La sainteté de l’Église

par | 20 mai 2012

Frère Antoine-Marie Berthaud

La sainteté de l’Église

 

7e Dimanche de Pâques, année B, 20 mai 2012, Bordeaux,

Frères et soeurs, nous sommes dans l’attente patiente et confiante de la venue de l’Esprit Saint. Et dans la liturgie de ce jour, et singulièrement dans la célèbre prière qu’il adresse à son Père, Jésus nous invite à méditer le mystère de l’Eglise. L’Eglise en effet va être la toute première réalisation de la venue de l’Esprit Saint dans le monde.

Nous disons dans le credo : je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. Voyons de plus près !

Tout d’abord, l’Eglise est une parce que le Christ en est l’unique tête ! On comprend volontiers qu’elle est une réalité en devenir selon la prière de Jésus : “Qu’ils soient un, comme nous, nous sommes un”.

L’Eglise est catholique ! Ce qui veut dire universelle. Jésus est mort pour tous les hommes et l’Eglise en est le corps qui attire et agrège tout homme au Christ tête.

Enfin l’Eglise est apostolique. Cela veut dire qu’elle est fondée sur les Apôtres : “Comme tu m’as envoyé, Père, moi aussi je les envoie”… qu’elle est fondée sur leur doctrine et sur l’autorité de leurs successeurs.

Que l’Eglise soit une, catholique et apostolique, cela ne dérange personne. Notre monde contemporain peut être tout à fait indifférent à ces qualifications de cuisine interne.

Mais que nous proclamions que l’Eglise est sainte, alors là, çà ne passe pas ! Même les païens ne se privent pas de réflexions ! Quand il est question de sainteté, il faut l’avouer, les incroyants sont généralement les plus exigeants et les plus intransigeants des hommes !…

 

Alors qu’est-ce que la sainteté de l’Eglise ?

Tout d’abord précisons ce que la foi nous en dit d’un point de vue objectif. C’est-à-dire non pas d’un point de vue humain, mais selon le désir de Dieu lui-même. Nous voyons à travers toute l’Histoire Sainte que c’est Dieu qui est principe premier de l’Eglise. C’est lui qui s’est choisi un peuple. Lui, le Saint par excellence, va se constituer un peuple saint. Non pas à cause des mérites des membres qui le composent, mais à cause de sa sainteté à Lui et de son amour d’élection pour ce peuple… fut-il le plus petit de tous !

Jésus, vrai Dieu né du vrai Dieu, appelé “le Saint de Dieu”, va vouloir son Eglise sainte, constituée au départ des premiers disciples qu’il s’est choisis. Et c’est par son sacrifice sur la croix qu’il va obtenir cette sainteté : cette consécration qu’il fait de lui-même. Il va se livrer pour Elle afin de la rendre sainte et immaculée. « Pour eux je me consacre moi-même ».Voilà pourquoi les premiers chrétiens, sont appelés “saints” dans l’Ecriture, du fait de cette appartenance, marquée de cette consécration du Christ. C’est le baptême.

Cela n’empêche pas, frères et soeurs, qu’il y ait eu dès le début des faiblesses, des conflits et même des scandales. Nous en connaissons aussi bien dans le collège des Douze Apôtres (avec le traître Judas) que dans la communauté primitive de Jérusalem ou même de Corinthe.

Si nos contemporains ne voient dans l’Eglise qu’une institution humaine faillible parce que constituée d’hommes et de femmes comme vous et moi, ne perdons pas de vue qu’elle est par nature issue d’une volonté divine. Et n’appartenant à aucun parti humain, l’Eglise n’épousera jamais totalement le mode de fonctionnement des sociétés humaines, fussent-elles les plus civilisées. Par exemple dans la première lecture, la désignation du remplaçant de Judas ne se fait pas par mode démocratique comme nous l’aurions imaginé de nos jours. C’est le tirage au sort qui, placé sous l’assistance de l’Esprit Saint, laissera la part du choix à Dieu. L’Eglise est sainte car elle est liée au mystère même de Dieu.

