Couronné d’épines, couronné de gloire – fr. Jean-Ariel Bauzas-Salinas, op.

par | 5 mai 2016

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Solennité de l’Ascension
Jeudi 5 mai 2016
Couronné d’épines, couronné de gloire
Nous fêtions hier, dans l’ordre des prêcheurs, la Mémoire de NSJC dans sa Passion. Le Missel de l’Ordre dit ceci : « Dès les origines de l’Ordre, les frères eurent une grande dévotion pour la Passion du Sauveur. Le plus ancien témoignage liturgique est certainement la  célébration de la Couronne du Seigneur. Cette célébration fut introduite en 1239, lorsque le roi de France, Louis IX, fit don à nos frères d’une épine de la couronne du Seigneur ».
Hier, la couronne d’épines, aujourd’hui le couronnement d’un cycle : du cycle de l’humanité blessée par le péché et qui arrive, grâce au Christ, au bon port.
« Il est écrit que le Christ souffrirait » dit Jésus à ses disciples (Mt 18, 16-20). Mais après ces souffrances et son relèvement « il est entré dans le ciel, dit l’épitre aux Hébreux, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu » (He 9, 24).
Hier « son visage était si défiguré qu’il n’avait plus apparence humaine », aujourd’hui il se tient face au Père pour nous. Après avoir présenté sa sainte face aux hommes, qui l’ont crachée, bafouée, et couronné d’épines, le Père enveloppe aujourd’hui l’humanité de son Fils de la gloire qu’il possédait depuis toute éternité.
Dans la dernière cantate sur les Sept Plaies du Christ en Croix (Membra Jesu nostri), Buxtehude met un musique un poème d’un cistercien du XIIème (ou du XIIIème siècle ?), repris plus tard par Bach dans la Passion selon saint Matthieu : « Je te salue, tête ensanglantée, toute entière couronnée d’épines, frappée du roseau, visage souillé de crachats ». Mais si nos auteurs pleurent le crime le plus affreux que l’humanité commit contre l’humanité, Buxtehude exprime d’abord, en tête de sa cantate, une ardente espérance, celle du psalmiste : « Sur ton serviteur, que s’illumine ta face ; sauve-moi par ta miséricorde ! » (Ps 30, 17). Oui, la miséricorde est plus forte que la mort, et toute épine est brulé dans le feu de son cœur ardent.
Un « peuple couvert d’épines, dit saint Bernard dans  un sermon sur la Bienheureuse Vierge Marie, un peuple rude et aride, épineux par ses péchés (…) tressa une couronne d’épines pour son roi, et il brûla de rage contre lui, comme le feu qui pétille en consumant des ronces ». Et qui revêtît ce peuple d’épines ? Une vierge, la créature la plus parfaite du Paradis. « Eve piqua (l’humanité) jusqu’à lui donner la mort, elle plongea dans le cœur de tous ses enfants l’aiguillon du péché (…). (Mais) pour faire éclater sa gloire et pour renverser la sagesse humaine, Dieu a daigné naître d’une femme vierge, issue de la tige épineuse des Pères, prendre un corps afin de devenir semblable à l’homme, de guérir le contraire par son contraire, d’arracher l’épine vénéneuse et de déchirer avec puissance la cédule de condamnation du péché. (…). (Si) Ève fut une épine, Marie est une rose : Ève épine en donnant à tous la mort : Marie rose en rendant à tous le salut. » (Sermon « Ce fut un miracle que la Vierge enfantât »).
Aujourd’hui tout est accompli. La couronne d’épines du Christ, qu’Adam et Eve avaient tressée, devient aujourd’hui non pas simple couronne de roses, mais couronne de gloire sur la tête du Christ, tête de du nouveau Peuple de Dieu, et premier né d’une multitude de vivants.
Mystère de l’Ascension : la chair du Christ, née de la Vierge pure et blésée par l’homme, scellée de 5 plaies qu’il portera à jamais, entre dans la gloire. Et saint Léon le Grand de s’exclamer : « L’Ascension du Christ est donc notre propre élévation et là où a précédé la gloire de la tête, là aussi est appelée l’espérance du corps ». Aujourd’hui, en effet, ce n’est pas le paradis terrestre qui nous est ouvert, « mais, en la personne du Christ, nous avons même pénétré les hauteurs des cieux; par la grâce du Christ, nous avons obtenu plus que nous n’avions perdu » (Sermon 60, 1-2).
Ce corps qu’il a pris d’une vierge n’est pas seulement notre modèle : il est, en définitive, notre héritage, héritage qui a commencé lorsqu’il nous donna Marie comme mère, mère qui engendre un peuple nouveau. Héritage qui prend forme chaque jour dans le miracle permanent de l’Eucharistie. Héritage enfin, qui s’achèvera au dernier jour, lorsque la lumière jaillissant de son corps glorieux « transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire » (Phil 3, 21).

fr. Jean-Ariel Bauzas-Salinas, op.

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