La Beauté et le Don
La beauté et le don
Homélie du 33° dimanche (Ml 3, 19-20 ; 2Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19).
Les disciples sont émerveillés devant le Temple. Ils admirent « la beauté des pierres et les dons des fidèles ». Ils admirent sa beauté et sa richesse.
– Sa beauté : une harmonie qui ne blesse pas le regard, qui ne trouble pas les sens, tout est bien proportionné, chaque pierre est bien taillée, tout est à sa place et chaque élément s’harmonise avec l’ensemble.
– Sa richesse : les dons des fidèles contribuent à entretenir cette beauté. C’est par ce soutien concret, matériel, qu’une continuité est possible. Regardez notre église : si on ne l’entretient pas, elle tombe en ruine. Le temps est l’ennemi de la pérennité : les pierres s’effritent, la peinture tombe, les murs se lézardent, l’eau et le vent font subir au bâtiment un lent processus de détérioration et si on n’intervient pas, le monument s’écroule. Bref, sans dons, il n’y a pas de continuité dans le temps.
Les disciples remarquent à juste titre ces 2 propriétés du Temple : tout est harmonieux et les dons abondent. Donc, tout va bien. L’avenir est assuré.
Et c’est alors que la voix de Jésus se fait entendre.
Ni l’avenir de la loi, ni l’avenir de l’Alliance ne sont assurés par cette beauté extérieure. Parce que la beauté, dans le Temple, est l’expression de la perfection de la Loi et de la demeure divine. Salomon, le bâtisseur du Temple le dit : « Tu m’as ordonné de bâtir un Temple (…), copie de la Demeure sacrée que tu fondas dès l’origine » (Sagesse 9, 6). Et il poursuit : « Avec toi est la Sagesse, qui connaît tes œuvres et qui était présente quand tu faisais le monde ».
Le seul modèle à suivre est donc celui de la Sagesse divine. Elle seule, dit Salomon, « sait ce qui est agréable à tes yeux et ce qui est conforme à tes commandements ». Et le roi de conclure : « Envoie-la (…) de ton trône de gloire pour qu’elle (…) peine avec moi, et que je sache ce qui te plaît, car elle sait et comprend tout. Elle me guidera prudemment dans mes actions et me protégera par sa gloire » (Sagesse 9, 8). Et saint Athanase commente : « Dieu a décidé que sa propre Sagesse descendrait vers les créatures afin d’imprimer en toutes et en chacune une certaine empreinte et représentation de son image » (*).
La Sagesse ne vient pas seulement épauler Salomon pour bâtir le Temple, elle vient rebâtir l’humanité qui avait perdu ses véritables proportions, cette proportion que seule la grâce peut donner. Dieu envoie son Fils au secours de notre faiblesse pour bâtir un Temple saint fait des pierres vivantes.
Mais un problème subsiste. Le Christ est monté aux cieux : comment assurer la pérennité de ce Temple ? Que faire pour que ces pierres demeurent ? Il faut un don substantiel pour entretenir le bâtiment afin qu’il ne tombe pas en ruine.
Le Christ répond alors par un don particulier. Il nous rend héritiers de son trésor qu’est l’Esprit Saint. « Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de Dieu » (Isaïe 11, 2).C’est lui qui fait tenir l’église inébranlable sur les eaux, c’est lui que soutient les Apôtres dans la foi et la persévérance missionnaire. « Je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction ».
Le Seigneur bâtit son église, et à chaque génération elle est en travaux, en travail d’enfantement dans ce monde-ci, mais en pleine communion avec l’église du ciel. Et « les portes de l’enfer ne tiendront pas contre elle » (Mt 16, 18). Tandis que du vieux temple et de ses richesses « il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »
« Maître, quand cela arrivera-t-il », quand arriveront cette destruction et cette reconstruction ? Dès maintenant. Dès maintenant parce que nous avons été baptisés dans la mort et dans la vie du Christ. Du nouveau Temple, nous sommes devenus les pierres, vivifiées par les dons et les richesses de l’Esprit, qui assure la perpétuité de l’Alliance. L’Esprit poursuit, comme dit saint Paul, « l’édification du corps de Christ jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus (…) à la plénitude de la stature du Christ »(Ephésiens 4:11-14).
Les vieilles pierres fripées du mur de l’ancien Temple donnent encore ce triste témoignage : ce ne sont pas les pierres qui font entrer dans la vie éternelle. On pourra diviniser l’or ou la pierre ; vénérer la nature ou le commerce ; idéaliser le pauvre ou le riche. Nous ne sommes sauvés que par le Christ. Si on bâtit sur d’autres fondations, tout finira par s’effondrer.
Toute théorie se dissoudra, comme la vague qui meurt sur le sable dans son linceul d’écume, lorsque je serai devant lui et il me posera une seule question : m’aimes-tu ?