Huitième jour

par | 6 avril 2015

Jour de Pâques
Col 3,1-4 ; Jn 20, 1-9
Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin…
Il y eut un soir, il y eut un matin, huitième jour.
Ce fut d’abord le temps de tristesse, les sombres jours de la Passion. Le soir de notre monde. Le monde où le juste est condamné à mort, où l’ami est vendu, où la souffrance aiguise le plaisir des bourreaux, où les gouverneurs sont des lâches et les chefs religieux des imposteurs – un tel monde est voué aux ténèbres, c’est le soir. Plus encore, si la mort est notre seule certitude et le péché une réalité inévitable – l’enfant vient de naître, je ne sait pas s’il sera riche ou pauvre, brillant ou médiocre, mais je sais qu’il mourra, je sais qu’il commettra le mal – un tel monde est celui du soir. Mais Dieu ne nous abandonna pas à nos ténèbres. Il ne s’est pas retiré, il ne s’est pas contenté de quelques paroles d’encouragement, de quelques conseils moraux. Dieu s’est livré tout entier, corps et sang, entre nos mains, et voilà que la Croix se profile devant le soleil couchant de notre monde. Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu. Mort et enterré. « N’en parlons plus. Notre monde crépusculaire a ses lois, nous sommes fils de ce monde, et ce n’est pas un Fils de Dieu qui les changera» Il y eut de grandes ténèbres sur toute la terre.
Il y eut un soir, il y eut un matin, celui de la Résurrection. La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. De grand matin une femme vient au tombeau. L’absence, le vide. Là où nous attendions une évidence de la mort – un cadavre à pleurer – une ouverture, un passage. Les disciples accourent : le linceul, le linge mortuaire – ces choses si familières au monde du soir sont là, mais lui, Jésus, n’y est plus. Donc ce qu’il disait était vrai : nous ne sommes pas faits pour la mort ! Il vit et il crut. Jésus est donc vraiment Fils de Dieu. Il est vraiment le Vivant, nous sommes donc des vivants ! Bientôt il va apparaître, à Madeleine d’abord, aux saintes femmes, aux apôtres si lents à croire, mais gouttons à cette toute première lumière du matin qui se lève.
Quand Jésus commandait aux esprits mauvais, et ils fuyaient en vociférant, nous croyions qu’il est plus fort que le prince des ténèbres, mais ce monde du mal, il le dominait à distance. Quand il touchait les lépreux, les impures, les reprouvés, il les purifiait, mais sa pureté ne faisait qu’effleurer le mal tout en le faisant disparaître. Quand sa parole tirait Lazare du trou de sa tombe, Jésus, nous le voyions dehors, dans la lumière. C’est du dehors du mal qu’il agissait : le Christ, rayon de lumière dans notre monde du soir. Mais quand il est cloué à la Croix, devenu malédiction et péché pour nous, quand il est déposé vite fait dans une tombe, ce n’est plus au dehors du mal qu’il se tient, mais il en est englouti, happé. Le linceul, le suaire, la pierre, le désespoir, le souvenir de trahison – autant de couches qui le séparent à jamais de nous. Tout est là : le linceul, le linge, la pierre, notre trahison, mais lui est libre, il est dehors. Il est entré dans les ténèbres, et il a brisé à jamais leurs portes. Il y eut un soir, il y eut un matin, huitième jour.
Huitième jour, car ce qui commence n’est pas un retour en arrière. La Résurrection du Christ est dans l’histoire – sous Ponce Pilate, Anne grand prêtre, Caïphe, César Auguste, tant d’autres – mais elle nous ouvre l’accès à un monde nouveau. Dans notre monde du soir une lumière nouvelle se lève, à contre courant. Non plus de la vie vers la mort, mais de cette mort sur la Croix vers la vie éternelle. Un dynamisme tout autre, espéré, promis et si incroyable, se met en place. Chacun de nous, tout en restant dans ce monde, peut naître pour un monde nouveau. En chacun de nous le baptême fait jaillir une vie nouvelle, celle qui s’est éclose en ce matin de Pâques. Vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut. Votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire.
Ce matin nous célébrons notre véritable création. Le monde auquel nous appartenons par notre foi et notre baptême sort aujourd’hui des mains de son Créateur. Le Christ, notre vie, se lève ; passons avec lui de nos ténèbres à son admirable lumière.
Il y eut un soir, il y eut un matin, huitième jour.

fr. Pavel Syssoev, op

Fr. Pavel Syssoev