La croix glorieuse

par | 14 septembre 2020

Frère David Perrin

Les poètes usent volontiers de l’oxymore, cette figure de style qui consiste à rapprocher deux termes dont les significations paraissent se contredire. Corneille, par exemple, évoque « l’obscure clarté qui tombe des étoiles », Nerval, « le soleil noir de la mélancolie ». L’Église use-t-elle, également, de cette figure de style quand elle célèbre « la croix glorieuse » ? Je ne le crois pas. Une grande différence sépare l’obscure clarté de Corneille et le soleil noir de Nerval, de la croix glorieuse du Christ. Le soleil n’est pas réellement noir. La lumière projetée par l’explosion d’une étoile n’est pas réellement obscure. Or, la croix du Christ est réellement glorieuse. Comment est-il possible de dire une chose pareille ? Parler d’une croix glorieuse, c’est comme parler d’une chaise électrique glorieuse ! Il y a de quoi être scandalisé. Mais la croix dont nous parlons est unique. Car l’homme qui a été cloué à elle est Dieu. La vertu divine qui habitait son cœur a donné une valeur et un prix incomparables à ses souffrances. Chaque goutte de sang versée sur le bois de la croix a été donnée en rémission de nos péchés, offerte en sacrifice, pour notre salut. Ce que nous prenions pour une souffrance stérile était, en réalité, une souffrance féconde. Ce que nous prenions pour une défaite était, en réalité, une victoire. Ce que nous prenions pour une agonie était, en réalité, une vivification. Dire que la croix est glorieuse n’est donc pas une figure de style. C’est la vérité : la plus stricte, la plus nue, la plus pure vérité.

Frère David Perrin

Frère David Perrin