Maintenant, je crois !
MAINTENANT, JE CROIS !
Sur le Récit de l’Aveugle-né [Jean 9]
Fr. Antoine-Marie Berthaud, o.p.
Chers catéchumènes, frères et sœurs, chers amis, cet évangile un peu long aurait pu servir à lui-même de prédication. Car il s’agit d’une histoire et d’une histoire vraie. C’est pourquoi elle nous touche et ne nous laisse pas indifférents.
Ce récit incroyable, tel une parabole dont Jésus use habituellement à travers des images simples, des histoires très concrètes, ce récit nous enseigne et le mystère de Dieu qui veut sauver tous les hommes et le mystère de l’homme qui désire être sauvé. En cette année de la Miséricorde, cet évangile résonne de façon particulière à nos oreilles et surtout à vous catéchumènes qui approchez du baptême. Car en approchant du saint baptême, vous allez revivre ce qu’a vécu cet aveugle de naissance que Jésus guérit le jour du Sabbat. Vous allez être baptisés dans la nuit de Pâques, du dimanche,le jour du Seigneur, le sabbat des chrétiens.
Vous allez être appelés à passer des ténèbres de ce monde à l’admirable lumière de Dieu. Et cela va être pour vous une étrange aventure à l’exemple de notre aveugle-né. Vos voisins et connaissances de longue date pourront avoir du mal à vous identifier. « Est-ce bien lui ? ». Vos parents et vos amis intimes pourront même vous laisser tomber. Et surtout « ceux qui voient » auront réponse toute faite à ce que vous vivez secrètement et qui a tout changé pour vous.
Jésus dans l’évangile montre bien pourtant qu’il a fait des choses simples pour ce miraculé : de la boue avec sa salive et l’ordre d’aller se laver, à Siloé. Le résultat est d’autant plus bouleversant que la démarche était simple. Un geste, une parole et une obéissance confiante à y répondre. Le geste ? C’est celui du Créateur. Il pétrit et façonna l’être humain à partir de la glaise, de la poussière du sol. D’ailleurs les pharisiens s’en doutent, puisqu’ils relèvent que Jésus opère ce signe le jour du sabbat, comme s’il était le maître du sabbat. Il répondra plus tard, rendant ainsi à la loi son sens originel : le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat ! Il vous faudra donc, mes amis, vous mettre toujours à l’école de l’Évangile pour en comprendre le sens qui guidera votre vie, ainsi toujours nouvelle !
Mais déjà, vous vous rappelez la première lecture, comme pour David et son élection divine comme roi, découvert à l’arrière de la fratrie, en fin de liste, vous n’avez pas été choisis par Dieu pour des raisons compliquées, même si parfois votre parcours n’a pas été simple jusque-là. C’est ainsi que Jésus l’a voulu. L’aveugle n’avait rien explicitement demandé.
C’est Jésus qui a pris l’initiative, connaissant le désir inné de cet homme qui y avait même peut-être renoncé : la joie de voir ! Oui, ce handicapé de naissance, depuis qu’il avait vu le jour, ne l’avait encore jamais vu !
Vous-mêmes, comme toute créature humaine, faite pour la vie et destinée malheureusement à une mort certaine, faite pour connaitre la vérité et cependant trompée si souvent par le mensonge et l’esprit du monde, créée pour le bonheur absolu et pourtant vouée au malheur de la condition humaine, vous n’aviez pas encore rencontré Jésus, le Chemin, la Vérité et la Vie. Et cette rencontre que vous avez faite, mystérieuse, secrète, intime, est aussi difficile à exprimer qu’elle est simple et réelle. Notre aveugle ne cessera de répéter la même chose. Et tout cela pour dire : maintenant je vois,
Et comme lui, ne vous en étonnez pas, vous serez parfois scandalisés qu’on puisse mettre en doute la réalité de votre expérience… puisqu’elle est visible, physique. La conversion intérieure est d’abord une guérison qui se voit. Cette délivrance spirituelle ne peut que rectifier nos manières de vivre et cela intrigue. Une mère de famille me disait qu’elle n’avait pas besoin de demander à son adolescent s’il avait été se confesser tout seul comme un grand. Cela se voit, me dit-elle, tout simplement ! Une joie de vivre, d’aimer, de se donner et de servir. Et nous chrétiens, vieux chrétiens, nous aurions peur de paraître anormaux, d’être un peu à part ? ! C’est vrai, il y a tant de détraqués aujourd’hui qui se justifient au motif de la foi ! Mais ce n’est pas une raison, frères et sœurs. Notre Pape François insiste beaucoup : le fruit de cette année de la Miséricorde sera la joie sur le visage de tous les catholiques, même dans la tourmente. Cette sérénité qui vient d’un cœur en paix, pardonné, sauvé.
Et puis l’aveugle enfin guéri n’a pas le droit d’être guéri. Que le Dieu qui a fait le Ciel et la terre ait pu intervenir dans sa vie, ait pu lui faire un cadeau immérité, la grâce d’être sauvé, d’être pardonné, d’être comblé de ce qui lui manquait depuis toujours… Le monde aveuglé ne le reconnaîtra pas ! Notre voyant est bien embêté et vous le serez aussi. Car il ne peut pas expliquer vraiment ce qui lui arrive. Et pour nous frères et sœurs, il en est souvent de même. Le croyant est quelqu’un d’étrange et donc quelque peu gênant. Il devrait se justifier d’un cadeau, de quelque chose dont il est justement bénéficiaire et qui le dépasse, d’une expérience personnelle qui illumine sa vie, réoriente son existence et même la transforme… Tout en restant nous-mêmes, tout en devenant plus nous-mêmes !
Voilà pourquoi le croyant ne peut finalement que se prosterner devant Jésus et lui dire sa foi. N’est-ce pas ce que nous venons faire chaque dimanche ? Il ne faudrait jamais y manquer ! C’est ce que vivra dans quelques jours Thomas l’apôtre, encore un aveugle qui voulait voir. Sa prière est la nôtre : mon Seigneur et mon Dieu.