Un signe grandiose apparut dans le ciel
Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme ayant le soleil pour manteau…
Homélie prononcée à l’église Notre-Dame des Passes, au Moulleau,
pour la messe de la veille de l’Assomption
Quand au dernier jour de l’humanité nous lèverons nos regards de cette terre empoisonnée par notre péché vers le ciel d’airain, sourd à toute prière, un signe grandiose apparaitra dans le ciel. Une Femme. Une Femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous ses pieds, couronnée de douze étoiles. Une Femme en travail d’accouchement. Une Femme poursuivie et triomphante du Dragon rouge feu.
Là où tout semble crier que nous sommes voués au vide et au néant, le signe grandiose de l’humanité rachetée, glorifiée éclaire le ciel. En levant nos yeux vers ce signe, nous verrons en elle, belle comme l’aurore, resplendissante comme le soleil, le sens et la beauté de toute notre histoire.
Nous verrons en cette Femme la pureté du commencement, la fidélité de Dieu qui n’accepte pas que l’homme soit livré aux puissances du mal. Nous verrons en Marie le commencement du rachat – la réponse divine au mystère du mal qui nous ronge. Notre propre innocence, joyeuse et pure, irréparablement gaspillée, nous la retrouverons en elle. Non pas une innocence peureuse et frelatée de la fausse dévotion, mais une innocence qui n’est qu’une force de vie, l’élan d’amour que rien n’altère. En elle, en cette Femme qui aime de tout son cœur nous trouverons la guérison de notre cœur qui semblait être à jamais partagé.
La vision se poursuit. Cette beauté n’est pas encore toute paisible. La Femme combat. Elle combat la douleur, elle combat le Dragon. Pour que le Fils vive ! La souffrance de l’enfantement, pour que l’enfant de la promesse vienne au monde ; la souffrance de contradiction, pour que les forces du mal n’emportent pas la vie du Fils. Dans ce combat se dévoilera pour nous notre propre histoire. La fécondité cachée de nos souffrances – pour que le Fils de Dieu soit formé en nous ! La grandeur et la fragilité de notre opposition au mal – pour que la vie du Fils de Dieu en nous ne soit pas écrasée par la puissance du Dragon.
Chaque âme chrétienne vit de la maternité divine de Marie. Chaque âme chrétienne a reçu au plus profond de ses entrailles le Verbe divin au jour de son baptême. Toute notre vie n’est qu’une longue gestation, le travail d’enfantement – douloureux et triomphant ! – de ce Verbe de Dieu qui prend chair dans notre existence.
Si la maternité de Marie se prolonge en nous, si son combat de foi continue en nous, alors son triomphe sera aussi le nôtre. La souffrance et la séparation – nous en avons pris notre part. La fidélité, inscrite dans l’épaisseur du quotidien – nous en avons reçu notre lot. Oh si seulement nous pouvions tenir dans cette fidélité ! Si seulement nous pouvions persévérer dans ce choix radical que Dieu a fait de nous et que nous faisons de Dieu ! Alors cette gloire sera la nôtre.
Ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront. Le regard éternellement neuf, ceux qui ont fait le bien, ceux qui ont lavé leurs vies dans le sang de l’Agneau reconnaitront en cette Femme leur Mère. Ils reconnaîtront dans sa gloire, la leur propre, celle que Dieu leur a préparée depuis la fondation du monde. Comme elle, ils ont reçu la parole de Dieu, comme elle, ils l’ont gardée, comme elle, ils ont connu l’abandon et le combat, comme elle, ils se revêtent de la justice, ils entrent dans la joie, la paix et la lumière, où aucune souffrance, aucun mal, aucune mort n’aura plus sur eux de prise.
Le dernier soir du monde sera le premier matin de leur gloire éternelle. Leur vie unie à jamais à la vie de Dieu, leurs amitiés unies à l’amitié de Dieu, des innombrables liens de parenté, d’attachement, de fidélité soudés à jamais dans l’indéfectible dilection de Dieu. Le signe de ce lien brille sur eux – une Femme, vêtue de soleil, la Mère de Dieu dont Dieu a fait notre Mère. Elle a veillé sur l’enfant Dieu, elle veille sur nous. Elle l’a protégé de la fureur d’Hérode, elle nous protège de celui à qui Hérode a livré son âme. Elle a accompagné Dieu dans sa mission sur la terre, elle accompagne notre marche vers la Jérusalem céleste. Au jour de sa mort sur la Croix, elle était là, debout, à ses pieds, lorsqu’il a été élevé au-dessus de tout. Elle sera là, debout, près de nous, au jour de notre mort, car c’est dans la prière incessante que l’Église lui demande d’intercéder pour nous maintenant et à l’heure de notre mort.
Dieu a fait de sa Mère notre Mère, car il a voulu faire de sa vie notre vie et de sa gloire – notre gloire. C’est pourquoi au dernier jour de l’humanité, lorsque l’orgueil de ce monde se brisera en emportant les débris de cet univers, un signe grandiose apparaîtra dans le ciel : une Femme, vêtue de soleil – notre modèle, notre refuge et notre Mère. Et son regard maternel nous introduira dans la gloire pour laquelle nous étions faits.