Une fécondité royale
Les paroles de celui qui est la Parole, le Christ.
Mais on peut dire, si l’on relit le récit de l’Annonciation qu’en effet l’ange Gabriel s’adresse à Marie avec des paroles, avec un message que le Père lui a confié. Et chacun des mots de ce message, valent leur pesant d’or. Mais il a un unique sens : Dieu est avec nous. C’est vaste ! C’est sa présence qui se fait parole, relation par nature.
Le Seigneur est avec toi (Lc 1, 28)
A cette salutation de l’Ange, la personne de Marie se fait hospitalité, elle ouvre sa demeure. Sa personne s’ouvre sans réserve à cette présence pour accueillir ce qui va lui être déclaré par l’ange. Elle peut s’ouvrir parce que Dieu en elle s’était préparée une demeure de longue date pour ce jour ; elle était comblée de grâces et elle ne le savait pas. Elle s’ouvre sans entrave parce qu’elle reconnaît dans le message de l’ange celui qu’elle connaît de longue date ; celui qui a parlé aux pères dans la foi. Mais avec cette différence que c’est directement à elle, en personne, que la parole de Dieu s’adresse ; et l’étonnement, sa surprise viennent de là.
« Se souvenant de sa miséricorde, il est venu en aide à Israël, comme il l’avait annoncé à nos pères en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais » (Lc 1,54-55). La descendance est là ! Elle est là, aussi, ici, aujourd’hui.
Marie en est bouleversée parce que dans la voix de l’ange, dans cette salutation, elle reconnaît le Dieu de ses pères avec lequel elle s’est familiarisée, en méditant sa Parole. Elle l’a connaît par le cœur. C’est son Espérance ! c’est l’Espérance d’Israël ! Elle est bouleversée ! Mais elle ne sait pas encore ce que l’ange lui veut. Son écoute de la Parole de Dieu a pétri en elle, une disposition à accueillir librement le don de Dieu. Mais elle n’en a pas pris encore la mesure.
Frères et sœurs, nous en sommes là, nous aussi ; nous avons été pétris – mieux encore, nous sommes pétris – c’est au présent qu’il faut parler- pour accueillir la Parole de Dieu; car c’est aujourd’hui, ici, que cette parole s’accomplit Dieu est avec moi. C’est ce que signifie l’incarnation du Verbe de Dieu parmi les hommes.
D’ailleurs, au fond, n’est-ce pas ce que nous cherchons en venant à l’église ?
« Ne crains pas » (Lc 1,30). La formule revient souvent dans l’Écriture. En effet Marie a de quoi s’interroger. Auparavant l’Ange du Seigneur aura dévoilé le secret de cette démarche : « Voici que tu concevras, en ton sein, et enfanteras un Fils, et tu l’appelleras du nom de Yeshoua » (Lc 1,31) ; ce qui signifie Dieu sauve. Par une grâce spéciale de Dieu, l’annonce explicite de l’ange va élargir ses dispositions d’accueil à la venue de Sauveur. Cette grâce spéciale va amplifier Marie, dans sa personne, dans son être, comme réceptacle destinée à le recevoir. Réceptacle, demeure qui va se laisser emplir sans réserve, de l’intérieur par la Parole
Au fond, disons-le, la venue du Sauveur en elle est la déclaration d’amour que Dieu fait à l’humanité dans sa personne. Les capacités humaines à s’ouvrir au don de Dieu, au don du Père, vont s’amplifier par la grâce. Marie va devenir le modèle en acte de ce que la Parole de Dieu est capable d’accomplir en l’homme Et nous l’avons là sous nos yeux, dans les Évangiles.
« Qu’il me soit fait selon ta parole »(Lc 1,38)
N’imaginons pas que tout ait été réglé et résolu par ce consentement qu’elle a donné à Dieu. Nous avons vu que Marie, même bouleversée, garde les pieds sur terre ; elle se demande comment Dieu va s’y prendre pour réaliser cette promesse. Mais la confiance dans sa Parole est là. Remarquons que c’est l’ange qui lui précise que l’enfant qui va naître d’elle était déjà annoncé dans les Écritures.
Alors Marie va donc continuer à lire et à méditer les Paroles de l’Écriture ; moyen pour elle d’avancer dans la fidélité à la grâce qu’elle a reçu, et de découvrir la fécondité que Dieu attend d’elle. C’est à dire en cherchant inlassablement à percer le sens de ce qui lui a été annoncé.
Et elle le fait de deux manières : – d’abord en suivant son Fils- et c’est ainsi que Dante a pu dire que Marie devient la fille de son Fils– car elle s’est mise à son école ; et ensuite parallèlement en scrutant les Écritures avec le secours de l’Esprit Saint qu’elle a reçue. Et l’unification va se faire ainsi en elle.
Le Seigneur va émonder Marie à plusieurs reprises au cours de l’enfance de Jésus et de sa vie publique. C’est Siméon, un saint homme de vieillard, qui va lui annoncer dans le Temple de Jérusalem – c’est donc prophétique – ses douleurs qui commenceront aussi dans le Temple de Jérusalem. « Son Père et sa mère était dans l’étonnement de ce qui se disait de lui » (Lc 2,33). « Ses parents ne comprirent pas la parole que Jésus venait de leur dire… mais sa mère gardait fidèlement toutes ces choses dans son cœur »
Jésus, qui se doit aux affaires de son Père, va conduire sa mère jusqu’à une amplification de sa fécondité maternelle à travers les émondages douloureux et successifs qu’elle connaîtra et qui l’ont toujours conduit au plus près des Écritures.
Ces événements et d’autres encore vont la préparer à recevoir sa vocation au pied de la croix. Au pied de la Croix, avec saint Jean auprès d’elle, nous la trouvons en silence au plus haut de la douleur mais aussi au plus haut de la Paix. Dilatation de sa maternité, amplification de sa maternité jusqu’à prendre une dimension universelle. Fécondité royale !
Amen.
Fr. Pierre-Alain Malphettes