De l’Impureté à la Miséricorde
De l’Impureté à la Miséricorde
Homélie du frère Paul Marie CATHELINAIS, o.p., dimanche 21 mars 2010 5ème de Carême, année C
Selon Is 43, 16-21 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
Frères pourquoi ce timide « gloire et louange à Toi » ? Il devrait tonner tout au contraire, comme après un match de rugby gagné après un rude combat. C’est une victoire en effet que nous fêtons aujourd’hui. Comme tous les dimanches, c’est entendu, mais aujourd’hui cet Évangile est un éclat si particulier de la victoire fondamental du Ressuscité vers lequel nous allons. Faites la fête aujourd’hui, mangeant et festoyant car c’est la victoire de la miséricorde. Vous allez me dire que cette histoire s’est passée il y a deux mille ans. Et pourtant, elle continue jusqu’à nous. Cette page d’évangile demeure sur toutes les lèvres tant l’expression « ne pas jeter la pierre » ou « ne jette pas la pierre » ou « je ne te jette pas la pierre, Pierre » est devenu un lieu commun de nos sociétés occidentales. Cette phrase a traversé toutes les époques, tous les temps, tous les lieux, toutes les confessions religieuses jusqu’à la plus sombre des institutions et de la plus païenne, à la plus anti- cléricale, elle est inscrite dans notre culture. C’est comme un coup d’humour du bon Dieu, un clin d’œil de l’Esprit Saint qui nous dit à nous catholiques qui connaissons si bien l’évangile combien cette page est importante, combien elle est nous est chère. C’est une victoire ! La victoire de l’amour ou plus précisément la victoire de la Miséricorde.
Regardez ces pharisiens, le plus vieux surtout prêt à mordre et à jeter sa pierre qui salive déjà à la pensée qu’en tuant cette femme il va extirper l’impureté des hommes, la sienne en particulier qu’il regarde sans doute avec tant de violence, sans se l’avouer bien sûr. Oh que les hommes sont bêtes ! Ils pensent toujours qu’en exterminant les humains, ou en se détestant, ils extermineront le mal qui tapit dans leur cœur. La haine changera seulement de visage, voyez vous ! Regardez le ce pharisien comme il se sent bête, parce que Jésus a manifesté publiquement son impureté à lui. Pas besoin de nous mentir ce matin, d’ailleurs, nous sommes dans la maison du bon Dieu, dans la maison de la vérité ; quant à l’impureté, à quelques exceptions près (et elles nous sont si précieuses), tout le monde est coupable ! Regardez-le ce pharisien, la honte s’empare de son visage, il pique un fard, il en rougit le traître, la conscience jaunie par un affront pas très bien lavé. Pourtant, la victoire de l’amour n’est pas là. C’est déjà bien sûr une grande victoire qu’a remporté Jésus sur nos sociétés en distinguant péché et pécheur, en interdisant une bonne fois pour toutes de tuer une personne humaine même coupable des plus grands crimes. Non ! Je vous le dis, la vraie victoire n’est pas là. Car quand ces hommes s’en vont honteux et penauds, les pierres de la brutalité ont laissé place aux pierres de l’indifférence. Leur jugement n’a pas changé, l’habit de tolérance qu’ils revêtent maintenant cache en fait un rejet ! On a simplement changé la guerre violente, frontale en une guerre froide dans un monde glacial où chacun vit pour soi et laisse chacun à sa propre solitude ! Ils sont partis bien sûr avec leur violence et c’est tant mieux ! Mais ils n’ont pas changé : le mal qui les ronge continue à les rendre insensibles à la douleur de cette femme.
