La sainteté est relative à Dieu

par | 25 octobre 2010

Frère Antoine-Marie Berthaud

30ième semaine TO, année C.
Dimanche 24 octobre 2010, Bordeaux, Couvent de la Vierge du Rosaire.
LA SAINTETE EST RELATIVE A DIEU ! 
 
Le pharisien et le publicain… Cette parabole, frères et soeurs, nous est bien connue et je vous propose de méditer cet enseignement du Christ en nous posant la question : quel motif suggère à Jésus une telle mise en scène ? Son intention est claire : « Jésus dit une parabole pour certains hommes qui se flattaient d’être des justes et n’avaient que mépris pour les autres ». Le Christ cherche une nouvelle fois à faire la vérité sur l’homme. Il relève les contradictions de son coeur et lui suggère une voie de salut très concrète. Pour cela il nous donne à méditer deux attitudes opposées avec pour cadre révélateur commun la prière. La prière est en effet le lieu où se révèle la transparence du coeur de tout croyant.
Il est donc facile d’établir un parallèle, tellement ces deux figures sont à ce point typées. Le pharisien est manifestement un égocentrique forcené. Il est venu voir Dieu, mais c’est sa propre personne qui l’intéresse. De son côté le publicain est fixé sur Dieu et s’adresse à lui, en arrière du pharisien, comme du fond de l’Eglise.
Le premier rend compte par de belles phrases de ce qu’il a fait : des merveilles ; le second, lui, confesse plutôt en une phrase courte et directe ce qu’il est : un pécheur.
Notre bon pratiquant rend grâce à Dieu de ce qu’il est satisfait de lui-même, tandis que le mécréant supplie Dieu de le relever de sa misère.
Notre homme bien en vue se déclare en règle selon la lettre et se compare facilement aux autres, alors que l’homme en retrait n’ose lever les yeux vers le ciel et plaide coupable selon l’esprit… Nous pourrions poursuivre ce parallèle à l’infini. Certes, la situation est exagérée – personne n’est à ce point pharisien et personne n’est totalement publicain comme notre publicain -, et en même temps cette description est très vraie, à tel point qu’elle nous touche, elle s’adresse à chacun d’une manière ou d’une autre.
Et là le Christ nous apprend ce qu’est la vraie prière. Elle réclame autant l’audace du pharisien, que l’humilité du publicain, parce que la prière est la rencontre personnelle et intime de l’homme avec son Dieu dans une confiance totale.
Mais j’aimerais noter la mise en garde que constitue cet enseignement capital pour notre vie spirituelle. Je veux parler de la tentation de toujours se comparer aux autres dans notre marche vers Dieu. « Je te rend grâce Seigneur, parce que je ne suis pas comme les autres hommes ».
Cette attitude bien inconsciente et cependant flagrante chez notre pharisien contient des accents très actuels dans un monde qui vit sous le régime de l’apparence, de la concurrence et de la compétition. La maxime de cet individualisme rampant pourrait être celle-ci : le malheur des uns fait le bonheur des autres… Comme si le mépris, que j’aurais des autres, pouvait alors promouvoir ma valeur personnelle !?
Le publicain au contraire, qui seul en final est déclaré « juste » par Jésus, ne cherche pas à se comparer aux autres. Il se place plutôt sous le regard de son Seigneur et son Dieu. Il nous rappelle que la sainteté qu’il nous faut désirer n’est relative qu’à Dieu seul et non relative aux hommes.
Se comparer aux autres, c’est alors se détourner de l’unique modèle de sainteté à imiter, Jésus-Christ, vrai Dieu, vrai homme. Se comparer aux autres, c’est alors se priver de l’unique source de toute perfection qu’est l’Esprit Saint, le Sanctificateur. Se comparer aux autres, c’est finalement s’écarter du seul bonheur authentique que Dieu notre Père veut pour tous ses enfants : la miséricorde et la gloire. C’est faire prévaloir en nos cœurs les mœurs du temps sur la loi de l’Evangile. C’est préférer le regard et le jugement du monde à la loi d’amour de Dieu et au prix de son Sang versé !
Mais alors, me direz-vous, pourquoi donc l’exemple des saints ? Comme aujourd’hui avec Notre Dame du Rosaire en cette messe d’action de grâce du Pèlerinage, comme également aujourd’hui saint Antoine-Marie Claret et tant d’autres saints ? Si l’exemple des bienheureux sert à notre édification dans la perfection de l’amour, c’est parce qu’ils nous témoignent, même imparfaitement, de la réelle bonté et de la sainteté de Dieu ; c’est parce qu’ils manifestent la puissance de la miséricorde, du pardon de Dieu dans le coeur et la vie des pécheurs qui nous ont précédés dans la foi.
Alors en ce mois du Rosaire, regardons la Vierge Marie. Sa valeur, sa sainteté, la juste estime d’elle-même ne viennent que de son Seigneur : « le Seigneur fit pour moi des merveilles… désormais tous les âges me diront bienheureuse » Ne craignons pas, frères et soeurs, de renoncer à notre orgueil, de renoncer à nous comparer aux autres pour nous justifier nous-mêmes ! Et puis demandons au Seigneur la grâce de la vraie prière, car c’est en l’adorant, Lui, en nous fixant sur Lui avec le cœur de « ceux qui le craignent » que nous serons sûrs de vivre en chrétien et de « recevoir la récompense du vainqueur », comme le dit s. Paul.
C’est exactement ce que l’Eglise en ce mois d’octobre nous offre par la prière du Rosaire : contempler Jésus, nous fixer à lui le temps d’une dizaine du chapelet en nous mettant à l’école de Marie, la Contemplative, l’Orante par excellence. Alors nous pouvons l’invoquer sans nous lasser, des dizaines et des dizaines de fois ! Qu’elle ait pitié de nous, pauvres pécheurs, et fasse de nous de vrais adorateurs en esprit et en vérité !
Et comme le publicain qui récite son chapelet à l’instant-même au fond de cette église :
« Donnez-moi Vierge Marie vos yeux à vous ! Pour que je puisse regarder Jésus votre Enfant, comme vous avez su, vous, le contempler à la perfection !
« Donnez-moi Vierge Marie vos oreilles à vous ! Pour que je puisse écouter et obéir à la Parole de votre Fils Jésus, comme vous, vous avez su lui obéir à la perfection !
« Donnez-moi Vierge Marie votre coeur à vous ! Que je puisse aimer, adorer Jésus votre divin Fils, comme vous avez su, vous, l’aimer et l’adorer à la perfection ! »
Alors oui dans cet esprit d’abaissement nous pourrons nous approcher humblement de l’autel du Seigneur qui nous relèvera et nous justifiera. Amen.

Notre Dame du Rosaire, priez pour nous !

fr. Antoine-Marie Berthaud, op

Frère Antoine-Marie Berthaud

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