Cette joie que rien, pas même la mort, ne pourra nous ravir

par | 21 avril 2019

Frère David Perrin

Une grande pierre avait été roulée à l’entrée du tombeau. Sous l’ordre de Pilate, les gardes l’avaient scellée. Aucun interstice ne laisser passer la lumière. Le corps de Jésus reposait dans un parfait silence et une obscurité complète. Son cadavre avait été enveloppé dans un linceul et déposé sur une pierre. Il ressemblait à ces proies que les araignées enroulent de soie dans un coin de leur toile avant de les manger. Il gisait là depuis trois jours : immobile, inerte et froid. Le parfum et les aromates que Joseph d’Arimatie avait répandus sur lui embaumaient l’air confiné. Le silence à l’intérieur de la tombe n’était froissé que par quelques insectes qui grattaient et fouillaient la terre.

Au dehors, c’était la nuit. Une nuit de printemps, sans nuage, sèche et froide, piquée d’étoiles. La Pâque, le grand sabbat s’achevait cette nuit-là. Des gardes avaient été postés tout autour du tombeau. La lumière blanchâtre de la lune faisait luire leurs armes. Emmitouflés dans leurs manteaux, ils s’étaient endormis. Jamais ils ne surent ce qui s’était passé à côté d’eux. Aucun bruit, aucun frémissement, aucune lumière ne les réveillèrent.

L’instant où l’âme de Jésus, revenue des enfers, est rentrée dans son corps et lui a redonné vie est resté caché aux yeux des hommes. Son cœur, à cet instant, s’est remis à battre. Son sang a coulé de nouveau dans ses veines. Sa poitrine s’est soulevée en une longue inspiration. Ses yeux se sont ouverts. Sa main a chassé le suaire et repoussé les linges. Ses pieds ont touché le sol. Lui qui était mort est revenu à la vie ! Lui que l’on croyait vaincu est ressuscité !

Jésus a eu raison cette nuit-là du Prince de ce monde. Ce dernier croyait avoir gagné la partie. Ses plans, jusque-là, s’étaient déroulés à merveille. Il était parvenu à retourner la foule contre Jésus, à mettre en fuite ses disciples, à le faire crucifier par ceux qu’il venait, soi-disant, sauver. Le Satan avait tiré toutes les ficelles, manœuvré les grands prêtres et les scribes, pesé sur le sanhédrin et sur Pilate. Il avait joué avec Jésus comme un enfant joue avec une balle. Il l’avait soumis à la main des hommes, jeté à terre, écrasé, frappé, martyrisé. Puis il l’avait laissé agoniser sur la croix, implorant piteusement son Père de lui venir en aide… Il regrettait seulement qu’il soit mort si tôt, sans avoir eu le plaisir de lui briser les jambes. Mais peu importe, ce prophète était mort pour de bon. À défaut de pouvoir retenir son âme, il avait eu sa peau, la sale petite carcasse de cet homme qui l’avait humilié au désert. Le cadavre de Jésus était là, bien gardé, emmuré. Tout se déroulait donc comme prévu pour lui jusqu’à ce troisième jour, jusqu’à ce cri de joie au milieu de la nuit : « Voici l’époux qui vient ! Le lion de Juda s’est réveillé ! Il est ressuscité ! Allez à sa rencontre ! » L’alléluia des anges et des justes libérés des enfers a ébranlé le ciel et la terre. Il a couvert le hurlement de la bête qui s’enfuyait au loin. La mort est à l’agonie ! La Vie l’a frappée d’une blessure mortelle !

La lumière qui s’est levée aujourd’hui ne pourra jamais plus s’éteindre. Le Christ a semé une joie que rien, pas même la mort, ne pourra nous ravir. Les jours de la Passion sont finis. Mais ceux de la mort sont désormais comptés ! Le compte à rebours, pour elle, a commencé. Tous les barrages qu’elle avait construits cèdent les uns après les autres. L’eau de la grâce se déverse dans le monde. C’est l’eau de la croix, l’eau du côté du Christ crucifié, aujourd’hui ressuscité, l’eau de la Pâque, l’eau du grand Passage, l’eau du baptême. Les flots de la Vie éternelle jaillissent du tombeau vide et rendent la vie aux hommes.

Vous qui portez le nom de chrétiens, vous qui avez été sauvés par lui, allez répandre dans le monde l’heureuse nouvelle de cette nuit, allez de toutes les nations, dit le Seigneur, faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde.

Frère David Perrin

Frère David Perrin