.

Or celui qu’il nous est difficile de connaitre tout seuls, il nous est plus facile de le connaitre à plusieurs. En effet, en s’incarnant en un homme, Jésus, Dieu s’est définitivement uni à la nature humaine. Et la nature humaine n’existe que dans des personnes concrètes. Si bien que depuis l’Incarnation, chaque personne humaine a un lien particulier avec Dieu, lui ressemble. Chacune de nos destinées est comme un écho de la destinée de Jésus-Christ. Et ainsi donc, le frère qui est à côté de moi est un éclat de la gloire du Fils, une participation au Christ. Aucun de mes frères n’a été choisi par moi selon des affinités trop humaines. Tous sont appelés par Dieu, placés par sa Providence à côté de moi dans la communauté, comme autant de moyens ou plutôt de ministres pour connaitre le Christ.

Oui, sans Jésus-Christ qui nous a appelés des quatre coins de l’horizon, mes frères, jamais nous ne nous serions rencontrés ! Rien que dans notre couvent de Bordeaux, en regardant nos origines, on peut dire que l’Europe centrale rencontre l’Afrique centrale, l’Amérique du Sud celle du Nord, l’Inde rencontre la Scandinavie, un Guarani un Parisien, l’Afrique du Nord les Caraïbes, sans parler de l’Italie et du pays des Chtis, ou de l’Armagnac et du Cognac… c’est bien le Dieu unique sauveur de tous les hommes qui peut ramasser une telle diversité pour en faire un corps de frères qui vq au-devant de lui pour annoncer ses merveilles et avancent « tous ensemble à l’état de l’homme complet, parfait, à la plénitude de la stature du Christ. »

Mes chers frères, renouvelons notre regard contemplatif les uns sur les autres, et sur les communautés que nous formons. Et c’est vrai aussi pour vos familles, chers amis laïcs. Le mystère de Dieu lui-même est participé dans nos communautés. Le sang qui nous unit est celui de l’unique « Dieu qui règne au-dessus de tous par tous et en tous ».  C’est lui qui vient à présent pour nous sur l’autel.

Couvent de Bordeaux, le 13 février 2010

fr. Olivier-Thomas Venard, op

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Frère dominicain