Tout, tout de suite… Pour moi, la sainteté !

par | 1 novembre 2016

Fr Hughes-François Rovarino

Tout, tout de suite… Pour moi, la sainteté !

Solennité de la Toussaint  – fr. Hugues-François Rovarino, dominicain

Que faites-vous de votre vie ? Quel est le projet concret qui mobilise vos efforts ? Je revoyais récemment ce propos du printemps 1968 : « À l’avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale ». Andy Warhol, le peintre du pop-art, l’annonçait avec la conscience que cela allait changer les rapports sociaux, une certaine relation au réel et sur la terre entière, reliée par les médias. Mais, il parlait de 15 mn ; c’est si peu ! Cela changea quoi ? La possibilité de devenir célèbre ? Avec, en sous-entendu : enfin, je serai quelqu’un dont on entendra parler ; et j’en serai heureux : « Je m’présente je m’appelle Henri, j’voudrais bien réussir ma vie, être aimé… » Célébrité, réussite, amour, cela pourrait être lié ! Daniel Balavoine adoubant Andy Warhol, quelle époque épique que la fin du XXème siècle ! Pour en arriver-là, il fallait ne pas savoir à quel saint se vouer !

Mais voilà que notre espérance affiche un but infiniment supérieur : chrétiens, nous avons d’abord droit à plus de quinze minutes de célébrité, car l’éternité nous attend ; ensuite, notre vie peut-être consacrée par une réussite totale : être en Dieu ; enfin, quant à l’amour, il est appelé à nous transformer pour toujours : être comme Dieu ! Saint Jean nous l’écrit : « Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais (…) quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est.» Tout à l’heure, celui qui chantait son désir d’être aimé concluait : « Je me cherch’rai un Dieu, Pour tout me pardonner, J’veux mourir malheureux, Pour ne rien regretter, J’veux mourir malheureux. » Quelle tristesse ! Et souvent cette dernière se lit sur des visages ; je sais que nos proches peuvent aussi être dévorés par elle. La tristesse semble souvent s’imposer avec son soleil pâle ou un long désespoir.

Notre avenir n’a pourtant rien à voir avec cette désespérance. Nous n’avons pas à nous revêtir de squelettes pour mieux apprivoiser la mort. Nous, faits pour la joie, comment cela ne nous désolerait-il pas ! Entre « mourir malheureux » avec une célébrité de 15 minutes et la joie de la grâce allant vers la béatitude éternelle, nous avons déjà voté !

Car la Toussaint éclaire notre vie ; elle lui montre son espérance, l’amour dont nous sommes accompagnés et l’avenir qui nous est offert. Chrétiens, tout est grand pour nous. Pourquoi ? Saint Jean a répondu : « Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. » Le Seigneur nous a saisis ; lui qui a donné sa vie pour nous.

Il nous apprend à donner la nôtre. Il nous a parlé de Dieu pour cela ; et il nous parle de nous, nous livre des repères, des choix à oser réaliser avec sa grâce. Les béatitudes, ce n’est pas un rêve désespérant ! Adoptez-en une pour que les autres vous rejoignent. Vous résisterait-elle, qu’elle vous invite à en creuser le sens, à la goûter, à la faire découvrir à votre voisin, à vos amis. Dieu vient apaiser notre cœur, l’orienter, nous réunir et nous hisser en lui. Et son Eglise, son Corps, son Peuple, son Temple, tout à la fois, vous assure de cette espérance, et vous la transmet !

Parfois, notre vie peut être assiégée par un quotidien fatigué. Des malheurs, des douleurs, des langueurs, qui n’en a ? Mais en profondeur, notre foi peut faire des envieux. Elle se voit, car le cœur parle par nos yeux ! Un auteur a récemment mentionné « ce visage ouvert et fraternel que parviennent je ne sais comment à arborer les jeunes catholiques. » (Michel Houellebecq, Soumission p.168) ; en cela, il a raison ! Ils ne sont pas naïfs ni drogués, ces catholiques étonnants ; mais avec réalisme ils portent « ce visage ouvert et fraternel » qu’ils reçoivent de la grâce et des choix qu’elle oriente !

               Reconnaissable, enviable, ce regard vers le ciel éclaire les pas. La sainteté c’est aussi maintenant, sa joie est enviée. La sainteté n’est pas seulement pour un éventuel « plus tard », ni réservée à une élite. Elle nous habite déjà par la grâce de notre baptême. Elle veut transfigurer notre personne, notre quotidien. En renvoyant la sainteté pour « après » nous la rendrions difficile à réaliser par de mauvaises habitudes incrustées ; espérant la contenir, nous figerions notre intelligence ; bloquant son envol, nous crisperions notre cœur ; la reportant vers la fin de nos jours, nous en ferions inconsciemment notre adversaire ! Et si le temps ou le désir venait alors à nous manquer, quel éventuel petit saint nous ferions !

Pour une fois que l’Eglise encourage le « tout, tout de suite », comment ne pas en profiter ! Saint Jean-Paul II confiait : « Le premier devoir de l’Eglise est d’accompagner les chrétiens sur les voies de la sainteté, afin que, illuminés de l’intelligence de la foi, ils apprennent à connaître et à contempler le visage du Christ et à redécouvrir en lui leur identité authentique et la mission que le Seigneur confie à chacun. »

Comme notre cœur, remplissons nos poches de la grâce de Dieu pour la distribuer. Sans la charité, notre intelligence serait étroite, dévitalisée ou mortifère. Que notre esprit aide notre cœur à montrer que « L’Eglise est la « maison de la sainteté », et (que) la charité du Christ, répandue par l’Esprit-Saint, en constitue l’âme. En elle, tous les chrétiens s’entraident pour que chacun puisse découvrir et réaliser sa propre vocation. » Alors chacun saura entrer de plain-pied dans la Cité de Dieu.

 

Oui, la sainteté c’est pour aujourd’hui et c’est une question de vie ! Alors choisissons chaque matin Celui qui nous transforme en son amour ! Comme le Seigneur, on veut tout, tout de suite !

fr. Hugues-François Rovarino, op

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