La sainte famille

par | 27 décembre 2009

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La  Sainte  Famille

Homélie du fr Jean-Ariel Bauza- Salinas o.p., 27 décembre 2009 selon Lc 2, 41-52

La sainte famille. C’est dans la Sainte famille que les promesses de Noël commencent à s’accomplir.

Cet accomplissement se produit dans une direction, celle du Temple : c’est cette direction du Temple que prend la sainte famille.

D’ailleurs, pourquoi parle-t-on de la « sainte famille » ? Si Marie et Joseph forment, avec Jésus, une sainte famille, c’est parce que leurs vies sont orientées vers le Seul saint. Ils sont tournés vers celui qu’ils attendaient, vers le soleil d’en haut qui vient nous visiter.

C’est dans cette perspective, imprégnée de l’attente de la promesse, que Marie et Joseph suivent fidèlement les traditions de l’ancienne alliance, en attendant l’accomplissement de la nouvelle. Ils montent donc au Temple, le lieu que Dieu avait choisi pour y faire habiter son Nom. La vie de Joseph et de Marie peut se comprendre comme une lente mais sûre montée vers le Temple, d’abord le Temple géographique, ensuite le Temple spirituel. Qu’en sera-t-il ensuite de notre vie, de notre sainteté, de nos familles ?

Marie et Joseph vont ensemble au Temple, pour la première fois, lors de la présentation de l’enfant Jésus, pour accomplir les prescriptions de la loi. Ce jour-là, ils consacrent leur enfant au Seigneur. Et pour la première fois ils reçoivent une parole à son égard. Jamais personne, ni ange, ni homme, depuis la naissance de Jésus, ne s’était prononcé sur lui. C’est au Temple qu’une parole est dite sur l’enfant de la part de Dieu, et cette parole n’est pas adressée à Marie ou à Joseph, mais à Dieu lui-même : Siméon remercie Dieu de lui avoir montré la « lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d’Israël ton peuple ». Marie et Joseph ont apporté cette lumière, et le Temple s’éclaire d’une splendeur nouvelle. Jésus est ce soleil, mais un soleil qui ne brille pas encore de toutes ses forces. Il révèle son doux éclat aux yeux du cœur de deux vieillards, et le vieil homme avertit Marie que cette lumière transpercera son âme.

Le cœur de la sainte famille se déchire un peu. Oui, il s’ouvre comme s’ouvre le temple, et non sans douleur. Un nouvel exode commence, un exode non pas géographique, mais spirituel. Dieu conduit ses proches au désert, mais il est l’Emmanuel, il est parmi les siens.

L’ange Gabriel ne viendra plus, et après les paroles de Siméon aucune prophétie ne sera prononcée, mais Marie, « gardait tout cela dans son cœur ».

Dans son cœur. Souvenez-vous : Salomon, le bâtisseur du Temple, avait demandé « un cœur attentif ». Mais c’est peut-être Marie qui reçoit un cœur plus attentif que celui de Salomon, elle, dont le cœur est fait de la chair qu’elle a donnée à Dieu pour qu’il se bâtisse un Temple.

C’est dans le Temple que le cœur de Marie s’ouvre un peu plus à la grâce, c’est dans le Temple que les paroles de son fils élargissent son cœur. Il s’ouvre aux exigences de la Bonne Nouvelle qui ne peut rester enfermée dans les limites de la crèche de Bethléem, du village de Nazareth, et même de la race d’Israël.

Quant à Joseph, il n’aura pas d’autres voix angéliques pour  lui dire quoi faire. L’ange Gabriel s’était borné à lui dire : « fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse ».

Joseph, le juste, dépasse en ce point le roi David qui s’était dit : « Comment ferais-je entrer chez moi l’arche de Dieu ? » (1 Ch, 13, 12-13). Cette fois-ci l’ange demande à un fils de David non pas de construire  un Temple, mais de l’accueillir. D’accueillir et de nommer : « tu donneras (à l’enfant) le nom de Jéshua (Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés ».

