La résurrection est pour aujourd’hui !

par | 29 mars 2024

Fr. Jean-Thomas de Beauregard

Léon Bloy écrit dans un roman : « On n’entre pas au Paradis demain, ni après-demain, ni dans dix ans, on y entre aujourd’hui, quand on est pauvre et crucifié. » C’est au Calvaire, en recueillant le dialogue entre Jésus et le bon larron rapporté par saint Luc, que Léon Bloy a compris cela. Il était baptisé dans le sang du Christ. Il était donc, comme nous, mystérieusement et réellement le contemporain des événements de la vie du Christ, et singulièrement de la Passion.

« On n’entre pas au Paradis demain, ni après-demain, ni dans dix ans, on y entre aujourd’hui, quand on est pauvre et crucifié. » Le bon larron que la Tradition a baptisé Dismas était pauvre et crucifié, comme Jésus était pauvre et crucifié. Mais Dismas, lui, avait mérité son sort. Il le savait : « Pour nous, c’est justice, nous payons nos actes. Lui n’a rien fait. » Dismas était un criminel. Que s’est-il passé dans la fulgurance d’un instant pour que Dismas soit retourné et supplie : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton Royaume » ?

Toute une vie de crimes, de refus d’accueillir la grâce divine, et voilà que la porte qui restait obstinément fermée s’ouvre soudain. Que s’est-il passé ? Peut-être Dismas a-t-il entendu Jésus murmurer : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » Alors la porte s’est ouverte. Dismas a vu et entendu la miséricorde en personne et en actes. Il n’a pas pu y résister. Alors le flot de la miséricorde divine s’engouffre par la brèche et Jésus répond : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis ».

La conversion de Dismas, du crime à la grâce, est spectaculaire. Pourtant Dismas est resté brigand jusqu’à la fin. Il a forcé la porte du Ciel ! Il est rentré dans le Royaume par effraction ! Jésus avait laissé ouverte la porte de sa maison, et cette porte ouverte, c’était son cœur percé d’une lance par le centurion. Le bon larron a vu la porte ouverte, le criminel a vu battre le cœur du Sauveur, l’occasion a fait le larron, alors il est entré. Du reste, l’Évangile ne dit pas que le côté du Christ est percé par la lance du soldat, mais bien ouvert. Le cœur de Jésus est ouvert, c’est pour que nous y entrions, et pour que nous y demeurions. Dans ce cœur de Jésus ouvert, nous pouvons nous blottir comme la colombe au creux du rocher.

La formulation de la demande du bon larron est pour nous un enseignement : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton Royaume » Il n’exige pas que Jésus le sauve, ni qu’il le sauve immédiatement. Il lui demande seulement qu’il se souvienne de lui, lorsqu’il viendra. Comme toujours, c’est l’humilité qui force la porte du cœur de Dieu.

« On n’entre pas au Paradis demain, ni après-demain, ni dans dix ans, on y entre aujourd’hui, quand on est pauvre et crucifié. » L’unique mention du mot « Paradis » dans tout l’Évangile se situe dans la réponse de Jésus en Croix au bon larron. Autrement dit, la béatitude commence bien ici-bas, aujourd’hui, mais elle est toujours liée à la Croix. Sur cette terre, le bonheur et la désolation sont mêlés, comme le bon grain et l’ivraie.

Ce n’est pas le moindre des paradoxes que la récompense d’une vie juste soit accordée en premier à un criminel. Toutes nos comptabilités d’épiciers du péché et de la grâce sont balayées par un vent qui est celui de l’Esprit-Saint. Ça ne signifie pas qu’il soit nécessaire d’avoir connu le péché dans toute sa profondeur pour être sauvé. Cela signifie que la miséricorde divine ne demande qu’une chose : un cœur humble et contrit, une confiance infinie.

« On n’entre pas au Paradis demain, ni après-demain, ni dans dix ans, on y entre aujourd’hui, quand on est pauvre et crucifié. » Dans la réponse de Jésus au bon larron, il semble y avoir un léger différé : « Aujourd’hui, tu seras ». Un présent, et un futur. La vérité, c’est que celui qui est avec Jésus est déjà dans le Royaume, jouit déjà du Paradis. En effet, « Être sans Jésus est un terrible enfer, être avec Jésus est un doux paradis » (Imitation de Jésus-Christ, II, 8) Celui qui est uni à Jésus, s’il se sait pauvre parce que pécheur, s’il se sait crucifié parce qu’il porte ses propres péchés et ceux des autres, celui-là est déjà au Paradis. Non pas demain, ni après-demain, ni dans dix ans, mais aujourd’hui.

Oui le Ciel est déjà sur la terre pour qui a Jésus à ses côtés. Et la Croix est déjà glorieuse. L’aujourd’hui de Dieu a une saveur d’éternité, à la fois pour le présent et pour l’avenir. Aujourd’hui et pendant toute notre vie, nous sommes déjà et pour toujours au Paradis, puisque nous sommes unis à Jésus crucifié qui est aussi Jésus ressuscité. Amen.

fr. Jean-Thomas de Beauregard

Fr. Jean-Thomas de Beauregard

Fr. Jean-Thomas de Beauregard