Son dernier scandale
Son dernier scandale
Homélie du jour de Pâques 2012
pffff ! Ridicule… Voilà quelle fût sans doute la réaction des grecs de l’aréopage d’Athènes à la prédication de saint Paul sur la résurrection. Saint Paul, himself, the prédicateur of the predicators fut reçu par des rires sarcastiques. Et si la résurrection n’est pas plus une bonne nouvelle aujourd’hui c’est sans doute parce que la mort n’est plus un scandale. On est bien sûr tous très mal à l’aise face à la mort. On en parle peu, on ne veut pas trop la voir. Et, d’un autre côté, paradoxalement, allez voir un tout petit film d’action, et c’est l’hécatombe. Ce matin, par exemple, un enfant de douze ans a sûrement commis un millier de meurtres, sur Playstation ! La mort, on la virtualise, on la met en scène. Il y a même des candidats à la présidence de la République qui nous promettent pour mai 2012, une mort douce. Mais la mort n’est jamais douce pour celui qui la prend en pleine face. Marie-Madeleine est de ceux-là ce matin. Pour elle, la mort est un scandale. Pour nos chrétiens la mort est un scandale ! C’est même le scandale des scandales ! Saint Paul nous dit que la mort est la conséquence ultime du péché, le point culminant du mal ; c’est le dernier ennemi que Jésus avait à vaincre.
La mort est un scandale de trois manières : d’abord, parce qu’on sent bien que notre vie est unique, que chacun est unique, ce que nous avons à vivre est unique. Or la mort nous désagrège, elle me suggère que ma vie ne vaut rien, qu’elle est sans valeur, que je peux faire n’importe quoi. La mort, second scandale, c’est surtout ce qui me sépare des autres ; c’est ce qui me sépare de ceux que j’aime : la mort va me séparer de mon enfant, la mort me séparer de cet ami, la mort me sépare de mes parents ! Comme le péché, la mort nous sépare ! Le troisième scandale, c’est que s’il n’y a plus rien après la mort, alors qui vont défendre tous les innocents qui ont été persécutés injustement ? Toutes les saletés que je fais dans l’ombre, qui va me dire que c’est mal ? S’il y a la mort après la mort, alors je peux faire n’importe quoi ; même dans le secret, faire disparaître l’enfant à naître !!! La mort, c’est donc la destruction de tout !!!! Ce n’est pas Dieu qui a fait la mort. « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ». « Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive. » Dieu n’a pas fait la mort, et si Dieu rappelle comme on dit, c’est qu’une fois mort il nous appelle à la VIE. Dieu est contre la mort. Dieu nous veut vivants, Dieu nous veut ensemble, Dieu nous veut justes !
Or, il y a quelqu’un qui a brisé la mort !!! qui a cassé le mur de la mort !!!! qui l’a pulvérisée : Jésus de Nazareth, le crucifié. Comment puis-je savoir que le Christ est ressuscité ? Que fait Marie Madeleine au cœur de ce scandale ? Elle fait comme vous ce matin : elle court sans réfléchir à la première Église. Elle court voir Pierre, le chef des apôtres, qui est resté aux côté du grand priant qu’est l’Apôtre saint Jean. Jean qui a reposé sa tête sur le côté de Jésus. Le disciple aimé, est le plus grand contemplatif de l’histoire. A ses côtés, on trouve la paix. Avec la prière la paix surgit de nos cœurs. C’est par la prière que passe le courant entre l’invisible et le visible. Ce ne sont pas par des idées, fussent-elles religieuses, que l’ont touche le ressuscité, c’est par l’amour. Et l’amour ça ne se pense uniquement, cela s’éprouve et cela se vit ! Avec le cœur. Vous tous, pouvez faire cette expérience ! Prier Jésus ; et moi, excusez moi, quand je prie je ne prie pas un cadavre ! La résurrection du Christ n’est pas un évènement du passé ; la résurrection de Jésus n’est pas comme celle de Lazare. Lazare est ressuscité certes, mais Lazare, il est re-mort. Jésus, lui, est vraiment ressuscité ! Cela veut dire qu’aujourd’hui il est vivant là devant moi : il respire, il réfléchit, il me connaît il voit toutes mes pensées et tout ce que j’ai fait. Cela veut dire aussi qu’il est mon avenir. Que devant moi, il est là et sera là À chaque minute, Il est présent. Plus jamais, je ne serai seul… « Adhuc sum tecum ». Maintenant, Je Suis avec toi ! « Tous les jours jusqu’à la fin du temps »
Or si la prière a besoin d’une éducation, elle a surtout besoin d’une grâce. Par le baptême ou par la confession (qui rebaptise, si je puis dire), nous nous connectons au Christ ressuscité. Or, Saint Paul dit quelque chose de dingue : « Par le baptême, vous êtes morts ! » Par la foi, on est déjà ressuscité car on est connecté au ressuscité. C’est-à-dire que par la prière on vit dans son monde, on vit de sa pensée, des ses idées, on éprouve ses sentiments, son espérance, son pardon, sa douceur, et sa force aussi… En parlant au Ressuscité, en acte de baptisé, je suis alors en acte de résurrection et je vis de cette vie ! Alors je saisis que le ciel pour moi a commencé, que le mal n’a plus la capacité de me vaincre. Je saisis alors que les relations ne passeront jamais ; et je peux dire à ceux qui souffrent : « Cet ami que tu as aimé tu le reverras », « Cet enfant que tu aimes, tu le reverras » ; et « tous ces hommes et ces femmes qui sont morts dans l’indifférence, Dieu les accueillera. » Je saisis aussi que ceux qui leur auront fait du mal devront affronter le regard d‘amour du Bon Dieu. Celui qui prie, est déjà mort pour ainsi dire, parce qu’il est plein de Vie ; il est plein de Lui comme à chaque communion eucharistique. Thérèse d’Avila d’ailleurs pourra dire : « nous ne mourrons pas de mort, nous mourrons de vie »
Cet acte de plus grande séparation qu’est la mort, pourra donc être l’acte de plus grand don de ma vie. Alors, aujourd’hui, je peux faire de ma vie un don, un don qui s’épanouira intensément au ciel ! Maintenant, je peux faire de ma vie un don pour les autres et pour Dieu.
fr. Paul-Marie Cathelianais o.p.