L’Esprit, l’eau et le sang – fr. Paul-Marie Cathelinais, op
L’Esprit, l’eau et le sang
Homélie du frère Paul Marie Cathelinais pour le dimanche de la miséricorde 12 avril 2015
Visiblement le témoignage des Apôtres, de ceux qui ont réellement vu, ne suffisait pas à Thomas; et pour cause… Il lui manquait l’Esprit que Jésus donna aux disciples en son absence. Et pas seulement l’Esprit, mais l’eau et le sang car, d’après saint Jean, « ils sont trois à rendre témoignage : l’Esprit, l’eau et le sang ». Voyons pourquoi.
L’eau d’abord. C’est l’eau du baptême. Elle est nécessaire pour rentrer dans le royaume. D’une nécessité matérielle. Car pour l’homme l’esprit passe par les pores de la peau, et de la peau touchée par de l’eau. « En vérité, en vérité, je te le dis, si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit-Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu », dit Jésus à Nicodème. Et à la Samaritaine : «Avec l’eau que je te donnerai tu n’auras plus jamais soif » et « de ton sein couleront des flots d’eau vive ». Et à Pierre : « Si je ne te lave pas les pieds, tu n’auras pas de part avec moi. » « Va te laver !» ordonne-t-il à l’aveugle de Siloé. L’eau qui sort du cœur du Christ nous purifie pour nous permettre de voir. En effet : « Heureux les cœurs purs car ils verront Dieu ». Pour voir le Ressuscité, il faut en avoir le désir ; il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Or, beaucoup ne veulent pas voir ; sans doute ont ils peur, des exigences divines (de celles malheureusement qu’ils imaginent) ? Pour voir, il faut donc le désir. Et un désir purifié ; non une simple curiosité de concierge qui domine ou qui met à distance, pas un désir de voyeur qui ne veut pas toucher de peur de se laisser toucher. Non ! Pour voir le ressuscité il faut le désir d’aimer, de se laisser aimer, d’adorer et de se prosterner. Jésus d’ailleurs ne dit pas « vois et viens ! » mais « Venez et voyez ». L’eau du baptême purifie donc notre désir. Mais comment purifie-t-elle ?
Par l’Esprit. L’Esprit ne travaille pas au niveau de notre intelligence comme je le fais en ce moment, mais il travaille sur notre volonté, sur notre capacité d’aimer. Il nous attire vers le Christ. Il nous aspire vers le Père. Il aspire les non croyants vers le vrai et les hommes de bonne volonté vers le bien. Il agit sur nous par mode de désir. Car l’Esprit est Amour. Mais l’Esprit est plus qu’un simple amour. Il est Miséricorde ! quatre différences.
1. Pas seulement un amour d’amitié qui attendrait la réciprocité pour se donner. Non ! L’amour de miséricorde est gratuit ! Ainsi au jour de la création il m’a créé alors que je n’étais rien. Il n’a pas attendu que je sois parfait pour me vouloir. Il nous veut tous, depuis toujours. Même toi ! Il a eu l’initiative, il nous précède ; « il nous aime toujours, toujours, toujours ». 2. Ce n’est pas seulement un amour qui admire, qui aime ce qui est aimable. Non ! C’est un amour compatissant qui aime la misère. Il est attiré par la faiblesse. « Ma misère appelle sa miséricorde » chante le psalmiste. Il accorde sa préférence aux pauvres, aux malades et aux pécheurs. Voila pourquoi « je me glorifierai de mes faiblesses » dira saint Paul. Ou encore sainte Thérèse qui comprend que sa petitesse attire ses faveurs ; ce qui était obstacle est devenu moyen de son Amour. 3. Ce n’est pas seulement un amour qui veut du bien, sentimental. Non ! la miséricorde est un amour qui fait du bien. La miséricorde est active ! Elle remet effectivement les péchés ; elle agit en vérité dans le cœur de l’homme. Elle le transforme en profondeur. Elle le libère. Confessez-vous et vous verrez comme il est tout d’un coup bien plus facile de croire. 4. Gratuite, limitée par aucun mal, la miséricorde agit à partir du mal. Si l’amour s’oppose à la haine, la miséricorde prend appui sur elle, elle la transforme, pour recréer un amour encore plus grand et plus fort. Voyez Marie Madeleine, la grande pécheresse, devenue la première. Heureuse faute qui nous aura valu un tel rédempteur !
Ils sont donc trois à rendre témoignage : l’Esprit, l’eau et le sang. « Pas seulement l’eau, mais l’eau et le sang ». Pourquoi le sang ? Car si la Miséricorde se moque de la justice c’est parce que toute justice a été accomplie sur la croix. Là, Il a détruit la cédule de notre dette. Il a accompli pour nous toute justice afin que nous puissions être déchargée d’elle : par une obéissance parfaite, par une confiance parfaite, par un amour parfait. L’amour du Christ pour son Père s’est offert totalement sur la croix et toute sa vie d’homme aura été offrande de lui-même. Mais le sang versé nous le manifeste plus encore. Le sang pardonne sans détruire la frontière essentielle entre le bien et le mal. Le sang nous montre et le mal que nous faisons et l’amour qui nous sauve. Que cet amour a un prix et que chacun de nous a du prix à ses yeux et un prix infini. Ce sang vermeil manifeste ; il appelle notre reconnaissance. Pourquoi ?
Le soleil comme la miséricorde agit dans nos vies. Elle brille sur les méchants comme sur les bons. Mais quand cet été nous poserons notre serviette sur la plage et nous prendrons conscience que le soleil brille sur nous, notre joie sera parfaite. De même la miséricorde n’exige rien mais elle agit mieux et plus vite dans et par notre reconnaissance. « Rendez grâce au Seigneur, car il est bon, car éternel est son amour ! » chante l’Eglise ; « Réjouis toi ! » lui dit l’ange ; « Ivres de joie vous puiserez ces eaux ! » crient de joie les apôtres. Venez vous enivrez de ce sang d’amour. Ton cœur, mon frère, a soif de la Miséricorde.