L’arbre et le « moine »

par | 23 mars 2020

Frère Nicolas-Bernard Virlet

Ce que nous traversons est une épreuve spirituelle et humaine dans toutes ses dimensions familiales et sociales. Certaines inégalités structurelles y redeviennent plus saillantes, mais non sans inversions signifiantes aussi …

Certains traits de la vie monastique peuvent nous aider : ces religieux qui se sont « séparés du monde pour être mieux unis au monde » (Evagrue le Pontique). Ils l’ont fait par amour suite à un appel intérieur du Christ Sauveur, pour témoigner que la vie avec et pour Dieu, pour laquelle nous avons été créés pour l’éternité bienheureuse, peut combler le cœur d’un homme ou d’une femme dès ici-bas.

Leur métier principal est de prier ensemble fidèlement sept fois par jour (Ps 118,164), par la louange et l’intercession : ils y portent les actions de grâce et les peines des hommes. Et ils ont à côté de cela tous les services mutuels de la vie communautaire et le travail de la terre et divers artisanats.

Les moines ne font pas de bruit. « Le bien ne fait de bruit ». Ou comme le dit un autre proverbe : « Ce sont toujours les tonneaux creux qui font le plus de bruit » Leur prière est comme les poumons du monde, qui, silencieusement, donne fidèlement le bon air, l’oxygène, le souffle de Vie au monde, comme à notre corps, sans que nous le remarquions, tout au long des jours et des nuits.

Thomas Merton disait : « Les moines sont comme les arbres qui existent silencieusement dans l’obscurité : par leur présence, ils purifient l’air autour d’eux“. Ils absorbent le gaz carbonique et restituent l’oxygène Ainsi en-est-il silencieusement des contemplatifs, qui prient, par charité dans la foi et dans l’espérance, pour tous les intentions de joies et de peines des hommes leurs frères. Par l’offrande de leur vie pour le monde,  à la suite du Christ, l’unique et vrai Sauveur, ils sont ainsi la respiration invisible et vitale de L’Eglise, de l’humanité entière.

Pour beaucoup, nous sommes confinés pour quelques semaines. Une prière plus régulière, seul ou en famille, comme un rythme de respiration, au long des journées à la maison, – par exemple le matin, avant les repas, le soir – purifiera progressivement l’air déjà de notre propre cœur : et aussi de nos relations familiales qui sont souvent éprouvées par cette réclusion obligée pour le bien de tous.

Ce qui est d’ailleurs Etonnant, c’est que ce repli relationnel obligé, qui nous sépare les uns des autres, rend attentif à beaucoup de détresses qui nous échappaient avant. Tant de très belles initiatives discernées et attentionnées dans l’ingéniosité de la vraie charité. Oui : « séparés de tous » pour quelques semaines «  pour être plus unis à tous ».

Une suggestion parmi tant d’autres propositions : la prière avec et par Marie. Un chapelet, matin, midi et soir … le Rosaire. Soit 150 « Je vous salue Marie », le psautier des pauvres que nous sommes tous devant notre Sauveur. Cette prière si simple et accessible à tous qu’aimaient tant les moines convers cisterciens, qui Relèvent les membres des si belles communautés du Cenacolo, prière si aimée de certains prisonniers …

Occasion de trouver ou retrouver une règle de vie de prière personnelle et familiale plus profonde, portant nos intentions, et celles de tous nos frères malades et des soignants si dévoués et compétents au premier front de ce combat. Rythme de Respiration qui illuminera progressivement nos journées en ces semaines et purifiera silencieusement l’air de notre cœur, de nos relations familiales, du monde, de tous les virus de nos péchés, non moins contagieux et sournoisement mortels que ce « connard de virus ».

L’humble prière personnelle et communautaire du chapelet est un remède essentiel pour toutes les maladies de l’âme et du corps.

Frère Nicolas-Bernard Virlet

Frère Nicolas-Bernard Virlet