Le Bon Pasteur et quelques autres

par | 30 avril 2010

Frère Pavel Syssoev

Le Bon Pasteur et quelques autres…

Homélie prononcée à la cathédrale de Saintes en quatrième dimanche de Pâques lors de la messe où se sont engagés plusieurs membres de la fraternité laïque dominicaine.

Jn 10, 27-30   Je leur donne la vie éternelle.

Nul doute : les bons pasteurs sont une des plus grandes bénédictions que le Seigneur puisse nous accorder. Jésus dit de lui-même : Je leur donne la vie éternelle, et cette vie, le Christ continue de la dispenser généreusement et sans reproche par ses pasteurs. Ils enseignent la parole de Dieu, ils célèbrent les sacrements qui contiennent et confèrent la grâce, ils guident la communauté qui leur est confiée à la plénitude du Royaume. Par eux, l’Agneau conduit vers les eaux de la source de vie une foule immense que nul ne peut dénombrer.

Pourtant, toute bonne chose peut se corrompre. Et même, c’est la corruption du meilleur qui produit le pire. Un excellent vin changé en vinaigre nous chagrine plus qu’une bouteille égarée de coca-cola. Une vie familiale – cette magnifique bénédiction de Dieu ! – peut tourner au cauchemar si elle n’est pas vécue dans la sainteté difficile. Les pasteurs de l’Eglise infidèles à leur vocation, infidèles à leur engagement, deviennent non plus une bénédiction, mais une véritable malédiction pour les fidèles.

Malheureusement, nous vivons quelque chose de cela. Les scandales que nous affrontons quotidiennement ont ceci de terrible : bien après un crime hideux commis par quelques pasteurs, les ondes de choque continuent de faire tomber les petits. Comment ne pas redire aux victimes notre profonde honte et indignation ? Comment ne pas leur demander pardon, humblement, en ayant conscience que ce qui a été commis semble l’irréparable à la vue humaine. Certains pasteurs, mes confrères ont failli gravement à notre devoir – je ne peux que demander pardon avec eux et à leur place. La dignité de celui qui est appelé à agir au nom du Christ, dans la personne du Christ, est profanée, mise au service du crime. Le scandale semble rejaillir sur l’Eglise entière, sur la foi elle-même. Faut-il désespérer ?

Nous faut-il désespérer de manque de prêtres dans nos diocèses ? Nous faut-il désespérer des prêtres eux-mêmes ? Nous faut-il désespérer de la prédication apostolique, de la succession apostolique, de notre foi ?

Le désespoir est ce que notre Adversaire cherche. Le but de toute tentation, n’est pas simplement de faire tomber, mais de faire désespérer de l’amour de Dieu. Souvenons-nous-en, afin de passer du désespoir que l’Accusateur nous inspire à la tristesse salutaire, à la tristesse selon Dieu.

Oui, il y a des choses dont nous devons désespérer. La sainteté des ministres nous renvoie à la sainteté de Dieu, elle ne la remplace pas. Elle n’en est pas la source. Certes, un témoignage d’un saint prêtre est bien plus éloquent que celui d’un pasteur à cœur partagé, mais souvenons-nous que c’est du cœur de Jésus que coule l’amour du Père éternel. Le cœur du prêtre n’en est qu’un relais, nullement la source. Si nous sommes déçu (et à juste titre) par la défection de quelques uns de nos pasteurs, deux chemin s’ouvrent devant nous.

Celui du désespoir et d’abandon. Nous pouvons nous laisser convaincre par la voix de l’Accusateur et d’Adversaire. Malheureusement, les raisons de désespérer ne manquent pas. Un autre chemin est celui d’espoir héroïque et du service. Redisons-nous que ce n’est pas par la sainteté des prêtres que nous sommes sauvés, mais par le sang précieux du Fils de Dieu. Souvenons-nous de lui, Pasteur Eternel de son troupeau qui clame aujourd’hui : Je leur donne la vie éternelle. Jamais mes brebis ne périront et personne ne les arrachera de ma main. Souvenons-nous aussi de témoins fidèles – innombrables ! – que Dieu a mis sur notre route et en qui nous avons vu un reflet de l’amour infini du Père.

Face aux scandales qui tourmentent et ternissent l’Eglise, choisissons d’être des témoins de fidélité et de miséricorde de Dieu. Oui, des péchés extrêmement graves ont été commis. Oui, nous avons pris conscience de la fragilité, de la faiblesse de notre nature. Que cela nous fasse grandir dans l’humilité, dans la défiance de tout triomphalisme venant de nous, mais aussi dans la confiance à Celui qui est notre Bon Pasteur et qui donne généreusement des pasteurs fidèles à son Eglise, à son Epouse. Notre vraie réponse passera par notre engagement et notre sainteté. Par notre amour de l’Eglise, par notre service auprès de nos prochains. Notre service dans nos familles avant tout – Dieu vous a établis Providence et Miséricorde de vos proches. Notre service dans nos paroisses : les vocations naissent dès communautés qui vivent leur foi avec ferveur, joie et humilité. Notre service enfin auprès de notre monde – il a besoin d’entendre que Dieu l’aime et qui d’autre que nous, chrétiens, pourrait le lui dire ?

C’est dans cet esprit que les membres de la fraternité dominicaine de Saintes s’engagent au cours de cette messe. Prions pour leur engagement. Unissons-nous à eux, afin de servir Dieu, différemment, certes, mais dans l’attachement au même Seigneur. Alors nous serons des témoins selon Dieu, alors les pasteurs selon Dieu se lèveront à notre prière.

fr. Pavel Syssoev, op

Frère Pavel Syssoev

Frère Pavel Syssoev