Entre la Parole et le Pain
Si les textes liturgiques ont ouvert notre été par la mise en scène de la Parole de Dieu comme une immense moisson, c’est la figure du Pain de vie qui l’achève.
Et c’est à cette jointure, où la Parole se transforme en pain dans nos célébrations que je veux m ’arrêter ce matin. A chaque messe, la liturgie de la Parole s’accomplit dans le Pain consacré, vrai corps du X, vrai nourriture. Ainsi que nous le dirons dans la prière d’offrande « Accueille, Seigneur, ce que nous présentons pour cette eucharistie où s’accomplit un admirable échange »
Début juillet, nous avons vu Jésus dans l’évangile retourner chez les siens et n’y être point reçu, envoyer ses apôtres aux confins pour évangéliser, puis les inviter au désert avant d’y être à nouveau déranger par les foules qui le poursuivent. Et c’est alors qu’il engage la multiplication des pains et des poisson présenté par un enfant. Et c’est l’esprit d’enfance qui permet de le recevoir non comme une solution thaumaturgique au problèmes du monde, mais comme un pain de vie. Devant le scandale de cette annonce, le Christ aujourd’hui provoque à la confession de foi et nous met rudement devant l’alternative de la mort ou de la résurrection.
Oui, dimanche après dimanche comme une seule messe, nous proclamons une Parole qui se transforme en Pain.
Convenons que nos Paroles à nous sont rarement nourrissantes : elles ressemblent à ces bonbons Haribo aux colorants chatoyants devant lesquels entre frères nous nous extasions hier en récréation.
Comment donner une fécondité de vie à nos Paroles ? Comment accueillir la Parole du Christ afin qu’elle devienne Vie ? Comment les éclats d’éternité qu’elle recèle peuvent tracer un chemin de vérité en nos cœurs et nos âmes ?
Et le Verbe, unique Parole de Dieu dit « Moi je suis le pain vivant… qui mange de ce pain vivra éternellement ». Le Psaume le disait : « Le Seigneur rachètera ses serviteurs : pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge. »
Quelles participations ou dispositions pour qu’à la jointure entre liturgie de Parole et de l’Eucharistie la proclamation dominicale devienne communion à la Vie éternelle ?
Jeudi nous célébrions l’Assomption de celle qui « gardait et méditait toute chose dans son cœur » et qui accomplit jusqu’au Ciel la deuxième lecture « accompagnée d’une parole ; Dites entre vous des psaumes, des hymnes et des chants inspirés, chantez le Seigneur et célébrez-le de tout votre cœur.» Marie est le premier témoin que « celui qui mange de ce pain vivra éternellement » et quelle disposition nous enseigne-t-elle ?
1. Êtes-vous affamé et assoiffé de Dieu ? Personne plus que Marie, Immaculée et exilée dans un monde marqué par le péché, n’ eut autant faim et soif de la venue de Dieu, comme un cri ardent de l’épouse à laquelle la venue de l’époux a répondu
2. Dialoguons et combattons-nous tel Jacob avec l’ange qui est messager de Dieu ? C’est dans ce cœur à cœur et intelligence à intelligence que se transforment nos pauvres paroles en vie offerte par Dieu. Je rêve parfois d’insérer dans les textes de la liturgie des mots étranges pour nous réveiller à ces péricopes que nous connaissons tellement que nous ne savons plus quelques minutes après leur lecture ce qu’ils ont exprimé. Lisons-les par avance, rappelons-les dans la semaine, mémorisons une phrase pour la mâchouiller opiniâtrement et en tapisser notre mémoire intérieure.
3. Enfin Marie trône de la sagesse que nous avons honorée il y a quelques jours dans son couronnement nous fait regarder le monde du haut de la gloire de Dieu. La gloire est l’accomplissement du temps où lumière et amour s’embrassent, où se transforment les morts en victoires, où tout prend son sens et se transforment nos combats en paix. Marie, à peine la parole de lumière de Gabriel offerte, se met en route pour laisser dans la visitation la charité inaugurer sa victoire.
Alors qu’à la jointure entre Parole et Pain, nous puissions réveiller être hâte à notre tour à la laisser fructifier. C’est un peu le milieu du gué où se situe toute notre vie, entre l’annonce et la consommation de la vie éternelle. Reçu dans une soif immense, déjà nous nous tendons vers Dieu dans un dialogue ardent pour que dans le don du Pain il puisse saisir notre main et la poser sur son Visage. « C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. »
Fr. Dominique-Raphaël Kling, op