Une question de vie ou de mort
Notre histoire sainte avec le Seigneur est une question de vie ou de mort : « Vois ! Je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. (…) Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie » (Dt 30, 15.19). Ce choix qu’il nous faut poser en faveur de la vie, du bonheur et de la bénédiction dévoile le dessein de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés. « Il désire notre salut, mon salut, le salut de chaque personne. Toujours (…) son cœur s’émeut pour nous, il se penche sur nous. Pour que la puissance de sa miséricorde puisse toucher nos cœurs, il faut s’ouvrir à Lui, il faut librement être prêt à abandonner le mal, à sortir de l’indifférence, et à donner un espace à sa Parole. Dieu respecte notre liberté. Il ne nous contraint pas. Il attend notre « oui » et, pour ainsi dire, il le mendie. »[1]
A la méchanceté grossière du premier fils qui se repent et fait la volonté de son père s’oppose la déférente obséquiosité du second qui renonce à la parole donnée et ne fait pas la volonté de son père. Nous comprenons ainsi que le Seigneur ne veut pas être aimé seulement en paroles mais en actes : « Ce n’est pas en me disant “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux » (Mt 7, 21). Nous comprenons aussi que le temps de la conversion nous est offert. Le commentaire que le Seigneur fait de cette parabole le manifeste. Même les plus grands pécheurs – pensez donc : des publicains et des prostituées ! – se sont repentis et le Seigneur déclare à leur sujet qu’ils nous « précèdent dans le royaume de Dieu » (Mt 21, 31) !
C’est qu’en effet l’énormité de leur péché ne laissait aucun doute : ils étaient foutus ! Pour eux pas de salut possible, pas de paradis, pas de purgatoire mais l’enfer, la damnation éternelle. Toutes leurs justifications, leurs bonnes excuses, leurs petits arrangements de conscience… rien de tout cela ne tenait devant la réalité de leur péché. La parole de Jean Baptiste a résonné à leurs oreilles comme une vraie bonne nouvelle, un cri de libération, la possibilité enfin retrouvée du salut ! Ils n’avaient plus rien à perdre ; ils y ont cru ; ils nous précèdent parce qu’ils ont laissé le désir salutaire de Dieu envahir leur vie et la transformer de fond en comble.
En Algérie, un homme musulman a tué son patron. Il est arrêté et condamné à mort. Pendant 17 années, il vit dans le couloir de la mort. Comme on le lui a expliqué, il croit fermement qu’après sa mort, il ira en enfer pour l’éternité. Sa vie en prison est déjà un enfer sur terre, figure de ce qui l’attend après. Il devient de plus en plus violent. Son humanité s’efface, il n’est qu’une bête : violent, agressif, désespéré. Des missionnaires chrétiens lui parlent de la miséricorde et de la rédemption, de la bonté de Jésus ressuscité qui veut le salut de tous les hommes, de la vie éternelle offerte même aux plus grands pécheurs. La grâce fait irruption dans son âme. Il découvre le Christ ! Tout change pour lui. Sans se cacher, il annonce à tous qu’il est devenu chrétien et qu’il ne vit que pour Jésus. Il est prisonnier ? La belle affaire ! Dieu l’a délivré de la plus terrible des prisons. Déjà sauvé en son cœur, il passe ses journées à évangéliser. On l’appelle désormais le chrétien. Le prêtre qui m’a raconté cette histoire conclut : « Je suis jaloux de lui : il a une joie que je ne connais pas : il sait ce que c’est qu’être arraché à l’enfer… »
Entre les deux fils, se tient la figure cachée du vrai Fils qui dit oui et qui fait la volonté de son Père. C’est Jésus qui, en entrant dans le monde, dit : « Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté » (He 10, 7). Il est le modèle parfait que nous avons à imiter : « Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5). Imiter Jésus pour apprendre à devenir en lui fils de Dieu, voilà tout le but de notre vie chrétienne, voilà l’unification de notre cœur et l’union de notre volonté à celle de Dieu, voilà le chemin de la vie, du bonheur et de la bénédiction ! Que le Seigneur ouvre notre cœur à la puissance de sa miséricorde et nous donne la grâce de nous convertir. Amen.
fr. Guillaume Petit
[1] Benoît XVI, Homélie, Fribourg en Breisgau, 25, septembre 2011.