Un commandement nouveau

par | 21 mai 2019

Frère David Perrin

Sérieusement, vous en avez pas marre d’entendre chaque dimanche la même chose ? C’est toujours la même rengaine, toujours la même chanson : « Aimez-vous les uns les autres… » Blablabla… Ça fait des années, des siècles, des millénaires qu’on nous rebat les oreilles avec ça. On n’est pas contre bien sûr ! C’est bien le problème d’ailleurs. En gros, on est tous d’accord ! Même Gilbert Montagné, même Marlène Schiappa nous disent qu’on va s’aimer, qu’il faut s’aimer. Alors pourquoi se lever le dimanche matin pour entendre un truc qu’on a déjà entendu des milliards de fois ? Pourquoi qu’on vient à la messe ?

Je suis sûr que vous vous êtes dit tout à l’heure dès les premiers versets de l’évangile : « Ok, j’ai compris, je connais la chanson. Je me rendors et j’attends que ça passe ! » C’est ça ? Ah, je le savais ! Le plus drôle, si vous me permettez une petite parenthèse avant que je finisse l’homélie (vu comme c’est parti, elle va pas être très longue…) c’est de se dire que le Christ a eu le culot de nous présenter le truc comme quelque chose de « nouveau » : « Mes petits enfants, je suis encore avec vous mais pour peu de temps. Je vous donne un commandement nouveau… » On s’attend à un truc extraordinaire, du jamais vu, de l’inédit. On nous vend du rêve et là, bim, la phrase qui casse tout : « Aimez-vous ! » Quoi ? C’est tout ! Mais ça fait plus de quatre mille ans qu’on sait qu’on doit s’aimer. En quoi, c’est nouveau ? On a l’impression que Jésus connaît pas les Écritures. On a envie de lui dire : « Euh, pour info, au cas où tu l’aurais oublié, t’avais déjà dit ça (il y a un petit bout de temps, c’est vrai), dans le Lévitique… Tu sais, le livre que personne ne lit ? Enfin, toi non plus apparemment. Je te rappelle le verset : « Tu n’auras pas dans ton cœur de haine pour ton frère (…) Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Voilà, Lévitique, chapitre 1, 18-19. C’est écrit, là noir sur blanc ! Alors, oui, à l’époque, peut-être, ça a dû faire son petit effet ! Mais maintenant, franchement, le coup du commandement super « nouveau », ça ne marche plus trop.

À moins que… À moins qu’on n’ait rien compris… À moins qu’on ait faux sur toute la ligne, qu’on n’ait pas capté ce que Jésus voulait nous dire. Et si ce commandement était réellement nouveau ? Non pas seulement parce que c’est Jésus qui le dit, de nouveau, mais parce qu’il ajoute ce petit bout de phrase qui change tout : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Comme je vous ai aimés, depuis toute éternité, moi qui suis Dieu, depuis toute éternité et trente ans, moi qui me suis fait l’un de vous, depuis toute éternité et depuis ces trois ans passés jour après jour avec vous. Aimez-vous les uns les autres, mes petits enfants, comme je vous ai aimés, en vous ouvrant mon cœur, en vous révélant le Père, en vous donnant ce après quoi vous courriez désespérés. Aimez-vous les uns les autres, comme je le fais maintenant en vous lavant les pieds, comme je le ferai dans quelques heures, en mourant sur la croix, pour vous, par amour pour vous.

S’aimer les uns les autres à la manière du Christ, c’est du jamais vu, c’est aimer d’un amour qui ne peut pas passer, qui ne peut pas vieillir, qui ne peut pas s’user. Cet amour vient d’ailleurs. Il vient des entrailles de Dieu, du plus profond de son cœur. C’est pourquoi il est toujours nouveau, toujours jeune. Il est jeune d’une jeunesse éternelle. Il rajeunit celui qui le donne et celui qui le reçoit, quel que soit son âge. Il renouvelle ses forces et fait de lui un être nouveau.

Quand nous ne savons plus où aller, plus quoi faire, plus quoi dire, quand nous ne savons plus ce que nous faisons sur cette planète, ce commandement demeure. Il est notre lumière, celle qui ne s’éteint pas, notre raison de vivre, celle qui résiste à toutes les épreuves. Nous sommes faits pour aimer non pas à la manière des hommes mais à la manière de Dieu fait homme. L’amour qui jaillit du cœur transpercé du Fils vient tout droit du Père. C’est l’amour du Père et du Fils, l’Esprit Saint donné aux assoiffés. Il entraîne ceux qui le reçoivent et ceux qu’il touche à travers eux, par-delà cette vie, par-delà la mort, jusqu’en paradis. Si nous gardons sa parole, si nous gardons ce commandement nouveau.

Frère David Perrin

Frère David Perrin