L’âme du monde – Fête nationale française

par | 14 juillet 2024

C’est le 6 juillet 1880 que le projet de loi présenté par le député Benjamin Raspail était voté à l’Assemblée nationale. Composée d’un article unique, elle déclare que « la République adopte la date du 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle ». L’apôtre Paul nous encourage « à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité » (1Tim 2, 1-8). Fidèles à son enseignement, les chrétiens ont à coeur le bien commun de la nation qu’ils habitent. Un chrétien anonyme le formulait ainsi au deuxième siècle : « Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre l’emporte sur les lois » (Lettre à Diognète, 5, 5 ; 5, 10 ; 6, 10).

A bien des égards, notre situation actuelle est proche de celle des premiers chrétiens : la société d’aujourd’hui, si elle a été façonnée par la foi chrétienne, a oublié Dieu si bien que son assise la plus fondamentale s’écroule sous elle. La crise politique, économique, sociale que traverse notre pays n’est après tout qu’une péripétie de plus de cet effondrement plus vaste. Depuis une cinquantaine d’années, les lois sociétales défont le tissu de la société et lui retirent lentement mais sûrement son support chrétien. Les mots du cardinal Ratzinger résonnent alors à nos oreilles : « La petite barque de la pensée de nombreux chrétiens, bien souvent, a été agitée par ces vagues, jetée d’un extrême à l’autre : du marxisme au libéralisme, jusqu’au libertinisme ; du collectivisme à l’individualisme radical ; de l’athéisme à un vague mysticisme religieux ; de l’agnosticisme au syncrétisme, etc. Chaque jour, naissent de nouvelle sectes, réalisant ce que saint Paul disait sur « l’imposture des hommes et leur astuce qui entraîne l’erreur » (cf. Ep 4, 14). Avoir une foi claire, selon le Credo de l’Eglise, est souvent étiqueté comme du fondamentalisme tandis que le relativisme, c’est-à-dire se laisser porter « à tout vent de la doctrine », apparaît comme la seule attitude digne du temps présent. Peu à peu se constitue une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui ne retient comme ultime mesure que son propre ego et ses désirs » (Homélie pour l’entrée en conclave, 18 avril 2005).

En ce jour de fête nationale, il nous revient de prier avec insistance pour notre pays de France. Plus que jamais, notre mission de chrétiens se révèle absolument nécessaire ! Si le Christ nous a appelés à lui, c’est pour nous envoyer aussitôt « en mission deux par deux » (cf. Mc 6, 7). L’annonce de la Bonne Nouvelle n’est pas une option, mais un mandat auquel nous ne pouvons nous dérober ! La charité nous y oblige : tant de nos concitoyens sont sans espérance. Alors qu’on nous dit qu’il n’y a rien au-dessus des lois de la République, nous affirmons, nous, que Dieu « nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde (donc avant la fondation de la République), pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour » (Eph 1, 4). Le fait que nous soyons chrétiens n’est en rien le fruit du hasard : dans sa providence, le Seigneur a voulu que nous fussions présents à ce moment précis et dans ce lieu précis de l’histoire du salut. Le mystère de sa volonté nous a été dévoilé et nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu, non seulement pour notre salut mais aussi pour celui de tous les hommes. Chacun de nous, à sa manière et selon son génie propre, est invité à l’espérance dans le Christ, unique sauveur du genre humain.

Le baptême que nous avons reçu alors que, à l’instar d’Amos, nous n’étions « pas prophète ni fils de prophète » (Am 7, 14), nous a saisis pour faire de nous des prophètes, témoins de la vie surabondante que Dieu nous a librement offerte. Au cours des débats parlementaires, Henri Martin, le rapporteur de la loi du 6 juillet, déclarait : « L’ancienne royauté avait fait pour ainsi dire le corps de la France, et nous ne l’avons pas oublié ; la Révolution, ce jour-là, le 14 juillet 1790, a fait, je ne veux pas dire l’âme de la France – personne que Dieu n’a fait l’âme de la France – mais la Révolution a donné à la France conscience d’elle-même ; elle a révélé à elle-même l’âme de la France ». Le libre-penseur ne s’est peut-être pas rendu compte de la portée de ses mots. Quoi qu’il en soit, ils nous redisent ce que disait déjà l’auteur de la Lettre à Diognète : « Ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde ».

Chers frères et sœurs, voici donc à quoi nous sommes appelés : à être l’âme surnaturelle d’un monde qui oublie Dieu, à être le sel de la terre et la lumière du monde (cf. Mt 5, 13-14) en annonçant « les merveilles de celui qui nous a appelés des ténèbres à son admirable lumière » (1P 2, 9). Chacun à sa manière, soyons cette âme, « à la louange de sa gloire, nous qui avons d’avance espéré dans le Christ » (Eph 1, 12). C’est le plus signalé service que nous rendrons à notre pays.

fr. Guillaume Petit, op

Fr. Guillaume Petit