Le retable de l'Apothéose de Saint François-Xavier

Peinture de François-Hubert Drouais, Guillaume II Coustou (1758), musée national des châteaux de Versailles et des Trianons.

Le décor du chœur de l’actuelle église Saint-Paul-et-Saint François-Xavier ne fut entrepris sous la forme que nous lui connaissons aujourd’hui qu’en 1741 et achevé en 1748, alors que l’édifice avait été construit entre 1663 et 1676. L’autel et son tabernacle, le fond du chœur contre lequel s’adosse l’apothéose de saint François-Xavier et le baldaquin qui la surmonte forment un ensemble complexe mais cohérent grâce à son unité stylistique. Il a fallu pour aboutir à ce résultat la conjonction de deux talents : celui du sculpteur parisien Guillaume Coustou et celui du Bordelais Pierre Vernet, sans doute le meilleur sculpteur de la ville, habitué aux grandes commandes religieuses. Y eut-il concertation entre les deux personnages ou le programme fut-il dirigé par les Pères jésuites ? C’est la seconde solution qui paraît la plus vraisemblable, Coustou sculpta le tabernacle de marbre vert et le groupe de l’apothéose dans son atelier de Paris, les deux œuvres  ne furent acheminées pour leur mise en place qu’après leur total achèvement. On prétend que le jeune sculpteur accepta cette difficile commande pour prouver son talent propre, lui qui avait déjà un nom et un prénom célèbres y gagna un numéro et un qualificatif puisque pour le distinguer de son père on l’appellera désormais Guillaume II Coustou ou Guillaume Coustou le jeune.

Le complément du décor en marbre rouge du Languedoc figure un immense baldaquin dans lequel s’inscrit l’œuvre de Coustou. Deux paires de colonnes et quatre pilastres à chapiteau corinthien doré juchés sur de très hauts socles soutiennent un entablement à frise nue et corniche à denticules sur lequel repose les supports en forme de volutes du couronnement au centre duquel règne le triangle de la Trinité dont les rayons brillent jusqu’à la voûte en berceau du chœur. Il est entouré de nuées et d’angelots. Un gros cartouche orné du monogramme du Christ broche sur la partie centrale de l’entablement, soutenu par d’autres angelots. Des chutes d’objets liturgiques et religieux ornent les panneaux à cadre aux angles rentrants adoucis qui ferment le fond du chœur entre les pilastres.

L’histoire de Saint François-Xavier

On rappellera ici simplement pour mémoire que François naquit en 1506 en Navarre, qu’il fut à Paris parmi les premiers compagnons de saint Ignace qui l’envoya en mission en 1540 vers les Indes. Il mourut en 1552 d’épuisement en vue de la Chine après avoir visité et converti des milliers de fidèles en Inde, en Indonésie, dans les Moluques et au Japon.

L’iconographie de saint François-Xavier, rendu populaire dès après sa disparition est plutôt abondante. Elle s’est très vite enrichie dans des proportions frisant le peu raisonnable. A sa mort il avait par exemple été reconnu auteur d’une guérison miraculeuse et au milieu du XVIIème siècle on lui en accordait une bonne cinquantaine. Outre dans l’exercice d’innombrables scènes de guérison, le missionnaire est le plus souvent représenté la soutane entrouverte laissant apercevoir son cœur enflammé, il tient fréquemment contre sa poitrine le crucifix que lui avait confié Ignace lors de son départ en Orient, crucifix auquel il tenait d’autant plus qu’il l’avait perdu en calmant une tempête au large des Moluques et qu’un crabe avait eu la délicatesse de le lui rapporter alors qu’il avait débarqué sur une plage de l’archipel. Ce crabe a fini par devenir l’un de ses attributs et se trouve souvent représenté à ses pieds. On trouve également de nombreuses représentations du saint expirant dans sa hutte de Sancir alors que s’éloigne le navire qui l’a déposé en vue des côtes de la Chine.

A Bordeaux la légende dorée est abandonnée. Les auteurs ne sont pas d’accord sur l’iconographie, la plupart y voient une apothéose du saint dont le professeur Tallard qui la rapproche de la fameuse Transverbération de sainte Thérèse, d’autres y voient plutôt une assomption dont François-Georges Pariset qui la décrivait en ces termes savoureusement nationalistes : Assis sur des nuées, le saint. Plis des étoffes, franges, broderies, dentelle, mouvement des bras étendus, des mains ouvertes, tout est naturel, sans ostentation, et le visage juvénile exprime une adoration confiante. Réalisme, agitation, mysticisme, ces éléments qui deviennent dans le rococo européen vérisme et outrance, sont ici tempérés par la mesure et la distinction française et, au-delà des formes, l’émotion religieuse manifeste des qualités analogues de douceur, de retenue et de grave conviction.

Écrit de Philippe Maffre