Les mages et l’enfant-étoile

par | 5 janvier 2020

Frère Pavel Syssoev

Les mages, qui sont-ils ? Des sages et des prêtres des nations païennes, ceux qui lisent dans les étoiles, ceux qui discernent l’avenir, ceux qui cherchent la sagesse.

Le monde terrestre est changeant, instable, sans cesse dévoré par la mort. Les étoiles, elles, suivent leur course, impassibles. Elles semblent éternelles, incorruptibles, inaltérables. Scruter les cieux pour déchiffrer la volonté divine, lire dans ce rythme des astres la naissance et la chute des mondes – voilà le rêve des mages, ces sages du monde païen. Ils surgissent parfois dans le récit biblique, pour revenir ensuite vers leurs pays lointains. Leur chemin passe sur les bords des Ecritures d’Israël, ils avancent en marge.

Souvenez-vous de Balaam, ce prophète d’Orient, engagé pour maudire le peuple élu qui monte vers la terre promise. Il n’est pas le fils d’Israël, mais il est le prophète du vrai Dieu. Balaam dit ce que le Seigneur lui fait dire, il annonce ce que le Très-Haut lui fait voir. « Je vois – mais pas pour maintenant –je l’aperçois – mais pas de près : un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël » (Nb 24). Le prophète des nations, il proclame une des plus belles promesses messianiques : l’enfant-astre, le fils-étoile inaugurera la royauté divine. Balaam, le mage, livre cette parole et l’emporte avec lui, dans la nuit des temps.

Le temps passe. L’ordre des astres est immuable. Ici-bas, des naissances et des morts, en -haut – le mouvement rythmé, imperturbable. Et voilà qu’un astre nouveau se lève. Une étoile inconnue apparaît, et les mages se mettent en route. Ils avancent du fond des temps, ils viennent des pays lointains, ces chercheurs de sagesse, ces quêteurs des signes.

Quel espoir les anime ? Quel désir les guide ? Voire le fils des cieux, le roi d’Israël, le prince de la paix. Trouver celui qui libère de la mort, celui qui affranchit de la corruption. Trouver le Verbe qui donne sens à nos paroles. Trouver la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde. Trouver le Fils qui fait de nous des fils.

Ils viennent de loin. Ils sont des prémisses de tous ceux qui cherchent Dieu, de tous ceux qui scrutent les cieux, avides de lumière. Ce sont nos anciens, nos guides, nos maîtres. Ils sont aussi l’éternelle jeunesse du désir et de la quête, de la vie vouée à la poursuite de ce pain unique qui peut rassasier le cœur de l’homme, le cœur de tout homme – l’unique parole sortie de la bouche du Très-haut, celle qui fait vivre.

Ces mages nous devancent. Et nous mettons nos pas dans les leurs. Nous venons de tous les horizons, de toutes les époques, animés d’une même quête : adorer la sagesse venue dans le monde, nous prosterner devant le Verbe fait chair, reconnaître en fils de Marie, l’enfant-étoile, le fils du Très-Haut.

Les mages déposent en notre nom, et nous déposons à leur suite, de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Nous offrons nos désirs les plus vrais, ce qui nous fait vivre – l’or de notre âme. Nous offrons notre adoration, silencieuse, paisible, sereine – l’encens de nos vies. Nous offrons notre amertume, notre fatigue, notre souffrance – la myrrhe de notre mortalité.

Nous venons de loin et notre marche est longue. Les empires s’élèvent et s’effondrent. Les civilisations s’élancent et disparaissent. Les époques et les saisons tournent, impassibles. Sur les marges de grande histoire, s’impriment les pas discrets des mages, chercheurs de Dieu. Hérode dans toute sa lugubre gloire n’est qu’une ombre. Les puissants et les grands ne font que passer. Le monde passe : lui, sa gloire, ses convoitises. Demeure l’enfant-étoile, avec sa Mère, avec Joseph, avec ses mages, venus de si loin, prosternés à leurs pieds.

Frère Pavel Syssoev

Frère Pavel Syssoev