Bon, mauvais, ou médiocre devant Jésus en Croix

par | 24 mars 2024

Fr. Sébastien Perdrix

D’ici quelques instants, nous allons vivre un exercice unique, un exercice que la liturgie ne renouvelle que deux fois par an : en ce jour, dimanche des Rameaux et vendredi saint. Alors tant qu’à faire, ne manquons pas l’exercice.

Nous nous tiendrons debout pour écouter le récit de la passion d’un homme : le récit d’un innocent condamné injustement à une mort odieuse ; le récit d’un homme abandonné par les siens ; le récit d’un homme torturé, moqué et cloué sur une croix ; le récit d’un homme que l’on dépose dans un tombeau, en hâte, sans que son corps puisse être embaumé, comme il convient ; le récit intense et dramatique des dernières heures de la vie d’un homme auquel il ne sera épargné aucune humiliation.

Nous nous tiendrons debout dans une écoute active, dans une écoute qui par le cœur suit un homme partout il se rendra : de Béthanie à Jésuralem, du milieu de la foule à l’intimité d’une chambre haute, de Gethsémani à la demeure du grand prêtre, du palais de Pilate au prétoire, du Golgotha au tombeau, de la vie à la mort. Nous le suivrons, et surtout nous considèrerons chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, chacun de ses silences. Si nous accomplissons cet exercice jusqu’au bout, nous pourrons à notre tour confesser, comme ce centurion au pied de la croix, face à Jésus, « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ». Car tout dans la passion, jusqu’au dernier soupir du Christ, nous parle de Dieu, de la persévérance de son amour, de sa volonté de ne pas se dérober face au mal, de son désir de nous sauver.

Si l’exercice que nous nous apprêtons à vivre nous demande de nous focaliser sur Jésus – personnage principal du récit, n’oublions pas les personnages secondaires. N’oublions pas de considérer avec attention les bons (les saintes femmes, Simon de Cyrène, le centurion et Joseph d’Arimathie), les médiocres (Pierre et les apôtres) et les mauvais (Judas, les grands prêtres, Pilate, la foule meurtrière et les soldats). Et pour quelle raison ? Parce qu’ils nous ressemblent. Le récit de leurs attitudes en face de Jésus fait écho à notre vie.

Mais en quoi ressemblons-nous à ces salauds qui ont livré le Christ à la croix ? Avons-nous jamais trahi et vendu notre prochain ? Avons-nous jamais choisi le mal par calcul intéressé ? Avons-nous jamais bafoué le faible ? Seule notre conscience peut répondre à ces terribles questions. Mais comme les apôtres, nous savons que de la médiocrité à l’infamie, il n’y a qu’un pas. Quand Jésus annonce que l’un d’eux le livrera, tous, sans exception, lui demandent : « Serait-ce moi ? » Leur cœur sait l’affreuse vérité : ils en sont tous capables. Pierre en fera la cuisante expérience.

Si nous sommes tous capables de commettre des actions abjectes, Dieu nous offre aussi d’être des justes. Nous pouvons tous être des Simon de Cyrène, prêts à aider notre prochain à porter sa croix. Nous pouvons tous être des Marie-Madeleine, des Marie, mère de Jacques et de José, des Salomé, proche par la compassion de ceux qui souffrent. Nous pouvons tous être de ceux qui ne détournent pas le regard face au frère accablé. Nous pouvons tous choisir d’être des Joseph d’Arimathie, choisir d’être de ceux qui accompagnent les défunts par la prière et la miséricorde.

Bons, médiocres et mauvais, nous le sommes selon que nous choisissons ou non de suivre le Christ.

Alors entrons résolument dans cet exercice. Soyons attentifs.

fr. Sébastien Perdrix

Fr. Sébastien Perdrix

Fr. Sébastien Perdrix