Votre sainteté ? Choix de Dieu et aventure !
Votre Sainteté ? – Choix de Dieu et Aventure !
Fr. Hugues-François Rovarino, dominicain, Toussaint 2011
Apoc.7, 2…14 ; Ps. 23 ; 1°Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a
Quand le jour s’est levé ce matin de la Toussaint, une phrase est venue frapper mon esprit ; elle osait me tirer du sommeil en répétant : « Soyez saints car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » (Lv 12,2). Tous mes levers ne sont pas aussi frappants ; mais je reconnais que là, je me suis demandé si je ne rêvais pas encore. Il est possible que vous ayez parfois des songes semblables. Il est même probable que vous avez le désir grand et vrai de la sainteté ; mais se réveiller avec un tel commandement de Dieu, c’est stupéfiant, non ? Pourtant j’espère que cela va vous arriver aussi, si cela n’a pas déjà eu lieu, car : « La seule tristesse, c’est de ne pas être des saints » (Léon Bloy).
Ainsi avec la Toussaint y a-t-il au moins un jour dans l’année où nous sommes appelés par le Seigneur à penser à nous ! Oui, à y penser sans fausse culpabilité, à y penser abondamment, et presque à y penser avec gourmandise, sans retenue. Je n’ignore pas que les saints dont je devrais parler sont morts ; et morts pour beaucoup d’entre eux depuis des siècles. Seulement, alors qu’il nous est donné par Dieu de « célébrer en une même fête la sainteté de tous les élus », nous leur demandons d’intercéder en notre faveur ; et avec eux nous sollicitons Dieu : « réponds à nos désirs, accorde-nous largement tes grâces », et à toute heure ; car avec Dieu nous sommes souvent exigeants. Si cette foule immense de saints et saintes méconnus des hommes est une foule partageant la vie de Dieu, les saints nous intéressent au plus haut point, nous, les vivants. Tous ont précisément accompli ce que nous essayons d’accomplir chaque jour ; ils sont nos aînés et nos guides. Non seulement ils peuvent nous montrer le chemin, mais ils portent le désir de nous entrainer sur cette voie. On le sait, on le sent : « La sainteté est une aventure, elle est même la seule aventure » (Bernanos) ; cette parole devrait trouver notre cœur disposé à l’écouter, notre esprit à lui donner raison, notre être à partir pour cette aventure-là. Mais… qu’est-ce que cette sainteté ? Le mot est facile à lancer, ou à rejeter voire à esquiver ; mais de quoi s’agit-il ? On l’attribue à Dieu que les anges et nous-mêmes pouvons acclamer : « Saint, Saint, Saint, le Seigneur ». On pourrait penser que ce mot n’est pas pour nous. Nous pourrions nous croire incapables de vivre le grand désir que Dieu lance vers nous ; et invoquer mille raisons pour le parasiter, ou – qui sait ! – pour que Dieu nous oublie ; oui, mille raisons pour fuir : depuis la prétention à devenir soudain lucide sur soi-même jusqu’à une modestie plutôt fausse mise en avant, et dont nous tirerions une excuse lâche. Du genre : moi je ne suis pas Mère Teresa, ni s. Dominique, ni s. Paul. Mais Dieu le sait déjà ! En revanche, l’humilité nous appelle à accueillir la Parole de Dieu. Et la sagesse chrétienne nous demande de choisir et de revêtir la Sainteté divine. Ni plus, ni moins.
Alors quel est donc votre choix ? Dans la proclamation de la Liturgie de la Parole, parmi ces scènes variées déployées dans le ciel, les interrogations du Psaume, les confidences d’une lettre, ou encore les proclamations de Jésus sur les flancs d’une colline de Galilée, que retiendrez-vous ? Plaçons-nous le comble à notre joie dans cette reconnaissance : « Comme il est grand, l’amour dont le Père nous a comblés ! » Ou pressentons-nous que les béatitudes peuvent dessiner notre portrait intérieur ? Oui, quel est notre choix ? Il ne s’agit plus d’une simple question de spectateur : « Tous ces gens vêtus de blanc, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? » Mais reconnaissons que notre existence peut être transformée ! Ayons conscience que nous n’avons qu’une vie, et que nous aimerions qu’elle soit divinement belle. Voilà ce qu’il faut rechercher chaque jour ; et le demander dans un cœur à cœur avec Dieu : une vie ardente, lumineuse, transfigurée par la charité dont le Seigneur nous abreuve ; mieux qu’un reflet, ou un signe, une vie qui soit la réalisation personnelle d’une grâce « répandue en nos cœurs par l’Esprit-Saint ». Que ce cœur à cœur soit fidèle, à défaut d’être toujours long ! Et notre vie sanctifiée portera notre prochain comme le font les saints envers nous ; l’aventure sera communautaire, ecclésiale ! En outre, nous serons heureux de faire du bien !
Qui espère la vie des bienheureux ne peut se contenter de traverser le temps, préoccupé par les soucis et soucieux de bons gestes ; cela ne suffira jamais. Car toute personne humaine est créée « à l’image et à la ressemblance de Dieu », aspirant à participer à la ronde bienheureuse des élus, à y communier pour toujours ! Alors, « heureux les pauvres de cœur : car le Royaume des cieux est à eux ! » C’est un fait qui s’épanouira chez « les cœurs purs, car ils verront Dieu » ; et cette contemplation sera une transformation radicale. Notre vie est appelée à s’accomplir comme cette aventure la décrit magnifiquement : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement. Nous le savons : lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est. Et tout homme qui fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur. »
Aussi choisissons cette espérance : qu’aujourd’hui encore nous recevions la grâce de durer à sa lumière ! Alors cette fête aura été féconde : la sainteté est à notre portée.
fr. Hugues-François Rovarino o.p.