Je te l’ordonne, lève-toi

par | 5 juin 2016

Frère Dominique

« Je te l’ordonne, lève-toi »
Prédication du dimanche 5 juin 2016
Chers Amis, au pied des marches de cette église lorsque nous communions nous sommes sous le feu croisé de 2 cœurs qui se répondent (cœur sacré du X, cœur immaculé de Marie) : les 2 retables à notre droite et notre gauche, l’un dédié à ND du sacré cœur et l’autre illuminé par le vitrail du Sacré cœur se croisent dans un jeu de regard, et douloureusement nous interrogent. « le Seigneur fut saisi de compassion » ie saisi et remué jusqu’au profond des entrailles. Et nous sommes au milieu.
– pourquoi cette émotion intense du X ? Face au tombeau de son ami Lazare, on la comprend aisément mais devant ces inconnus ?
Est-ce à cause du cœur transpercé de cette mère qui préfigure le déchirement de Marie à la Croix,
ou bien la figure dans ce jeune fils mort où le Fils de l’Homme vit par avance sa propre passion?
– est-ce le spectacle des deux foules, cortège de mort et de vie, du monde et de l’Église , l’un sort aux cris des pleureuses assommé de désespoir, l’autre entre dans la cité céleste à la suite de l’agneau la louange aux lèvres ? Est-ce l’immense et irréductible croisement entre culture de vie et de mort qui tisse l’histoire humaine?
– c’est un autre chemin que je veux emprunter : Saint Stanislas Koska, Louis de Gonzague et la scène centrale du retable replace l’émotion indicible de Dieu face à la tragédie d’une jeunesse qui meurt, la jeunesse spirituellement étouffée, la jeunesse atteinte d’une maladie spirituellement mortelle. Je veux m’arrêter en cette méditation de fin d’année scolaire sur l’enjeu de la transmission de la vie théologale à vos jeunes.
– oh nombreuses sont les figures de jeunes dans l’évangile ! Il y a l’antithèse parfaite de l’évangile de ce jour où le jeune mort repart vivant : c’est celui du jeune riche plein de vie qui semble repartir mort de n’avoir su vendre tout pour gagner tout, le cœur de Dieu !
– Ou bien de l’enfant prodigue, autre jeune riche d’un héritage de vie démesuré; il devient pauvre d’une dilapidation aussi fulgurante que l’éclat des dons de nos jeunes ; parfois ils sont éblouissants, parfois brutalement pauvre de ces dons éventés et gâchés, faute de l’offrande spirituelle qui elle seule en garantit l’éclosion durable. Paul de décrire son propre naufrage de jeunesse : « Dieu m’avait mis à part dès le sein de ma mère … je menais une persécution effrénée contre l’Église de Dieu »
– Tous ces passages révèlent ce je ne sais quoi de mystérieux dans la jeunesse qui émeut Dieu aux larmes ! Une sorte de regard inquiet et presque suppliant du Christ et de Marie qui se pose et interpelle les adultes que nous sommes à la croisée de 2 coeurs: « l’évangile que j’ai proclamé n’est pas une invention humaine » se surprend à dire Paul. « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme, vous n’aurez pas la vie éternelle » avertit le Christ
Une sorte de grondement sourd du fond des entrailles de Dieu « malheur à celui qui scandalise un seul de ces petits» comme une sorte de haut-le-cœur d’un Dieu qui ne supporte pas que le don immense et impétueux de la filiation soit défiguré par l’égoïsme, la tiédeur et le manque de foi. Car c’est son propre visage paternel qui s’en trouve bafoué.
La miséricorde divine n’est point seulement mouvement de pardon, elle est vulnérabilité d’un cœur qui se laisse transpercé par le gâchis des vies qui sont l’avenir du monde, l’avenir du Royaume, le Royaume à venir.
– Alors à notre tour de nous émouvoir : ne voyons nous pas les morts spirituels de nos jeunes ? Ces visages creusés par l’angoisse et la consommation des paradis artificiels des addictions diverses, ces cœurs désespérés de pas être aimés par des parents trop occupés de leur amour du monde, ces regards de vieillards avant d’avoir vécu de ces jeunes que je croise dans mon ministère d’aumônier et qui semblent avoir définitivement perdu tout éclat ?
-Alors lancinante question : quel Évangile proclamer ? Comment transmettre ? Ou plus exactement, la vraie question comment sauver ?
– Chers amis, face à la jeunesse pas de tiédeur possible : ils la vomissent, ils la méprisent, comme le Christ de l’apocalypse. On ne peut être père, mère ou témoin à moitié. Il y a quelque chose de total dans la transmission de la foi car l’urgence et l’enjeu sont absolus : il s’agit du Ciel.
À vrai dire le mot de transmission est bien infidèle à traduire notre mission d’adulte. On transmet un héritage, des biens de toute sorte : or nous ne possédons rien de la grâce divine : elle est pur don, gratuité jusqu’à être fragile du moindre reniement, subtile et insaisissable car plus vaste que l’univers. Douloureuse question : très réelle pour les plus âgés d’entre nous. Qu’aurais je du faire pour que mes enfants continue à pratiquer ? Pour introduire mes petits enfants à la pratique ?
« Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi » Nous, nous ne pouvons rien, lui, il peut tout. Nous voulons si peu, Lui, il veut tout. C’est la rencontre mystérieuse du sauveur qui relève et ressuscite une âme. Pas moi, pas vous. Se joue dans la rencontre du Christ et de ce jeune apparemment mort un moment vital : l’intimité d’un cœur qui s’ouvre et dont le secret n’appartient qu’à Dieu et peut-être un peu aux anges. « Dans sa grâce, il m’a appelé ; et il a trouvé bon de révéler en moi son Fils »
Mais à cette croisée de chemin, de cette rencontre entre Dieu et nos jeunes, nous pouvons, que dis-je nous devons, et de toute la puissance de notre âme, la favoriser : avez-vous entendu les accents déchirants de cette mère de Naïm, la supplique infiniment forte qui bouleverse Élie de la 1ere lecture ? « Quand j’ai crié vers toi, Seigneur, mon Dieu, tu m’as guéri » Ps Guéri de la blessure de mon enfant devrions nous ajouter.
Dieu entend et attend le cri des parents pour leurs enfants. Alors crions-nous vers Dieu pour nos enfants ? À temps et à contre temps. Interrogeons-nous Dieu qui passe et entend s’arrêter et se laisser saisir de compassion ?
Si donc l’expérience spirituelle de résurrection de nos jeunes se joue dans la rencontre sécrète, le secret d’un cœur paternel et maternel qui prie la prépare.
« Il s’approcha et toucha le cercueil ; les porteurs s’arrêtèrent »
Combien de fois, combien de temps nous arrêtent et parlons-nous à Dieu de nos enfants ? Combien de fois, combien de temps parlons-nous à nos enfants de Dieu ? Ce moment privilégié dont il se souviendra toute sa vie : « une certitude dans ma vie, le Christ » vrai héritage, sans prix et chemin de vie pour nos jeunes. Si puissant qu’il pourra dire alors « un grand prophète s’est levé dans ma famille, mon Père, ma mère, mon parrain et Dieu a visité mon coeur »
Reconnaissons-le : nous faisons tout à l’envers. Nous enseignons le Christ comme une matière scolaire : dans le meilleure des cas, c’est souvent moins et beaucoup moins que le sport, le conservatoire ou la danse. Nous cédons le témoignage à d’autres, le curé, la catéchiste … ah bon, la rencontre du Christ, cela peut attendre, quand il sera grand, d’ailleurs moi même et avec mes doutes… ! Alors que parents, vous êtes en tête du cortège des hommes et les premiers à pouvoir présenter vos jeunes au Christ.
Au cœur de cette œuvre de résurrection qu’est l’éveil de la grâce chez nos jeunes : son expérience spirituelle, notre intercession, votre témoignage, notre communion ecclésiale enfin.
Dans l’évangile, une foule accompagne le Christ , il n’est pas seul : c’est l’Église qui enfante les âmes qu Royaume, une assemblée sainte réunie autour du Christ. La définition même de l’eucharistie. Dans l’eucharistie la foule de la terre rejoint la foule du Ciel qui entoure Jésus, la prière d’une communauté où se rencontre les 2 cortèges (quand deux sont réunis en mon nom) : notre jeune change alors de groupe, quitte le cortège funéraire du monde, il devient, s’agrège à l’église rassemblée autour du Christ. Dans l’eucharistie est devancé le jour où une seule foule unique s’unira autour de Dieu.
Enfin dernier épisode de cet éveil : « il se redressa et se mit à parler » ce jeune à peine éveillé prend la parole et devient témoin de sa propre résurrection. Si l’initiation chrétienne s’achève dans la confirmation, la foi s’accomplit dans le don : quelle opportunité donnée à vos jeunes de devenir à leur tour prophète, quelle initiative caritative vivez avec vos enfants en famille ? Quelle mission confiée vous à vos jeunes pour leur permettre de témoigner et dire Dieu ? “Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront.” (Luc (BJ) 19) Comment ne pas voir dans les JMJ l’extraordinaire clameur de ces jeunes ressuscités dans leur âme par la tendresse de Dieu ? Comment résister à cette injonction du Christ à les aider à crier, comme le disait avec malice le pape François « Qu’est-ce que j’attends comme conséquence de la Journée mondiale de la jeunesse? J’espère de la pagaille! Va-t-il y avoir de la pagaille ici? Oui! Est-ce qu’ici à Rio il va y avoir de la pagaille? Oui! Mais je veux de la pagaille dans les diocèses! Je veux que vous alliez à l’extérieur! » Alors organisons la pagaille !
expérience spirituelle, intercession, témoignage, communion ecclésiale, rendre prophète nos jeunes
Fr et Sr, que nos œuvres de miséricorde se ressourcent aujourd’hui et se laissent réveiller par celle de Dieu pour nos jeunes.
Entendons la compassion du X : « ne pleure pas.. »
Entendons la victoire de sa passion « je te l’ordonne, lève-toi »

fr. Dominique-Raphaël Kling, op

Frère Dominique

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