Revêtir la miséricorde – fr. Loïc-Marie Le Bot, op

par | 18 septembre 2016

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Revêtir la miséricorde
Sermon pour les prises d’habit
Marseille, 2016
Dans l’Ordre des prêcheurs, la miséricorde est la porte d’entrée. Les frères demandent le jour de la prise d’habit et demandent à nouveau avant de faire profession : « la miséricorde de Dieu et la vôtre ».
La miséricorde sera la chose que vous demanderez toujours et encore à chaque étape de votre vie religieuse jusqu’à la profession solennelle et au-delà.
En manifestant votre volonté de faire votre demeure dans l’Ordre, vous n’exigez rien de lui, au contraire vous manifestez humblement que vous avez besoin la miséricorde de Dieu et de la sienne. Ce n’est pas par une sorte de politesse ou de fausse humilité. En demandant la miséricorde de Dieu, vous reconnaissez que c’est la seule chose dont au fond vous avez besoin. Il en est bien ainsi. Dès lors, vous vous mettez en position de tout recevoir de celui que vous allez chercher en notre compagnie, le Seigneur Jésus. Vous reconnaissez que vous voulez entrer dans la voie de la conversion. C’est donc un aspect fondamental de la vie chrétienne et donc à plus forte raison de la vie religieuse. Se tourner sans cesse plus vers le Seigneur pour suivre et l’imiter. La conversion est encore don de sa miséricorde. Mais c’est trop peu, vous demandez la miséricorde de Dieu et encore celle de l’Ordre.
Pour autant qu’il le peut l’Ordre, par l’intermédiaire de ses frères et aussi à un titre spécial par ses supérieurs, s’engage à vous la donner. En un premier sens, on pourrait dire, c’est miséricorde que d’accueillir un candidat avec ses forces, avec ses faiblesses et son désir de conversion. C’est miséricorde que de lui manifester bienveillance et attention fraternelles.
Mais plus profondément, le don de la miséricorde de l’Ordre n’est pas la concession d’une indulgence, d’une empathie humaine, c’est le don nécessaire à la croissance et à l’épanouissement de votre vocation. Évidemment, nous demandez une écoute et une attention que les frères vous donneront sans doute. Évidemment, vous demandez aussi pardon comme par avance des défaillances et des faux pas qui ne manqueront pas d’arriver au cours de votre vie dominicaine. Je peux vous assurer que vous obtiendrez le pardon et l’encouragement des frères.
Cependant, il ne faut pas s’y tromper, la vie fraternelle est aussi décapante et exigeante. La miséricorde n’est pas renoncement ou capitulation ou abandon du frère à lui-même et à ses désirs ou à ses projets. La miséricorde a besoin d’être irriguée par la vérité pour être pleinement elle-même. La vérité de votre vocation sera discernée avec vous, la vérité de votre désir d’appartenir au Christ sera purifiée, la vérité de votre capacité de vivre la vie des prêcheurs sera éprouvée. Vous serez encouragés et portés. Parfois, cependant, il faudra accepter de s’entendre dire quelques remarques sur des progrès à faire ou des défauts à corriger. Ce sera aussi miséricorde.
En retour, la miséricorde donnée et pleinement reçue doit rejaillir autour de vous. Les frères attendront aussi de vous la miséricorde qu’ils vont vous donner. Ils attendent de vous aussi un regard bienveillant et une attention fraternelle. Ils attendent aussi votre part de vérité comprise et exprimée dans la charité.
Concrètement, c’est d’abord l’écoute et la rencontre avec le Seigneur qui ajustent notre vie chrétienne à la miséricorde qui doit nous animer. Vous aurez cette année une large période dégagée de beaucoup de soucis d’occupations et même des distractions, pour rencontrer le Seigneur et pour l’écouter dans la liturgie et la prière personnelle. Il va venir vous transformer. C’est le deuxième don, j’allais cadeau que nous vous faisons. Vous allez faire ce chemin, un peu en solitaire, mais aussi avec des frères, des frères de noviciat et les frères de ce couvent, vous allez faire ce chemin avec le père-maître. C’est aussi l’écoute et la rencontre avec ces frères qui vous manifestera la miséricorde divine et la miséricorde de l’Ordre.
Au fond la logique de la miséricorde, si elle devient nôtre, nous rend meilleur, plus vrai, plus proche de Dieu et des autres, elle nous rend la vie plus conforme à ce qu’elle doit être. Elle est plus conforme à ce que Dieu veut de nous. Aussi, c’est bien le don de la miséricorde qui permet à notre vocation de s’affirmer de grandir et de s’épanouir. Vous avez une année pour recevoir et goûter cette miséricorde, la laisser agir en vous, la laisser vous purifier, la laisser vous guider sur la route du Christ.

fr. Loïc-Marie Le Bot, op

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Frère dominicain