La résurrection : la vie, la vérité et l’amour

par | 13 avril 2020

Frère Gilbert Narcisse

Marie Madeleine, Pierre et Jean, 

la vie, la vérité et l’amour. 

Marie Madeleine, la vie, car il fallait une femme pour témoigner de la vie d’abord, de la vie donnée, de la vie mise au monde, d’une vie vraiment vivante, malgré le péché.

 Saint Jean, l’amour, car il est celui que Jésus aimait, l’amour qui court le plus vite, l’amour qui voit et qui croit, et même qui peut croire sans avoir vu, et en être heureux.

 Saint Pierre, enfin, la vérité, car il entre le premier dans le tombeau et tout commence par la vérité. Il est le premier à constater ce tombeau vide et donc que le mort et la mort ne sont plus là. Il a bien fait, Pierre, de croire Marie Madeleine et sa parole de vie ; il a bien fait de venir avec Jean, le témoin de l’amour, ce même amour chez qui demeure la Vierge Marie, la Mère des vivants. Il sera vraiment cette pierre sur laquelle est construite l’Eglise, faite de pierres vivantes.

Ils sont là, tous les trois pour être avec nous, même si notre assemblée est physiquement dispersée, mais pas nos cœurs.

Ils sont là, tous les trois pour que notre Pâque soit plus humaine, en quelque sorte. 

Ils sont là tous les trois pour que l’histoire sainte prenne son sens : la Cène, la Croix et le Samedi-Saint, enfin en pleine lumière, dans la lumière née de la lumière, lumière ressuscitée dans la lumière.

Ainsi, la vie, l’amour et la vérité, dans une même foi, pour nous faire comprendre les Ecritures, car selon « l’Ecriture, nous dit saint Jean, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Le Christ ressuscité, plénitude des Ecritures ; le Christ ressuscité, plénitude du Dieu vivant ; le Christ ressuscité, plénitude du Dieu amour, fort comme la mort ? Non : plus fort que le mort !

Curieusement, Jésus, lui, n’est pas là ou pas visible. Pour l’instant, ce qui compte, c’est le tombeau vide, bien constaté, officiellement constaté, amoureusement constaté. Ce qui compte, ce  n’est pas la disparition de Jésus, mais ce sont les linges posés à plat, le suaire roulé à part, autant de signes qui ne trompent pas : non, Marie Madeleine, on n’a pas enlevé ton Seigneur, car alors on aurait tout pris, et le corps et les linges. C’est beaucoup plus profond : tout ce qui exprimait la mort est totalement dépassé par un mystère si extraordinaire, qu’aucun témoin ne pouvait le voir. Ton Seigneur, Marie Madeleine, a pour ainsi dire, remplacé la mort, congédié la mort, en la réduisant à presque rien. Certes, il faudra bientôt les apparitions du ressuscité pour être vraiment convaincu. Mais déjà, comme Jean, avec les yeux de l’amour, on voit que la mort n’est plus là. Même si elle ne disparaît pas totalement, rien ne sera comme avant, si l’on veut bien croire en Jésus ressuscité d’entre les morts.

La résurrection du Christ est un événement absolument unique. Elle remplit tout, le temps et l’espace redéfinis par Dieu ; la résurrection est plus intense que tous les soleils ;  plus grande que l’univers, tel ce fameux petit roseau pensant et ici en plus et surtout, dans l’humanité de Jésus, un roseau aimant, qui a plié et s’est redressé. Car la résurrection s’est effectuée entre ciel et terre : impossible de la voir ; impossible de l’imaginer, quasi impossible de la contredire sérieusement. 

Ce qui est possible, c’est ce constat d’un mort absent, une mort privée de victoire, comme le rediront bientôt les apparitions du Ressuscité. Désormais toute mort est touchée par cette résurrection. La puissance divine qui a métamorphosé la mort est tellement remplie d’amour, de lumière et de vie surnaturelle, qu’elle dépassera toujours le simple constat humain, scientifique ou historique. Elle dépassera aussi nos désirs, nos délires et surtout nos résignations fatalistes. 

