Le pardon : voici, je fais toutes choses nouvelles

par | 7 avril 2019

Frère Pavel Syssoev

Le pardon serait-il une œuvre si difficile qu’il faut être Dieu pour l’accomplir ?

Condamner, c’est facile. Voilà une faute, voilà une règle, voilà une sanction qui tombe.

Fermer les yeux sur le mal peut être facile. Tu fermes les yeux sur mes crimes, je ferme les yeux sur les tiens. Une solidarité des malfaiteurs, un syndicat du crime.

Le pardon ne refuse pas de voir le mal. Le pardon ne se contente pas de le sanctionner. Le pardon prend le mal sur lui et le transforme en espérance.

Jésus ne refuse pas de voir l’adultère. Il ne le justifie pas. Il ne dit pas que tromper son mari ou son épouse soit un acte bon, noble, digne. Il déclare que c’est un péché : Va et désormais ne pèche plus. Jésus ne se contente pas de sanctionner le mal. Femme, personne ne t’a condamnée ? Moi non plus, je ne te condamne pas.

Il se redresse et il regarde. Il voit la foule accusatrice (c’est toujours facile d’accuser en foule) et il voit la femme. Alors, il les renvoie tous à leur propre conscience. Celui d’entre vous qui est sans péché qu’il le premier à lui jeter une pierre.

Eux, après avoir entendu cela, s’en aillait un par un, en commençant par les plus âgés. Voilà ce qui est sage. Voilà ce qui est rare de nos jours. Se reconnaître pécheur. Se dire : je suis un coupable. Le mal est en moi. Il me faut me convertir. Un aveugle qui conduit un autre aveugle tombe dans un trou et précipite l’autre dans sa chute. Un criminel qui justifie un criminel ou un criminel qui condamne un criminel – comment éviter une chute ? La justice et le pardon seraient-ils une œuvre si difficile qu’il faut être Dieu pour l’accomplir ?

Ils sont venus pour mettre Jésus à l’épreuve, pour lui montrer que la miséricorde qu’il prêche n’est pas juste, qu’elle est contraire à la loi, telle qu’ils la saisissent. Telle qu’ils la saisissent. Qu’ont-ils saisi de la loi, ces hommes iniques ? Pas grand-chose, puisqu’ils se retirent un à un. Ils n’ont pas mis la loi en pratique dans leur propre vie, et c’est pourquoi le pardon de Dieu leur reste inaccessible. Accuser les autres ne nous rend pas justes. Nous sommes ballottés entrer une condamnation sommaire et une complicité dans le mal, mais le pardon de Dieu, comment y accède-t-on ?

Ne faites plus mémoire des événements passés,

ne songez plus aux choses d’autrefois.  

Voici que je fais une chose nouvelle :

elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ?

Une création nouvelle. Dieu seul est la source de pardon car lui seul est Créateur. Il tire du néant tout ce qui existe. Il fait davantage : il prend un cœur pécheur et en fait un cœur juste. Il prend une âme adultère et en fait une âme droite. Il crée ce qui n’existait pas : la bonté à partir du mal.

Dieu a pitié de tout ce qui existe, car il a tout créé pour l’être. Il a pitié de l’homme tombé au pouvoir de la mort, car il l’a fait pour la vie. Il est patient et longanime. Il donne sa loi pour nous indiquer le chemin de vie. Il donne sa grâce pour que nous poussions y avancer. Il prend la glaise et en fait une âme vivante. Il prend les morts que nous sommes et en fait des vivants.

Il s’est fait homme. Il s’est fait mortel. Il est mort sur la Croix, parce que nous sommes pécheurs et parce qu’il veut faire de nous des justes.

Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts.

Comment entrer, dans cette œuvre ? Comment s’engager dans cette course ? Commençons par lâcher notre pierre. Une grande œuvre de justice divine doit s’accomplir en nous. Elle nous transformera jusqu’au fond de notre être. Dieu fera de nous une créature nouvelle.

C’est si facile : décrire comment les autres doivent changer. Ce que le monde doit devenir. Ce que l’Eglise doit devenir. Ce que mes voisins doivent devenir. Ce que mon épouse, mes enfants, mon patron – les autres – doivent devenir. Et c’est si insoutenable, si impossible de se tenir seul, sur cette place tout d’un coup vide, devant le regard de Dieu. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu.

C’est quand on se tient là, au milieu, seul, devant Jésus, coupable, que notre Pâque commence. « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » – « Personne, Seigneur ». « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus ».

Qui a dit que le pardon était une chose facile ? C’est une œuvre divine.  Pour elle Dieu s’est fait homme.

Voici que je fais une chose nouvelle :

elle germe déjà, ne la voyez-vous pas ?

 

fr. Pavel Syssoev, op.

Frère Pavel Syssoev

Frère Pavel Syssoev