Remarquons que dans l’Ecriture Sainte, la sainteté ne signifie pas d’abord la perfection morale mais le fait d’être mis à part, d’être tiré du domaine profane pour appartenir à Dieu. Les chrétiens et l’Eglise vivent dans le monde, sans être du monde. C’est ce que souligne Jésus : “Je ne te demande pas, Père, de les retirer du monde mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde”.

Mais l’Eglise est sainte parce qu’elle est de Dieu et pour Dieu.

L’Eglise est sainte parce que le Seigneur Dieu lui garde à jamais sa fidélité malgré les puissances du Mal et les dérives du monde.

Elle est sainte parce que Jésus-Christ lui est indissolublement uni. Sainte Jeanne d’Arc le disait à sa façon : « De Jésus-Christ et de l’Eglise, il m’est avis que c’est tout un ».

Elle est sainte parce que la présence agissante de l’Esprit Saint lui est assurée de façon indéfectible… dans la Parole de vérité qui l’enseigne, les sacrements qui donnent la grâce et la hiérarchie qui la guide. Notre foi en l’Eglise sera toujours un acte de foi.

 

Il est aussi, frères et soeurs, une dimension subjective de la sainteté de l’Eglise. C’est-à-dire la sainteté de ses sujets, la sainteté de ses membres, la sainteté de chacun d’entre nous. Cette sainteté nous vient d’abord de la Parole de Jésus, parole de vérité dans laquelle le Seigneur consacre ses disciples. « Consacre-les par la vérité, ta Parole est vérité ». S. Jean dans la deuxième lecture en donne le programme essentiel : la charité, l’amour du prochain à l’imitation de l’amour de Dieu pour nous : “Dieu nous a tant aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres”. Et c’est l’Esprit Saint qui seul peut nous faire demeurer dans cet amour qui plaît à Dieu !

« Celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu en lui » !

Pareille sainteté, vous le comprenez frères et soeurs, n’est pas le simple résultat d’un effort de l’homme, mais le fruit de l’Esprit Saint et de ses dons. Voilà pourquoi Jésus promet d’envoyer son Esprit. Voilà pourquoi le Seigneur lui-même prie le premier pour nous, en ces jours qui nous rapprochent de la Pentecôte.

Aussi l’Eglise est-elle sainte tout en incluant des pécheurs. Elle ne craint pas d’être appelée Eglise de pécheurs, car elle prie chaque jour en disant : « Pardonne-nous nos offenses ». En mère attentive et patiente, elle s’est toujours opposée à travers son histoire aux courants rigoristes qui voulaient arracher l’ivraie du bon grain avant la moisson. Tous les membres de l’Eglise (ses ministres en premier) ont chaque jour besoin de vivre d’un esprit de pénitence et d’authentique conversion. Le dernier concile nous le rappelle :

« L’Eglise qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est à la fois sainte et appelée à se purifier ; elle poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement ».

Aussi dans les moments de découragement, de lassitude, de doute même sur la sainteté de l’Eglise du Christ, les Pères conciliaires nous invitent à contempler la Vierge Marie.

« En la personne de la Bienheureuse Vierge, l’Eglise atteint déjà à la perfection qui la fait sans tâche ni ride. Les fidèles du Christ, eux, sont encore tendus dans leur effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché : c’est pourquoi ils lèvent leurs yeux vers Marie. »

N’est-ce pas ce que faisaient les Apôtres, comme nous en ce jour, entre l’Ascension et la Pentecôte, lorsqu’au Cénacle, ils entouraient Marie, la Mère de « l’Eglise qui allait naître » ?

Avec la Vierge Marie et par son intercession, invoquons avec ferveur cette venue de l’Esprit Saint ! Sur toute l’Eglise ! Sur chacun de nous ! Sur le monde entier ! Amen.

fr. Antoine-Marie o.p.

Frère Antoine-Marie Berthaud

Frère Antoine-Marie Berthaud