Petit cours de logique divine

par | 18 septembre 2011

25e dimanche du TO année A
18 septembre 2011, Bordeaux, couvent de la Vierge du Rosaire
PETIT COURS DE LOGIQUE DIVINE !
Décidément frères et sœurs, la Parole de Dieu et singulièrement l’évangile que nous venons d’entendre ne nous laissent pas indifférents. De deux choses l’une :
Ou bien je me vois tout à fait à la place des ouvriers de la 11e heure et, ma foi… je ne peux que me féliciter de travailler si peu pour gagner autant ! Ou bien je m’imagine à la place de l’ouvrier de la 1ère heure (Allez ! ou de la 2e heure), et là… il y a de quoi crier à l’injustice face à un traitement aussi peu reconnaissant !
Si les paraboles sont pour le Christ une manière d’enseigner et de former ses disciples, Dieu encouragerait-il finalement la paresse ? Car il s’agit bien de travail. De travailler à la vigne du Maître du domaine ! Aurions-nous là quelque fondement politique de l’Etat-providence ou d’un programme social incitant les forces vives d’un pays à sombrer dans l’assistanat ?
Pourtant, s’adressant aux Philippiens, Saint Paul ne donne-t-il pas toute sa valeur au travail de l’Apôtre, toujours utile pour le Royaume des cieux ? Mais en même temps il hésite bien entre l’amour du prochain, qu’il n’a pas fini de servir sur la terre, et le face-à-face au Ciel avec le Christ auquel il aspire de tout son cœur par-delà la mort.
Je crois que cette fois-ci il nous faut trouver la clef de lecture de notre évangile dans l’Ancien Testament et précisément dans le Prophète Isaïe. Vous vous rappelez : « mes pensées ne sont pas vos pensées… autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées ».
Le Seigneur nous invite donc à nous élever jusqu’à lui, à ses vues, ses desseins, ses pensées… Et c’est exactement ce que nous enseigne notre parabole !
Car il s’agit bien du Royaume des Cieux et non pas des royaumes de la terre. De l’Esprit de l’Evangile et non de l’esprit du monde. Deux logiques, osons le dire, opposées !
Quels sont alors les critères de cette logique divine qui ne nous est pas si naturelle, même à nous, chrétiens ?
Le premier :
Dieu appelle et il appelle tout le monde ! Pas de sélection, pas de compétition pour Dieu ! Le maître de la vigne embauche tous ceux qu’il trouve actuellement, car le temps des vendanges est arrivé et réclame du monde. Quelque soit le moment du jour, tout homme a sa place dans le plan de Dieu : les petits comme les grands, les gros, les maigres, les gens simples et les gens compliqués, ceux qui se trouvent supérieurs aux autres et ceux qui pensent avoir tout raté. Tout homme est voulu par Dieu, ce qui lui fait dire à chacun : « tu as du prix à mes yeux et je t’aime ! »
Notre Dieu ne juge pas selon les apparences et ne fait pas acception des personnes. Tout être humain qu’il a appelé à l’existence par amour, il l’appelle à connaître son amour, à entrer dans son Royaume, à y travailler et ainsi à parvenir à la vie éternelle, au bonheur sans fin.
Oh ! Pas uniquement les catholiques pratiquants qui ont répondu à la 1ère heure, se sont levés ce matin pour venir à la messe… mais également toutes ces personnes qui dorment encore à cette heure du jour et qui, cet après-midi, feront l’expérience d’une rencontre de Dieu en poussant par hasard la porte d’une église dans le cadre des Journées du patrimoine ! « On ne savait pas ! » « Personne ne nous avait embauchés ! – Allez, vous aussi, à ma vigne ! » Que personne ne se sente exclu du Royaume de Dieu ! Et ce jusqu’au dernier instant. Encore faut-il réagir à cet appel du cœur quand le Maître passe et nous appelle !
Deuxième critère de la logique divine :
Dieu nous rétribue, mais à sa manière ! Encore une fois, « mes pensées ne sont pas vos pensées ! » Car la fameuse pièce d’argent, ce salaire de la fatigue et de la fin du jour, n’est rien d’autre que la récompense finale de Dieu pour la réponse de l’homme à son amour. C’est-à-dire le salut, l’entrée dans la joie de son maître, Dieu lui-même ! Lui le trésor véritable, la perle de grand prix, ce qui, à bien y réfléchir, peut seul combler le cœur de l’homme et son désir de bonheur absolu !
Et Dieu veut combler ses enfants, tous ses enfants. Ses ouvriers, du premier au dernier venu. Et là, frères et sœurs, impossible de se comparer plus longtemps les uns aux autres : nos mérites, nos engagements, nos fortunes, nos générosités… Dieu seul voit tout ! Et si Lui se refuse à nous comparer, il vaut certainement mieux pour nous qu’il en soit ainsi, n’est-ce pas ?!
Un troisième critère :
Voir la bonté du Maître à la place d’une sorte d’arbitraire divin selon l’œil mauvais ou le mauvais œil de l’esprit du monde ! Car notre œil de pécheur, à l’instar de celui de Satan, est petit, jaloux, mesquin, à courte vue. Il n’a pas le recul, ni la hauteur du regard de Dieu. Il ne voit pas que « le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour », que « la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse pour toutes ses œuvres ». Son regard, à Lui, est grand. « A sa grandeur, il n’est pas de limite » !
Un dernier critère ?
Les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers ! Est-ce là un dernier encouragement aux fainéants de la terre ? Eh bien non, vous l’avez compris. Tout s’éclaire dans cette maxime résumant cette opposition en ce monde. Oui, les petits, les humbles, avec la Vierge Marie en tête, c’est-à-dire les derniers selon le monde, seront bien les premiers à désirer et à vivre de la miséricorde de Dieu. Et les premiers en ce monde, les coureurs et les satisfaits de gloires mondaines, seront bien les derniers à avoir besoin d’un Sauveur !

Maintenant, frères et sœurs, de quelle heure sommes-nous les ouvriers ? De la première ou de la dernière ? Laissons tomber… nous ne le saurons qu’au Ciel ! Entrons plutôt et plus avant dans la logique de Dieu ! N’hésitons pas à répondre à l’appel du Seigneur ! Menons « une vie digne de l’Evangile » et surtout rendons grâce à la bonté de Dieu qui nous a fait signe et prodigué sa miséricorde ! Amen.

fr. Antoine-Marie Berthaud, op

Fr. Antoine-Marie Berthaud