Au sommet, l’amour !

par | 21 février 2011

Frère Antoine-Marie Berthaud

AU SOMMET, L’AMOUR !
Homélie du fr. Antoine-Marie BERTHAUD o.p. dimanche 20 février 2011 7ème du T.O. année A
Selon : Lv 19, 1-2.17-18 ; Mt 5, 38-48
« Vous donc soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ! » Nous avons là, frères et sœurs, le sommet de ce discours de Jésus sur la montagne. Le cap de notre vie chrétienne, de notre vie à la suite du Christ : soyez parfaits comme votre père céleste est parfait !
Ce n’est pas nouveau dans la Bible ! Car cette perfection à laquelle nous invite Jésus de manière explicite a pour synonyme tout bonnement la sainteté. Et notre première lecture tirée du Lévitique nous annonçait déjà l’énormité de la morale judéo-chrétienne, la manière de vivre que Dieu attend de nous et, osons le dire, de tout homme à qui Dieu s’adresse : Parle à toute l’assemblée, dit-il à Moïse, tu leur diras : soyez saints car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint !
Alors, au pied d’une telle montagne à gravir, la montagne de Dieu, la sainteté, la montagne de la perfection divine, avant d’entreprendre une telle ascension, il nous faut écarter deux écueils bien compréhensibles.
Tout d’abord la prétention. Sentiment que l’on attribue généralement à la jeunesse. Car alors l’aventure ne fait pas peur, l’ascension est un vrai défi. Le physique semblera bien tenir la distance. Et puis, si c’est Dieu qui le demande, ce doit bien être possible ! Une vie sans idéal, c’est la déprime qui nous guette. Restons jeunes, soyons donc idéalistes ! Premier écueil.
Ensuite à l’opposé, le découragement. Sentiment que l’on attribue souvent à la vieillesse. Seigneur, toi seul es saint, tu es l’unique. Tu me demandes d’être comme toi ; mais je ne suis qu’un homme et je réalise bien que ce que tu me demandes est proprement impossible. Il faut bien être réaliste ! Deuxième écueil.
Faudrait-il alors s’en tenir à une attitude du juste milieu ? Entre ambition et laisser-aller ? Entre la déprime et l’utopie ?
La vie chrétienne ne parait vraiment pas simple. Et pourtant ce but, cette perfection, cette sainteté qui nous attire et que nous craignons tout à la fois, n’est pas si loin de nous ! Si Dieu, dans l’Ancien Testament, nous commandait du haut de sa montagne sainte, maintenant qu’il en est descendu, qu’il est venu jusqu’à nous en se faisant homme, ce n’est plus de l’extérieur qu’il nous ordonne la sainteté, mais bien de l’intérieur (de notre humanité) qu’il nous intime l’ordre de la perfection divine.
Et cette perfection en quoi consiste-t-elle ?
Il s’agit d’aimer, de bien aimer… jusqu’à la perfection. Alors pour gravir cette montagne il faut avoir en tête que Dieu est Amour, l’Amour en personne, l’Amour en perfection. Et par là, source de tout amour sur la terre parce qu’il nous a voulus par amour et qu’il nous aime. Oh, frères et sœurs, comme le Bon Dieu nous aime ! Et c’est déjà une révélation immense ! Et qui ne désire pas être aimé ?! C’est certainement premier. C’est sûrement l’étincelle de toute conversion. C’est fondamental. Mais le problème vient ensuite. Comment aimer ? Comment répondre à cet amour, à cet appel à la sainteté ? Comment bien aimer, comment aimer à la perfection comme Dieu seul peut aimer ?
C’est là, frères et sœurs, qu’il nous faut accueillir la Parole de Dieu, le Christ Jésus lui-même, dans notre intelligence, dans notre âme, notre cœur profond. L’Évangile est une parole de Vie, une
Parole vivante qui doit nous habiter, nous animer de l’intérieur. Sinon il est un simple livre de préceptes.
La morale chrétienne a si mauvaise presse encore aujourd’hui parce qu’elle n’est pas connue de l’intérieur. Nos contemporains s’en tiennent à la lettre ! Et qui voudrait se brimer ? S’empêcher de vivre en vivant sous un régime de l’obligation, sous un code de bonne conduite réservé à une élite capable, seule, de se soumettre aux commandements divins ?
Or l’enseignement de Jésus, la morale du Christ, réclame de nous une adhésion de foi et un engagement du cœur. Toute la loi nouvelle est là. L’ascension de la montagne de Dieu est alors possible car le premier de cordée, notre guide et notre chef, c’est le Christ. Et si nous sommes au Christ, nous sommes à Dieu, nous dit saint Paul ! Cette loi nouvelle (avec en tête le commandement nouveau qui est le commandement de l’amour) qu’il nous faut accueillir n’est rien d’autre que l’Esprit Saint, la grâce, le don de Dieu total ! Oui c’est une Loi vivante, dynamique ! C’est l’Esprit Saint qui, en nous, nous fait aimer et gravir pas à pas la montagne de la sainteté. Une loi de perfection, il faudrait dire, une loi du perfectionnement permanent !
Voilà pourquoi le Christ nous invite à franchir humblement sous sa conduite et bien souvent portés par Lui les étapes nécessaires pour vivre de l’amour et en atteindre le sommet. Je les cite simplement.
Tout d’abord cessons de nous en tenir à la justice humaine ! Nous devons aller au-delà jusqu’à confondre le méchant et ouvrir son cœur : « ne ripostez pas au méchant ». Au contraire, exerçons notre force à aimer. Supportons l’injustice plutôt que de la commettre en retour… à notre tour !
Ensuite soyons généreux et désintéressés. Allons au-delà des bons comptes qui, s’ils font les bons amis selon la sagesse du monde, enserrent l’amitié mondaine et contentent l’égoïsme !
Surtout ayons à cœur de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal. Pardonner à notre tour ! Non que nos ennemis aient toujours à nous pardonner quelque chose ! Mais parce que c’est Jésus qui nous a pardonnés le premier, sur la Croix. Puissions-nous dire le Notre Père chaque jour en vérité. Notre pardon, frères et sœurs, ne sera toujours qu’une réponse à la miséricorde du Christ pour nous.
Nous devons le laisser, en nous, pardonner à nos ennemis. Demandons cette grâce au Seigneur, Esprit d’amour, qui prend pitié, pardonne et sanctifie ! Pardonner 77 fois 7 fois à notre prochain ! C’est encordés à la miséricorde de Jésus que nous pourrons gravir humblement cette étape particulièrement difficile !
Alors oui, nous pourrons aller au-delà de l’amour des païens, au-delà de l’amour des publicains, au-delà des limites de notre propre amour habituel, de notre amour propre !
Encordés à Jésus, à la suite de la Vierge Marie et de tous les saints, nous pouvons certainement monter à la montagne du Seigneur ! Vous imaginez un peu le panorama d’en haut ?! Que c’est beau la sainteté ! Que Dieu est grand ! Et quel bonheur que l’amour parfait !

fr. Antoine-Marie Berthaud, op

Frère Antoine-Marie Berthaud

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