Saint Raymond, apprends-nous à surfer !

par | 7 janvier 2020

Frère David Perrin

Le nom de saint Raymond de Penyafort ne vous dit sans doute pas grand-chose ! Juriste éminent, confesseur hors-pair, troisième maître de l’Ordre des Prêcheurs, saint Raymond a toujours eu le souci du salut de tous : des chrétiens, des juifs, des musulmans, des petits et des grands de ce monde.

Il fut notamment le conseiller spirituel du roi Jacques Ier d’Aragon, « le conquérant », « le belliqueux », comme on l’appelait, un homme pour qui il avait beaucoup d’affection mais à qui il n’hésitait pas à dire ses quatre vérités, surtout sur ses aventures extra-conjugales…

Un jour qu’il était à Palma de Majorque avec le roi, il apprit que ce dernier allait rendre visite à une dame de la cour pour lui chanter sa sérénade, un air d’un certain David Guettaïus, dit-on. C’en était trop ! Le saint décida de quitter la petite jet set et de retourner illico à Barcelone ! Mais le souverain refusa catégoriquement. Il interdit à tous les marins de l’île de le prendre à leur bord, de lui vendre ou de lui louer un bateau.

Raymond faisait les cent pas sur la plage, pestant et fulminant contre le roi. Devant lui, la mer étincelait de mille feux, au soleil de midi. Le vent soufflait fort ce jour-là. Pris d’une inspiration soudaine, saint Raymond s’élança sur la plage, courut, étendit sur le sable mouillé sa chape noire qui, ô miracle, se raidit comme une planche. Il releva le pan de sa chape pour en faire une voile, le maintint avec un bâton et sauta sur elle. Le vent s’engouffra aussitôt dans la voile et le poussa à une vitesse fulgurante !

Le saint s’en donnait à cœur joie sur les eaux : roller, take off, cute back… Raymond avait la science infuse de la vague ! En le voyant ainsi surfer, le roi comprit son péché et fut pris d’un immense regret. Après un dernier salut à la cour stupéfiée, le saint fila, couronne au vent, jusqu’à Barcelone où il fit, vous l’imaginez, une entrée triomphale !

Qu’est-ce que la tradition veut nous dire à travers ce miracle ? Sans doute que l’habit religieux est le signe de la chasteté qui permet de surfer sur nos désirs, d’en utiliser l’énergie vitale, d’en épouser le mouvement, tout en les dominant et en faisant quelque chose de juste, de beau, d’artistique.

Comme le roi d’Aragon, nous nous laissons trop souvent prendre dans les vagues et les rouleaux de nos passions charnelles, et finissons pas couler à pic. La vertu de chasteté nous concerne tous, qu’on soit célibataire, marié, père ou mère de famille… et nous, religieux, nous sommes appelés par Dieu à en montrer la beauté, d’une manière spéciale, à la manière de saint Raymond.

Par cette vertu, nous contrôlons la planche de nos désirs, nous passons au-dessus des déferlements passionnels qui s’emparent de notre âme. Nous cassons la trajectoire de nos penchants désordonnés (c’est ce que saint Raymond appellerait un snap back vertueux), nous sortons vainqueurs du tube des tentations et nous nous élevons, par de gracieux aerials, jusqu’au ciel.

Saint Raymond, apprends-nous à surfer !

Frère David Perrin

Frère David Perrin