La paille et la poutre – Mt 7, 3-5

par | 1 mars 2022

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Le Christ nous invite à une introspection et à faire preuve de transparence vis-à-vis de soi-même. Disposons-nous à une attitude de simplicité en toute humilité, authenticité et conscient de nos vulnérabilités. Il n’est pas question ici de se focaliser sur la paille du voisin. Le Christ invite chacun à se mette en face des poutres qui nous rendent aveugle et nous empêchent d’être nous-mêmes. L’enjeu est de taille. À chacun, et moi le premier, revient de reconnaître en conscience ses poutres, ses propres défaillances et les transformer en opportunités. Par cette démarche, chacun deviendra de plus en plus maître de soi, un bel arbre tel un enfant de Dieu dont le cœur porte beaucoup de beaux fruits en vue d’hériter de la vie éternelle. Une question se pose, quelles sont ces poutres incrustées dans nos yeux et qui nous rendent aveugle de nous-mêmes ?
 
Quand Jésus nous parle de poutre, ce n’est pas si anodin surtout de la bouche d’un charpentier. Dans un bâtiment, la poutre joue un rôle structurel important. C’est un des éléments essentiels de la charpente. Son rôle est de soutenir la toiture, tout comme les paliers des différents étages d’un bâtiment. Cela assure la stabilité de l’édifice et son bon fonctionnement. C’est mille important et donc fondamental. Transposons l’image de la poutre, comme le suggère Jésus, en l’homme. Qu’est-ce qui en lui est fondamental, le définit, le soutient et le structure en tant qu’humain, lui permet d’être maître de soi et d’être un bel arbre portant de beaux fruits ? C’est la liberté comme aptitude de l’autonomie humaine en étant responsable de l’autre et de soi et conscient de l’existence. Mais en quoi cette poutre de la liberté serait un obstacle à soi-même et nous rendrait aveugles de nous-mêmes ?
 
Premièrement, avons-nous une bonne conception de la liberté ? Ayons conscience que cette aptitude n’est pas innée mais bien acquise. Cette capacité prend appui sur toutes les facultés et principalement l’intelligence, qui discerne à partir de la réalité de nos désirs la vérité, la propose à la volonté, qui se positionne vis-à-vis d’elle, décide du bien à opérer et s’engage à le réaliser. N’oublions pas que nos facultés ont besoin des vertus pour être mues. Ainsi, la liberté comme aptitude coordonne nos facultés, désirs et vertus au sein de la conscience. Elle détermine d’une part notre vouloir en motifs et moyens d’épanouissement et d’autre part notre agir, en vue de les déployer l’un et l’autre à travers l’existence et ainsi atteindre notre accomplissement de fils et fille de Dieu.
 
Deuxièmement, si la liberté se construit au fur et à mesure de l’existence, elle n’est jamais parfaitement opérationnelle. Certes, nous saurons la faire progresser si chacun prend le soin de se mettre en face de lui-même afin d’endosser une juste estime de soi en votant deux écueils : la surestime et la sous-estime de soi. Il est bon de reconnaitre le potentiel de notre tempérament tout en étant conscient de nos vulnérabilités. Chaque personnalité est constituée par un mix de facilités pour entreprendre des projets, d’intérêts dans tels ou tels domaines scientifiques, douée d’intelligence pratique ou relationnelle. Mais personne ne rassemble à lui seul toutes les perfections des différentes dimensions de la nature humaine. De plus, qui n’a jamais été mis en cause et/ou fragilisé par une forme de rejet, d’abandon, d’humiliation, d’injustice, de trahison ? Le Christ nous invite à prendre conscience de nos défaillances qui altèrent notre structure intérieure et la bonne utilisation de notre liberté.
Troisièmement, ce qui entrave notre liberté, c’est ne pas savoir confier auprès d’une personne de confiance nos poutres. Que cela soit dans une confession, dans l’accompagnement spirituel ou tout simplement dans des confidences. Dans ce domaine, tout est une question de dépassement de sa honte par l’humilité. Mettons des mots sur les réalités et sortons les de notre cœur, par notre bouche, en les explicitant. Ainsi, je finirai par cette expérience : Il y a quelques semaines, j’étais avec des couples pour un week-end service après vente mariage. L’un des couples s’est simplement et humblement confié. Ils ont sorti de leurs yeux une belle poutre qui entravait l’exercice de leur liberté. Une fois rentrés chez eux, je reçois de leur part ce texto : de ce week-end, nous en sortons grandi et heureux comme touché par l’Esprit-Saint, et cela fait un bien fou.
 
Bref, avant de se préoccuper de la paille de l’autre, préoccupons-nous de nos propres poutres avec l’aide de l’Esprit-Saint et de nos anges gardiens qui prendront soin de nous et nous aiderons à nous libérer.

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Frère François Régis Delcourt