« Craindre Dieu : principe du savoir » (Si 1, 14-20)

par | 28 septembre 2021

Frère David Perrin

Il y a une chose que l’homme moderne, dans sa quête illimitée de savoir et de puissance, a perdue et qu’il ferait bien de retrouver, s’il veut être sauvé : c’est la crainte de Dieu. Cela fait bien longtemps, en effet, que Dieu a quitté les écrans radars de la science et que les savants, ingénieurs et techniciens ne se préoccupent plus de savoir si ce qu’ils disent et font est conforme à la raison ou si leurs travaux, spéculatifs et pratiques, plaisent ou non à Dieu. La crainte de faire quelque chose contre la nature et contre Dieu a disparu depuis longtemps de leur esprit. « Qu’est-ce que la vérité ? » demandait Pilate. Qu’est-ce que la nature ? Qu’est-ce que Dieu ? Rare sont ceux qui se posent aujourd’hui la question et plus rares encore ceux qui cherchent des réponses.

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », disait Rabelais. Après des siècles de positivisme, de relativisme et d’industrie mécanique, la science est enfin libre de tout contrôle extérieur, de toute morale individuelle et politique, de toute philosophie et théologie. Le seul impératif catégorique auquel elle obéit est celui du progressisme : tout ce qui peut être fait doit être fait et réalisé. Surtout s’il y a profit à la clef. Il n’y a plus d’ordre à respecter, de limites naturelles à observer et encore moins de Dieu à honorer. Pourquoi se soucier d’une nature qu’on peut manipuler à souhait et mater par la machine ? Pourquoi craindre un Dieu qui n’existe pas. La crainte de Dieu est d’un autre âge, d’un autre temps, celui de l’enfance de l’humanité. Elle est aussi ridicule que la crainte des oiseaux devant un épouvantail ! La seule peur que l’homme devrait avoir est celle d’avoir peur de Dieu !

Et pourtant l’Écriture ne cesse de nous rappeler que la crainte de Dieu est le début de la sagesse : « La sagesse commence avec la crainte du Seigneur » (Sir 1, 14) ; « La crainte du Seigneur : principe du savoir ; bien avisés tous ceux qui s’y tiennent (Ps 111, 10). Le véritable sage est un homme qui a la foi, un homme qui croit en Dieu et qui tremble parce qu’il est en présence d’un être qui le dépasse, qui excède toutes ses conceptions et son pouvoir. Comment, en effet, ne pas se reconnaître tout petit devant le Créateur de l’univers ? Comment ne pas être impressionné, intimidé par tant de grandeur, de sagesse, de beauté, de finesse ?

La crainte de Dieu est le premier pas de la sagesse, le premier mouvement de celui qui commence à comprendre Dieu, à prendre la mesure de celui qui est sans mesure. C’est un pas de recul devant tant de grandeur ou une prosternation. La chaste crainte est l’admiration de la créature pour ce Dieu qui est infiniment grand. Elle est aussi la peur de l’offenser, la peur d’être séparé de lui, de mal parler de lui, de ne pas lui rendre gloire comme il le faudrait : « Pourvu, se dit l’homme sage, que je ne m’enorgueillisse pas au cours de ma route ! Pourvu, ô Père, que mes travaux ne m’éloignent pas de toi et qu’ils ne desservent pas mes frères. Pourvu que je ne perde mon âme, comme Satan, en cherchant le savoir ou en prétendant savoir mieux que toi. Pourvu que jamais je ne me pense parvenu au sommet et que je ne me mette à regarder de haut mes frères. »

La recherche de la sagesse suppose beaucoup d’humilité. Celle-ci consiste à se savoir inférieur et dépendant de Dieu, à se reconnaître pauvre et faible, nécessiteux, par conséquent, de la sagesse et de la force de Dieu. La crainte du Seigneur n’est pas un défaut ou une tare. C’est, au contraire, une réaction saine et naturelle de l’esprit. Nous croyons même qu’elle peut venir d’en haut et être inspirée par Dieu. Le don surnaturel de crainte est un des Dons de l’Esprit Saint. C’est le don des grands savants qui se savent enfants, de ceux qui tremblent devant la vérité et qui n’oublient jamais « qu’avant la gloire, il y a l’humilité » (Pb 15, 33).

 

Frère David Perrin

Frère David Perrin