Douce nuit, sainte nuit

par | 24 décembre 2009

Frère Gilbert Narcisse

Douce Nuit, sainte Nuit

Homélie de la nuit de Noël

La nuit de Noël est une douce nuit. La nuit de Noël est une sainte nuit. Elle est douce et sainte à nos yeux, à notre cœur et à notre esprit.

A nos yeux d’abord, car cette naissance est au milieu de la nuit, quand plus rien ne distrait le regard. Plus tard, il y aura une autre nuit, un autre milieu de la nuit, celui de la Pâque. Au milieu de la nuit, un cri se fait entendre, voici l’Epoux. Mais à Noël, c’est la douceur d’un tout-petit sans parole, déjà lumière, déjà salut, déjà gloire de Dieu. Sainte nuit où notre Sauveur voit le jour dans la nuit, comme pour bien montrer que toute lumière se concentre en lui, vient de lui, mais aussi pour montrer quelles ténèbres il devra bientôt combattre.

A Noël, tout concourt à ce regard lumineux : nuit incroyable de Bethléem ; étoile scintillante de la descendance de David ; bergers gardant leurs troupeaux, toujours dans la nuit ; et surtout, au beau milieu, Joseph et Marie, douceur de la Sainte-Famille. Pour la première fois depuis les origines de la création et la chute du premier couple, Marie et Joseph offrent au monde la douceur d’un foyer selon le cœur de Dieu.

Douceur des yeux aussi à Noël, par le contraste entre les ténèbres et la lumière, quand la vanité de l’empereur Auguste ordonne de recenser toute la terre, comme s’il était le dieu de tout le monde, tandis qu’à ce moment un seul enfant compte. Loin des regards endurcis par la prétention, là où il n’y a pas de place, l’enfant saint est emmailloté et couché dans une mangeoire. Qu’il est doux de regarder ce petit enfant dans la crèche, ignorant toutes les statistiques de ce monde ! Qu’il est saint de contempler le Verbe de Dieu, lumière des nations, qui rendra la vue même aux aveugles de naissance ! Qu’elle est belle cette gloire dans l’humilité !

Noël est aussi une douce et sainte nuit dans notre cœur. Il y a dans notre cœur tous les Noëls que nous avons vécus en famille. Ces Noëls de l’enfance qui imprègnent notre mémoire à tous les âges de notre vie. C’est comme si Dieu, en naissant parmi les hommes, voulait nous rappeler que, de fêtes en fêtes, notre existence est traversée par une naissance essentielle. C’est ce Noël qui dure toujours et ne sépare jamais l’homme de son Dieu mais, au contraire, est une naissance qui réconcilie les extrêmes : la terre et le ciel ; la domination et l’esprit d’enfance ; l’ami et l’ennemi ; le monde et le royaume qui n’est pas de ce monde ; la vie éphémère et la vie éternelle.

Entre les deux, le cœur de l’homme balance. Cœurs adoucis ou cœurs endurcis ?

Puissions-nous porter dans notre prière, comme les ambassadeurs de cette divine naissance, tous ceux qui vivront ce Noël avec un cœur dur, vide de tout amour, vide de sens, vide de Dieu, vide d’une vraie humanité, et tous ceux aussi qui vivront un Noël abandonnés dans la misère, la maladie et le désespoir. La Nuit de Noël, c’est donc aussi cette douceur courageuse du témoin choisi par Dieu, ces bergers aussi doux et robustes que la laine de leurs moutons. Etre alors le berger de la Nativité, être le berger du bon Pasteur et des vrais pâturages, quelle grâce !

Noël est enfin la douceur de l’esprit : « l’ange du Seigneur s’approcha et la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière ». Un Noël sans les anges ignore l’immense mystère de l’Incarnation, cette union unique entre la nature divine du Verbe et la nature humaine. Dieu, pur esprit, rejoint la condition charnelle de l’homme pour que l’homme découvre la vie spirituelle, en reçoive, dès Noël, la révélation. De même que l’ange annonça à Marie, puis à Joseph, ce grand mystère, de même à Noël, c’est encore un ange qui annonce aux bergers : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » et comme si cela ne suffisait pas l’évangile ajoute « il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable ». Dans la liturgie, les anges sont parmi nous, surtout en ce jour. Ils sont les révélateurs du monde invisible : Dieu, notre âme, la divinité de Jésus. La douceur de l’incarnation dans le sein de Marie est ainsi une douceur angélique, comme si au moment suprême où Dieu s’unissait à un corps réel et à une âme réelle, il fallait que les purs esprits que sont les anges nous rappellent à la fois le chemin parcouru par Dieu pour rejoindre la chair et que la chair de l’homme prend toute sa signification dans la vie de l’esprit au contact réel de Dieu. Car seul l’esprit connaît et aime, et la connaissance dans l’amour avec le Christ est le secret de la douceur. Noël, c’est donc cette vie spirituelle rendue à nouveau accessible, la douceur de la grâce. Même quand cette grâce se fait rude et purificatrice, finalement elle est douce. La communion entre les hommes, les anges et leur Dieu, voilà la douceur de Noël. Bien sûr, il faudra encore plus. L’Incarnation devra aller jusqu’au bout de la nuit et de l’amour lors de la Passion, violence de la Croix, du péché et des mauvais anges.

En attendant, cette douceur de la nuit est chantée par les anges comme une paix sur terre : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ». Pour rendre l’homme à nouveau aimable et libre d’aimer, Dieu a donc inventé cette extrême douceur de la nuit de Noël qui pacifie par l’amour reconnu et par la délicatesse d’un Dieu qui habite parmi nous.

Douce incarnation du Sauveur, doux abaissement de notre Dieu, douce paix dans les cœurs. Douce nuit, sainte nuit.

fr. Gilbert Narcisse, op

Frère Gilbert Narcisse

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