Tout ce qui n’est pas donné sera perdu

par | 4 août 2013

Tout ce qui n’est pas donné sera perdu
TO 18 C                                                                                           Lc 12, 13-21
La vie de l’homme, fût-il dans l’abondance, ne dépend pas de ses richesses…
Tout ce qui n’est pas donné sera perdu. Toute richesse, toute joie, tout amour, s’ils ne sont pas partagés, s’évanouissent. Pire encore : tout ce qui ne s’élève pas en action de grâce, tout ce qui ne s’offre pas à son prochain devient un poids mort.
Nous croyons trouver dans l’abondance matérielle une protection, un mur qui nous défendrait contre l’adversité. Notre désirons réussir et prendre ainsi l’envol qui nous transporterait par-delà la solitude, l’angoisse, la souffrance. Ce désir s’enracine dans une attitude fondamentalement juste : Dieu nous a confié le monde, il a fait de nous ses gardiens et cultivateurs, les fruits de cette terre doivent être notre gloire. Mais notre cécité spirituelle fausse radicalement cette attitude : ce qui n’est qu’un moyen est pris pour une fin et s’avère décevant. Ce que nous prenions pour un remède ne fait qu’aggraver notre mal. Nous demandons à l’abondance des biens la béatitude, tandis que Dieu seul peut la donner. Dans la poursuite des richesses nous oublions celui qui en est la source et le véritable maître.
Alors les plaisirs d’amour passent avant l’amour ; les avantages de l’amitié – avant l’ami, les trésors de l’esprit – avant l’admiration, l’abondance des biens – avant le don. Pourquoi nous étonner comme si toutes ces réalités avaient failli dans leurs promesses ? A l’heure de notre mort notre argent nous dira : je ne t’ai jamais promis l’immortalité ! Nos plaisirs diront : nous étions francs, nous criions de toutes nos forces que nous sommes éphémères ! Dans le moment d’une solitude notre compte bancaire ne viendra pas nous tenir compagnie. Si nous vivons sans aimer, si nos biens ne servent pas notre amour, mais sont notre amour, qu’attendons-nous ? Nous avons déjà reçu notre récompense. Notre abondance sera le monument à notre égoïsme et à notre bêtise.
Si nous demandons à la profusion des biens créés de combler notre cœur, alors toutes ces réalités, appréciables et désirables, ne sont que misère. Tout ce qui n’est pas partagé, tout ce qui n’est pas donné, tout ce qui n’est pas offert, se perd, se gâte, se transforme en poison.
D’où vient toute cette tristesse autour de nous ? La pauvreté matérielle en serait-elle la cause ? Certainement pas ! Jamais la civilisation occidentale n’a été aussi opulente. Notre abondance est sans précédent. Notre époque serait-elle la plus heureuses de toutes ? Pas si sûr. Nous sommes aux prises avec le même mal spirituel : nous voulons satisfaire notre esprit avec le pain de cette terre, tandis que notre cœur est fait pour Dieu. Le Seigneur nous propose l’héritage de la vie éternelle et nous lui demandons départager des richesses ici-bas. Comme les miséreux des grandes famines, faute de pain nous mangeons de la boue, jusqu’à mépriser le Pain de vie qui descend du ciel et donne vie au monde.
Cela voudrait-il dire que les biens de ce monde sont sans aucune valeur pour notre vie spirituelle ? Loin de là ! Dieu crée un monde juste et bon, tel un sacrement de communion avec lui. Alors usons de toutes les réalités créées comme des moyens de communion avec Dieu. A travers tous ces biens notre Père nous dit son amour pour nous, il nous les offre. A nous de répondre par un don libre de tout ce que nous sommes, de tout ce que nous avons. Cultiver ce monde non pas par désir de gain, mais comme un culte de Dieu. Cultiver l’esprit non pas par volonté de puissance techniciste, mais dans l’admiration devant la beauté du créé. Offrir largement de nos biens à ceux qui nous sont confiés : tous les petits, tous les faibles de la terre. Leur donner non seulement une assistance impersonnelle, mais une possibilité réelle à devenir véritablement responsables de leurs destins.
Toute richesse, toute joie, tout amour trouveront leur accomplissement dans un don. Ils fleuriront en bénédiction dès le moment où ils seront offerts et partagés. Alors l’opulence ne sera pas notre maître, mais serviteur. A l’heure de notre mort la richesse ne sera pas un fondement qui se dérobera sous nos pieds, mais un pont qui nous conduira jusqu’à Dieu. J’ai été faible, malade, nu, ignorant, seul ; vous m’avez servi de vos biens. Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage non pas une abondance passagère, mais mon héritage à moi que je désire vous donner – le Royaume de mon Père !
Heureux celui qui est riche en vue de Dieu !

fr. Pavel SYSSOEV op

Fr. Pavel Syssoev