Salomon, fils de David et bâtisseur du Temple, priait ainsi le jour de sa dédicace : « Quand les israélites te prient et te supplient dans ce temple, toi, Seigneur, dans le ciel, sois attentif, pardonne leurs péchés » (1 R 8, 33). Joseph, le juste, portant l’enfant au Temple, accomplit toute justice : c’est dans le Fils, venu sur terre, que les péchés seront pardonnés.

Aujourd’hui, cet enfant accomplit dans le Temple son premier geste de révélation : il y reste pendant trois jours, il y siège, interroge et enseigne.

Moïse, celui qui avait été caché par sa mère pendant 3 mois (Ex 2,2) avait demandé au pharaon : « Accorde-nous d’aller à 3 jours de marche dans le désert pour offrir à Dieu un sacrifice » (Ex 5,3). Après avoir traversé la Mer Rouge, le peuple marcha pendant 3 jours dans le désert sans trouver de l’eau. « Au bout de 3 jours ils ne trouvèrent que de l’eau amère. Alors le peuple cria : ‘Que boirons-nous ?’ Moïse cria vers le Seigneur; et le Seigneur lui montra un bois, qu’il jeta dans l’eau. Et l’eau devint douce. Ce fut là que le Seigneur (…) mit (son peuple) à l’épreuve. (…). Prête l’oreille, mon peuple, (…) je suis l’Éternel, qui te guérit » (Ex 15, 22-25).

« Au bout de trois jours Marie et Joseph trouvèrent (l’enfant) dans le Temple, assis au milieu des docteurs : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses ».

Assis dans le Temple, Jésus exprime son autorité et prend possession du lieu : il y siège, interroge et enseigne.

Mais « Vois comme nous avons souffert en te cherchant ! »  « C’est chez mon Père que je dois être ».

Au Temple, Marie et Joseph font l’expérience de l’amertume et de la croissance, de l’abandon et de ses exigences. La révélation du salut passe par l’expérience du Temple.

La sainteté de la sainte famille passe par cette croissance que ne va pas sans déchirures. Le projet du salut de Dieu élargit les frontières du peuple et du Temple ; la lumière de la foi élargit le cœur de Marie et de Joseph.

Il en va de même pour nos familles. Il y a toujours une certaine amertume lorsqu’il s’agit d’élargir la tente, et de considérer que le projet de Dieu sur les autres membres de la famille n’est pas nécessairement le sien. Ces eaux amères sont imbuvables sans le bois de la croix. Le Christ ne rend pas la boisson moins amère, mais il est là pour panser les plaies, pour  conduire dans les voies de son mystère et du mystère des autres. « Prête l’oreille, mon peuple, (…) je suis l’Éternel, qui te guérit » (Ex 15, 22).

Finalement, la question que le Christ nous pose est toujours actuelle : voulez-vous devenir des saintes familles ou pas ? Si oui, sachez que cette sainteté est exigeante : c’est celle qui coule du côté du Christ perdu mais retrouvé, crucifié mais ressuscité. Pas de sainteté sans Dieu, (et sans Dieu pas de famille !). S’il y a sainteté c’est parce qu’il y a présence de Dieu, une présence véritable, et non pas celle d’une messe par an.

Pas de sainteté sans Dieu. Cette sainteté est une sainteté crucifiée, mais aussi ressuscitée : c’est la sainteté familiale de Marie, toute tournée vers l’alliance, mais en route avec Joseph. C’est la sainteté de Joseph, empreinte de respect, de force et de don de soi.

La sainteté de la sainte famille est celle qui s’épaule mais qui vise haut ; une sainteté côte à côte, les pieds sur terre, mais les yeux non pas dans les yeux, dans la stérilité d’un égoïsme à deux.

La sainteté des époux est celle des yeux tournés vers le Seigneur, des mains enlacées mais tendues vers le haut, celle des cœurs et des corps unis, mais unis dans le Corps du Christ.

La sainteté des familles est celle de la montée vers le temple, ce Temple qui n’est pas fait des pierres entassées les unes sur les autres. Ce Temple que nous formons est fait de tous ces « oui » dits librement, dans l’espérance d’un accomplissement qui ne se trouve que dans le Christ. C’est lui la pierre angulaire, le maître de nos vies, la force de nos âmes, le seul ciment capable de faire de nous un Temple.

fr. Jean-Ariel Bauza-Salinas op

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