Il n’y a plus de malédiction – fr. David Macaire op

par | 25 décembre 2009

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« Il n’y a plus de malédiction »

Homélie du jour de Noël  2009 du Fr David Macaire o.p.

Le Verbe s’est fait chair et il n’y a plus de malédiction!

Et pourtant cette malédiction était profonde. Presqu’aussi ancienne que la Création, elle avait pendant des siècles étendu ses racines jusqu’au tréfonds du cœur des Hommes, de  leurs cultures, de leurs relations sociales, de leur économie, de leur vie sentimentale, de leur famille. Comme si une immense fée carabosse s’était penchée sur le berceau de l’humanité, et avait prononcé, à cause du péché des origines, une malédiction perpétuelle sur nous, chassé du paradis, l’Homme s’est cru haï de Dieu, L’homme s’est cru rejeté par ses frères, par sa femme, vomi par la nature. Et la malédiction a commencé à s’étendre comme une lèpre. Elle a tout contaminé, tout pollué, toute la création finissait par dépérir à cause de cette malédiction.

Une Malédiction, c’est une  mauvaise parole, une parole destructrice,  parole qui condamne et qui tue, parole qui ment et qui pervertit, Parole qui écrase et qui accuse.

L’antique malédiction était l’arme de destruction massive la plus efficace, la plus universelle, certainement la principale arme du Satan. Elle pouvait sévir partout et toujours, comme une vigne fétide étendant des sarments vigoureux, nauséabonds et stériles. Ses effets néfastes duraient longtemps et elle laissait traîner derrière elle, parfois toute une vie, parfois pendant plusieurs générations, le parfum de la haine et de l’amertume. Partout elle implantait des rejetons vivaces.

Polymorphe, elle savait s’adapter aux circonstances pour nous conduire plus sûrement à l’erreur, à la mort:

Tantôt Menteuse et Doucereuse, flattant les plus bas instincts elle était sortie des lèvres du serpent au Paradis,   elle enjôlait, fascinait séduisait, le roi David et tant d’autres pour leur proposer le chemin du vice et de la facilité.

Tantôt Violente et égoïste, comme elle était sortie des lèvres et du cœur de Caïn, ou quand elle divisait les hommes à Babel, tant de fois elle a fait prendre le chemin de la guerre et de la division.

Enfin, Hypocrite, drapée de vertu, elle déstabilisait Job par les accusations de ses amis, induisait le cœur des pharisiens au mépris, et, par une abomination suprême, se faisait passer aux yeux des hommes pour la Parole de Dieu.

Ainsi allait le monde, la malédiction engendrait la malédiction dans un cercle lépreux qui semblait ne jamais avoir de limite en intensité comme en extension.

Combien d’hommes et de femmes vivaient sous le coup de ces malédictions prononcées en parole et en acte, par un père, une mère, un parent, un mari ou une épouse, ou tout autre proche qui lui disait « tu n’es pas aimable », «  je ne t’aime pas » « je ne veux pas vivre avec toi », « tu aurais du mourir », « tu ne devrais pas vivre » combien se sont senti condamnés par leur clan, leur société, un professeur, un employeur, des camarades de classe, des collègues « tu n’es bon à rien » « tu es un looser», combien, croyant être maudits de tous et même de Dieu se sont finalement maudits eux-mêmes, « Je ne suis pas celui que je devrais être » « je n’ai pas droit au bonheur », « j’échoue tout », et par l’une ou l’autre forme de suicide ont produit dans nos cœurs les métastases funestes de l’antique malédiction?

Combien? Tous en fait ! Aucun n’y a totalement échappé, jusqu’à ce que,  dans le sein immaculé d’une fille de Nazareth en Galilée au jour du Roi Hérode, s’accomplisse l’avènement du Verbe de Dieu dans le monde.

Mais depuis lors Il n’y a plus de malédiction. Car, comme le dit l’Apocalypse, le trône de Dieu et de l’Agneau est dressé dans la ville de David, et les serviteurs de Dieu l’adorent (Apocalypse  22,3).

Son trône, n’est  ce matin qu’une mangeoire, plus tard ce sera une croix, tout à l’heure ce sera cet autel, puis les mains du prêtre enfin votre propre corps, mais ce trône est là et bien là, dressé chez nous. Le Verbe de Dieu est auprès de nous et tout devient bénédiction. Il nous révèle que rien de ce  qui s’est fait ne s’est fait sans lui, que tout s’est fait par la bénédiction, avec la bénédiction, dans la bénédiction, dans une parole bonne, une parole d’amour. Alors que nous croyions être sous le coup de la malédiction du Tout-Puissant, Sa présence nous montre la beauté perpétuelle des pas des messagers de la « Bonne Nouvelle », ses ouvriers de la bénédiction qui depuis longtemps parcourent le monde, sa présence dans la crèche fait retentir avec force l’appel des guetteurs dont la victoire éclate aujourd’hui. Jusqu’à Jean-Baptiste, ils ont annoncé ce qui Aujourd’hui se réalise: dans la nuit de Bethléem les bergers ont entendu le message et au matin de Noël tous les paria et les soi-disant maudits s’entendent dire, ce que les anges eux-mêmes n’ont pas entendu: « moi aujourd’hui je t’ai engendré, tu es mon fils ».

Comprenons bien ce qui nous est dit Aujourd’hui: la Parole de Dieu qui était auprès de Dieu, le Verbe qui est Dieu s’est fait chair et il a fait sa demeure parmi nous… Le Fils de Dieu est le Verbe, Ce Verbe est Parole, cette Parole est Bonne Nouvelle, cette Bonne Nouvelle est Bénédiction. La bénédiction donc c’est quelqu’un! Ce n’est donc pas un simple événement qui advient dans mon histoire ou celles des hommes. Elle n’est pas un épiphénomène (comme l’est la malédiction) qui vient se juxtaposer à ma vie, un simple épisode qui laisse des traces sociales et psychologiques. La bénédiction de Noël, de Dieu chez nous, n’est pas une anti-malédiction, elle est beaucoup plus profonde, elle atteint les racines de mon être, de tout être, elle est une communion avec la personne de qui je viens, celui dont je peux dire que rien de ce que je suis ne s’est fait sans lui. La bénédiction c’est quelqu’un qui change mon être ou, plutôt, qui me restaure dans ce que je suis : un fils de Dieu.

La bénédiction de chaque homme et de tout le genre humain, ce n’est pas n’importe qui. C’est Celui qui a pris sur lui toute les malédictions et Dieu seul sait (c’est le cas de le dire!) combien il y en a eu. Malgré sa bonne étoile, Il n’a pas manqué de « fées carabosses » pour le maudire dès sa naissance: ignoré par l’Histoire, méprisé par les romains, rejeté de l’hôtellerie, pourchassé par Hérode et plus tard, plus tard… crucifié par ses frères!. Mais chaque malédiction qu’il a assumée n’a fait que renforcer notre propre bénédiction… Dieu a tant aimé le monde…

Aujourd’hui la bénédiction n’est pas le fait d’un Dieu qui, du haut du ciel, si loin, fait tomber la pluie ou briller le soleil, la bénédiction c’est un petit enfant à contempler, à prendre dans ses bras, rien de plus tendre, de plus précieux et qui dit à chaque homme: tu es si grand, si beau, que je me fais bébé dans tes bras.

Alors, Aujourd’hui je vous fais l’annonce d’une très grande Joie, celle que Marie entendit lorsqu’elle portait l’enfant en son sein: TU ES BÉNI!

 

fr. David Macaire op

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Frère dominicain