Raclette-couette ou résurrection ?

par | 11 novembre 2019

Frère Sébastien Perdrix

Il y a ce qu’on appelle des plats de saison. En automne, comment ne pas penser aux châtaignes grillées sur un feu de braises, à un pot-au-feux bien garni ou bien encore à un généreux potiron farci. La simple évocation de ces plats de saison me donnent l’eau à la bouche… La cuisine a ses saisons. Il en va de même pour la foi, au moins sous nos latitudes. Il y a en effet des sujets de foi qui font écho à l’automne.

Imaginez une fraîche journée de novembre. Bottes aux pieds, vous profitez d’une éclaircie pour aller marcher en forêt. La lumière automnale n’a pas de mal à se frayer un chemin dans cette forêt où les arbres se dénudent, chacun à leur rythme. Le sol est moins dur qu’à l’accoutumé. Il est déjà couvert d’un manteau de feuilles jaunes, ocres et rouges. Cela sent bon. Cela sent l’humus, les feuilles en décomposition… En fait, cela sent la mort. Il est déjà 16h passé et la lumière se fait blafarde. Il est loin l’été et ses jours qui ne finissent pas. Elle est loin l’impression d’éternité. D’ailleurs, nous le savons. Il y a un temps pour tout et l’automne est le temps de penser à nos morts et notre mort…

L’automne, c’est aussi la saison des chrysanthèmes. Nos tombeaux ne sont plus gris, mais fleuris, tout en couleurs ! C’est beau un cimetière début novembre. C’est un peu le printemps avant l’heure. C’est le printemps de la foi et de l’espérance. Car lorsqu’un chrétien se souvient de ses défunts ou se rappelle qu’il est mortel, un mot, un seul mot, lui vient au cœur : résurrection. Alors que ceux qui vivent sans espérance fuient la pensée de la mort comme un trou noir prêt à les engloutir, les chrétiens se souviennent d’un matin de printemps. Dans un jardin de Palestine, parsemé de fleurs et baigné de rosée matinale, la pierre d’un tombeau a été roulée. Un suaire dépouillé de son cadavre git à terre. De ce tombeau à jamais vide brille l’espérance du monde : « Mort, où est-elle ta victoire ? Mort, où est-il ton aiguillon ? » (I Cor. 15, 55).

Ainsi, contrairement au reste des hommes qui n’ont pas d’espérance, nous ne nous désolons pas. Nous ne vivons pas  dans l’ignorance au sujet des morts (1 Th. 4, 13). Nous n’avons que faire de l’ironie moqueuse des Sadducéens modernes. « Ah bon, comme cela vous êtes chrétiens ? Vous m’avez l’air brave et intelligent pourtant. Vous croyez vraiment que les morts ressusciteront, avec un corps et tout le bazar… ? Faudrait peut-être penser à grandir. » Oui, nous y croyons et même fermement. Car nous avons la certitude, celle qui vient de la foi, que le Christ est ressuscité des morts et nous sommes tous appelés à « avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts. » (Lc 20)

La pensée de la mort et l’espérance de la résurrection ne doivent donc jamais être dissociées ! Sinon nous serons condamnés à vivre comme ceux qui n’ont pas accueilli le divin réconfort. A l’approche de l’hiver, au sens propre et figuré, nous irons nous réfugiez sous nos couettes, entre raclettes et divertissements jusqu’au retour du printemps. Et lorsque celui-ci sera revenu avec la promesse de ces week-ends de trois jours et ses journées ensoleillées, nous aurons l’illusion que finalement la vie, ce n’est pas si mal… en attendant le prochain hiver. Et nous repartirons pour un cycle, alternant consolations sensibles et désolations mortifères. Et un jour, tout s’arrêtera.

Vivre ainsi, ce n’est pas vivre, c’est survivre ! Nous méritons mieux. La vie humaine n’est pas un voyage sans destination où les accalmies succèdent aux dépressions et vice-versa. Si l’en est ainsi, nous sommes alors les plus malheureux des animaux, car nous savons que nous allons vers la mort, vers un trou noir sans fond.

Heureux sommes-nous dès à présent d’être habités par la bienheureuse espérance de la résurrection. Nous ne sommes pas des vivants en sursis, déjà gagnés par la dégradation. Nous sommes appelés à entrer dans la plénitude de la vie à la suite du Christ, le premier-né d’une multitude de frères. Vivons dès à présent, non dans une course sans but pleine de divertissements, mais comme des enfants de Dieu et de la résurrection.

 

fr. Sébastien Perdrix, op.

Frère Sébastien Perdrix

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