Quel renversement pour ceux qui ont été imprégnés, chaque minute, par la Passion, par chaque centimètre du chemin de Croix et, au sommet, la mort de celui qui est maintenant ressuscité. Il avait tellement souffert, il était tellement mort, est-il possible que tout cela soit changé ? Est-il concevable que tant d’apparences visibles, de chair blessée, douloureuse, sanglante, soient ainsi transformées en une vie nouvelle, encore plus belle, encore plus vivante, pleine de joies inconnues ? Ce Verbe de Vie, qui était dès le commencement et qui a voulu connaître la fin, pas n’importe quelle fin, celle de la mort, eh bien, tout recommence aujourd’hui, on l’entend, on le voit, on le contemple, on le touche, dira encore saint Jean, le témoin du tombeau vide.

Depuis des semaines, dans  notre monde, on parle beaucoup de la mort. On n’en parlait pas beaucoup avant. Sans doute, pas assez, car on cache volontiers ce qui dérange nos habitudes sans Dieu, comme si cela n’existait pas et n’avait aucun sens. La mort, on en parle beaucoup, maintenant, peut-être trop, sûrement trop quand c’est d’abord avec des chiffres, règne de la quantité, de l’abstraction pratique, anonyme, sans âme et sans visage.  Pour Dieu, il n’y a pas dix mille morts, mais à chaque fois un visage unique.

Car du point de vue statistique, la résurrection de Jésus est absolument nulle et impossible. Plus encore, que cette résurrection soit source de la résurrection de tous les hommes, c’est archi nul, toujours du point de vue statistique. Mais pas du point de vue de Dieu. Alors la mort, tous ces morts, que fait Dieu ? Il ressuscite et nous fait ressusciter. Nous le voyons bien, mais si, à l’inverse de saint Jean, nous ne croyons pas encore, c’est qu’il nous manque ce regard de l’amour, et puis aussi celui de Marie Madeleine, de la vie malgré le péché, et puis celui de Pierre, la vérité que l’Eglise proclame depuis deux mille ans. Si nous sommes croyants et que nous doutons de la résurrection, notre foi est vide, dit saint Paul, un tombeau vide sans l’espérance de la présence du ressuscité.

Tous ces morts, chaque mort, chaque mort proche de nous, durant cette épidémie, tout cela restera un mal et un mystère que personne ne peut expliquer. Ce qui est sûr, c’est que Dieu n’aime pas la mort. Elle a fait horreur au Christ, au moment de son Agonie ; elle fait horreur à Dieu depuis toujours, parce qu’il n’a pas fait la mort des créatures spirituelles et ne se réjouit aucunement de la mort de ses amis, et même de ce qui croit être ses ennemis. Que fait Dieu ? Il ressuscite, en ce jour de Pâques. Il redonne à ce cœur transpercé sur la Croix un battement nouveau, qui pourrait être ce cœur nouveau prévu par Dieu, si bien représenté par Marie Madeleine, Pierre et Jean, et finalement, par tous les hommes.

Oui, l’épidémie : on nous parle de morts, de chiffres et de confinement. On le comprend, nous somme dans la peine. Dieu n’est pas loin de notre peine mais il préfère seulement nous parler aujourd’hui d’une autre vie, d’une autre vérité, d’un autre amour et d’un dé-confinement à mesure céleste. La mort est égoïste, elle garde tout pour elle et nous laisse dans la tristesse. La mort de Jésus ne garde rien pour elle et transforme tout : Marie Madeleine, la vie par dessus tout ; Pierre, la vérité et le testament de Dieu définitif; Jean, toujours avec la Vierge Marie, l’amour encore et donc, malgré tout, la joie de Pâques, du Christ ressuscité, vraiment ressuscité.

Frère Gilbert Narcisse

Frère Gilbert Narcisse