M’aimes-tu vraiment ?

par | 5 mai 2019

Frère Pavel Syssoev

M’aimes-tu vraiment ? Toute notre vie est suspendue à cette ultime question que Jésus pose : m’aimes-tu vraiment ?

Redoutable examen de conscience. Jésus ne demande plus ce que je pense ou ce que je crois à son sujet. A cette autre question Pierre a déjà répondu, et ce en plénitude : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Il ne le tenait ni de la chair, ni du sang, mais du Père qui lui a révélé cela. Il était dans la vérité.  Jésus lui-même l’a proclamé. Simon est devenu la pierre sur laquelle Dieu bâtit son Eglise. A sa suite, avec lui, greffés sur lui nous confessons : tu es le Christ, le Fils de Dieu vivant, mais cela ne répond pas à la question d’aujourd’hui : m’aimes-tu vraiment ?

Jésus ne nous demande pas si nous comptons sur lui. Il ne nous demande pas s’il est important pour nous. Il ne nous pose pas la question si nous voulons être avec lui. A toutes ces questions, Pierre a déjà répondu. Lorsqu’après le discours de pain de vie, les foules s’éloignaient de Jésus, dépités, déçus : elle est dure cette parole et qui peut l’entendre ? –  le Christ demande à ses disciples : voulez-vous partir, vous aussi ? La voix de Pierre s’élève : Vers qui irions-nous, Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle !

Jésus ne nous demande pas ce que nous ressentons à son égard. Sommes-nous sincères ? Sûrs de nos forces ? A cette question aussi, Pierre a déjà répondu. Il est si fier de sa fidélité, si sûr de son attachement, sincère, sans doute. Même si tous les autres t’abandonnent, je suis prêt à aller avec toi et en prison, et à la mort ! Je donnerai ma vie pour toi ! Et cette nuit même, avant le chant du coq, de cette belle générosité il ne restait plus rien. Reniement, angoisse, honte. Et, sortant dehors, Pierre pleura amèrement. Ces larmes de repentir ne sont donc pas encore la réponse à notre redoutable question : m’aimes-tu vraiment ?

La joie de la Pâques a-t-elle envahi notre cœur ? Telle n’est pas la question de Jésus. Pierre court, et il arrive au tombeau, et il y entre, et il voit, et il croit. Ce souvenir et cette certitude, rien ne l’ébranlera, mais cela n’est pas encore ce que Jésus lui demande. Cela n’est pas encore ce que Jésus nous demande : m’aimes-tu vraiment ?

Croire en Jésus, le confesser comme Christ et Fils de Dieu, cela est juste et bon, mais il nous faut plus. Le suivre, mettre sa foi en ces paroles, avancer avec enthousiasme et générosité, cela est magnifique, mais il nous faut plus. Affronter sa Passion, la prendre de plein fouet, découvrir son péché, son infidélité, sa fragilité et son inconstance, les pleurer amèrement, cela est si vrai, mais il nous faut plus. Courir dans la lumière de la Pâques, découvrir le tombeau vide et croire enfin à la Résurrection, cela est notre joie et notre espérance, mais il nous faut encore plus.

M’aimes-tu ? – Seigneur tu sais tout, tu sais que je t’aime. Sans présomption aucune, sans fierté orgueilleuse, avec une parfaite conscience et de son néant et de la gratuite de ton amour, Pierre t’aime. Pauvrement, humblement, simplement. Il ira là où il ne voudrait pas aller. Il se laissera guider par les chemins qu’il n’aurait pas pris. L’autre le ceindra, l’autre le conduira, l’autre lui proposera la croix, et Pierre l’embrassera, car c’est toi, Seigneur, qui vit en lui. Il t’aime vraiment, car c’est toi qui es sa vie. C’est toi, Seigneur, qui est son maître, et sa joie, et sa fierté. Et lorsqu’il faut poser des choix radicaux, c’est toi, Jésus, qu’il regardera, seul.

Pierre n’est pas seulement le maître de notre foi. Il est le maître de notre amour. C’est son amour qui le rend inébranlable. L’amour croit tout, espère tout, supporte tout. Notre foi est fondée en lui. Notre espérance est portée par lui. Notre conversion et nos amères larmes, et notre joie de Pâques, ne sont que les facettes de son mystère. Simon, m’aimes-tu vraiment ? – Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime.

Fr. Pavel Syssoev, op.

Frère Pavel Syssoev

Frère Pavel Syssoev