Il est vraiment ressuscité !
Homélie pour la sainte nuit de Pâques
Un cri de joie au milieu de la nuit, une affirmation de foi éclatant d’église en église : « Christ est ressuscité » dit l’une, « Il est vraiment ressuscité ! » répond l’autre.
Une résurrection proclamée, que dis-je, célébrée : les cendres du Carême se sont transformées en feu de Pâques, le feu de Pâques va vivifier les eaux baptismales qui vont, chers catéchumènes, à leur tour régénérer votre âme. Comment pénétrer pleinement la magie de ce mystère ? Quel ange rencontrer pour que dépouillé comme les saintes femmes au tombeau de notre frayeur nous puissions voir le ressuscité ? Quelles compréhensions chers catéchumènes tirer de cette nuit ? Foi, espérance et charité. Le guide le plus assuré ce soir, c’est sans nul doute la longue chaîne de Paroles de Dieu. Et l’avez-vous remarqué, elle est traversée de long en large par un cours d’eau vive qui s’y fraye un lit aussi fécond que mystérieux.
Foi
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre… et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. »
La création de la Genèse ne parle pas de création des eaux : elles sont là, préexistant au monde. L’effort créateur de Dieu consiste juste à les séparer, les rassembler pour former Ciel et mer. Quelques versets plus loin l’eden paradisiaque est traversé par un fleuve de vie en 4 branches qui irrigue l’arbre de vie devenu inaccessible par le péché des origines.
Car le désordre de la chute a bouleversé le projet de Dieu :
– ce qui était séparé a été uni
– ce qui était uni a été séparé
Les eaux se sont rassemblées et dans le déluge sont devenues mortelles. Les eaux se sont dispersées et, dans le désert, devenues désespérante sécheresse. A l’autre extrême des temps, des eaux salvatrices ont jaillis de la croix du Christ, elles sont rassemblées aujourd’hui dans les eaux du baptême afin que « passés par la mort avec le Christ » nous puissions revivre.
Espérance
Deux moments du monde marquent semblablement notre vie individuelle :
– Celui où Dieu nous a séparé des ténèbres et des eaux primordiales dans notre naissance au monde, – jusqu’à cet instant où communiant à la grâce de son cœur nous naissons au monde nouveau du Royaume.
– Et notre navigation en eau vive, le parcours de la grâce en vous Théo, Coralyne et Eva furent marqués de multiples méandres, éloignement, détours et retours. J’aimerais bien révéler quelques-uns pour nous émerveiller ensemble des obstacles parfois incroyables que vous avez traversés.
Une certitude : l’impétuosité de la tendresse de Dieu se joue de tous les obstacles. C’est le cours de l’amour divin qui commande l’histoire du monde. Or L’amour de Dieu qui traverse le temps du monde et le nôtre est plus fort que la mort. Cette eau vive de l’amour incréée se moque du péché et des abîmes de ténèbres. Elle est comme aimanté d’une gravité impatiente par le Cœur du Christ que nous avons célébré à la Croix où retentit le Cri du Christ : « J’ai soif », « quand je serai élevé de terre, j’attirai tout à moi »
C’est donc l’incroyable puissance de cet amour que nous célébrons dans la résurrection. S’y inverse la gravité qui réduisait toute chose à la décrépitude : l’eau, signe paradoxale, de mort et de vie y inverse son cours à la Croix. Toutes nos soifs et notre amour s’unifient comme en un fleuve immense qui nous emporte pour ainsi dire au Christ. Alors que veut dire être baptisé dans la grâce, être plongé dans la mort et la résurrection ? C’est s’immerger dans ce torrent impétueux de l’amour divin, s’abandonner à l’attraction infiniment aimante du Cœur transpercé, se laisser entraîner pour passer la porte étroite, la Porte Sainte de sa l’infinie miséricorde et habiter dans la maison du Père. Notre maison, notre héritage.
Charité
Grâce sanctifiante, vertus théologales, dons du Saint-Esprit, vertus infuses… Les distinctions de la théologie cher Théo, Eva et Coralyne n’ont plus de secret pour vous (et chers déjà baptisés, si ce n’est pas encore le cas pour vous, il est temps de nous rejoindre le mercredi soir). En revanche vous commencez votre pratique chrétienne. Quelle en est la clé ?
Régulièrement il convient de recaler notre heure à celle de Dieu, à l’heure du cœur de Dieu. « Voici l’heure » nous a averti le Christ : l’heure pascale où les anges ont cessé un instant de chanter, la nature a tremblé, le cosmos entier a retenu son souffle car Dieu a rendu son Esprit dans ce combat à mort. Nous avons expérimenté à nouveau, nous baptisés et chrétiens accomplis, dans cette semaine sainte que nous revêtions tour à tour les rôles de grand prêtre, Pilate, Barrabas, Pierre, ou le centurion du récit de la passion.
« Voici l’heure » proclame le Christ ressuscité aujourd’hui et demain. Comme à la Croix, à chaque eucharistie s’arrête le temps, se déploie la résurrection, à chaque célébration de la Cène le Verbe rajuste notre âme à son heure. Vrai Dieu éternel et vrai homme dans le temps, l’humanité du Christ s’est dépouillée du temps dans la mort pour vivre de l’éternité. Les deux montant de la croix sont figés pour indiquer une heure d’éternité. La force de la résurrection du Christ est d’être l’origine de toute résurrection, du décentrement de l’histoire de tout homme et de tous les hommes non plus vers la mort mais vers la vraie vie !
L’Eucharistie, chers catéchumènes, est notre plus grand trésor, elle est également notre plus grand combat. Nous nous lassons régulièrement de l’effort à recaler notre heure à la sienne, menaçons de tirer la vie chrétienne vers celle du monde, d’adoucir l’inconfort de l’éternité par des compromissions imperceptibles avec les biens du siècle.
Alors quand vous serez tenté d’oublier ce rendez-vous impératif de la messe dominicale, souvenez-vous : « ceci est mon corps, ceci est mon sang livré pour vous versé pour vous », c’est-à-dire pour vous Théo, pour vous Eva, pour vous Coralyne. « Ceci est mon corps ressuscité, prémisse de ta propre résurrection ». Sommet de charité car lieu du don réciproque de Dieu et de l’âme.
C’est notre joie, c’est notre force. Oui, le Christ est vraiment ressuscité.
fr. Dominique-Raphaël Kling