Cette douleur quelle est-elle ? La honte ? Peut-être ! Mais il arrive un moment, vous savez, dans la vie des débauchées qu’on n’a même plus honte de ce que l’on fait. On le crie même sur tous les toits. Il suffit d’allumer la télévision. Ils veulent effacer la honte. On a pensé (et ce n’est pas faux) qu’elle venait des sociétés jansénistes et puritaines. Cette honte vient en fait de bien plus loin qu’un mauvais pli culturel qu’on enseignerait aux enfants depuis leur plus jeune âge. Non, je vous le dis, ce n’est pas de la honte que cette femme est délivrée ! Bien sûr il faut la délivrer de la honte, mais ce n’est pas là l’important. Ce dont il faut la délivrer, c’est de sa solitude, de la solitude d’un cœur qui n’aime plus parce qu’il n’est plus aimé. Regardez, au final, comme cette femme est seule ! Et si Jésus n’était pas là, aucun de ces hommes ne se serait approché d’elle. Décidément, avant Jésus, elle n’aura jamais été aimée comme il faut. « L’amour ! Elle en fait le tour, dit elle » Elle n’y croit plus. Si son cœur s’est fermé à cette soif d’être aimé c’était juste pour arrêter de souffrir, tout simplement. Mais si son cœur est devenu dur comme cette pierre qui devait l’atteindre, son corps, lui, ne ment pas. Si nous pensons en effet que nous n’avons pas besoin d’être aimé, notre corps, lui, crie l’amour à tout va. Il a besoin de caresses, de regards, de câlins, de la jouissance sexuelle et de la jouissance tout court pour s’oublier ne serait-ce qu’un temps ! Il crie l’amour et il le crie d’autant plus fort que la personne qui porte ce corps n’est pas aimée. Cette femme ne ressent plus aucun amour, c’est sûr. Comment le pourrait-elle d’ailleurs, elle qui a bravé toutes les lois de l’amour vrai, qui s’est vendue toujours au plus offrant, au plus beau, au plus intelligent, au plus jeune, au plus innocent que sais je encore ? Son corps a soif d’être aimé. Alors comme l’alcoolique qui se jette sur son dixième verre parce, qu’il a soif, dit-il, elle s’est donnée à l’amour des corps. Mais plus elle refaisait les gestes de l’amour et plus sa solitude augmentait, plus son cœur se durcissait, comme un alcoolo qui plus il boit, plus il a soif, pour finalement pleurer dans son verre, dégoûté même de sa jouissance, à en vomir ! Elle est seule cette femme frères et sœurs et elle est triste et dure, à en pleurer. Voilà pourquoi Jésus est là. Et, si j’ose dire, Il n’est descendu du Ciel que pour cela : aimer cette femme ! Il va lui donner son Cœur pour que dans un admirable échange elle lui donne le sien en retour.
Ce qui est grave dans l’impureté, ce n’est pas la saleté qu’elle dégage. D’ailleurs « faire l’amour » n’est pas sale quand on est consentant. L’impureté en effet est surtout un désordre de l’amour qui à chaque fois nous rend un peu plus seuls. Alors comme un bon médecin qui devant les symptômes cherche surtout à guérir la cause, Jésus l’aima, une bonne fois pour toutes, de tout son regard d’amour, avec une intensité que seul Dieu peut donner. Jésus la regarde, non comme un homme, mais comme un Dieu tout proche, qui la connaît, qui sait tout ce qu’elle a fait. Et Il s’en moque pas mal de toutes ces impuretés que nous commettons. Oh non par ce qu’elles ne sont pas graves. Il sait mieux que personne qu’elles nous font du mal et nous referment sur nous-mêmes. Il s’en moque, parce que ce qui l’intéresse, c’est notre cœur. Il veut ravir notre cœur. « Donne moi ton cœur, dit il, et je te donnerai tout ce dont ton corps a besoin. Tu n’auras plus jamais soif. Ton cœur sera dans la paix et il ne sera plus tenté par tout ce qui défigure mon image divine. Mais pour cela donne-moi ton cœur. Donne-moi ton cœur. Je veux ton cœur. Maintenant ! » Voilà la véritable victoire qui s’est passée ce matin là dans les rues du Jérusalem et qui se passe dans tous les confessionnaux de l’histoire. Un acte de pur amour entre cette femme et Jésus. L’amour, le vrai, en un instant, a tout brûlé, jusqu’au vice ancré dans le corps de cette femme. Elle est libérée, elle ne sera plus jamais seule car tout l’amour de Dieu est entré dans son cœur. Cette femme n’est pas libérée parce qu’elle sait que Dieu lui pardonne, parce qu’elle aurait vu passer du coin de sa fenêtre Jésus et sa miséricorde. Non, elle est libérée parce qu’elle a fait rentrer Dieu dans sa Maison, dans son cœur. Jésus nous pénètre de son divin amour dans notre cœur et même dans notre corps par la sainte Hostie. Par le passé, elle a voulu l’amour de son corps à son cœur comme nous l’espérons trop souvent. Et cet espoir est déçu. Mais de son cœur à son corps, de l’intime de son âme, elle a accepté que Jésus vienne la visiter, c’est-à-dire qu’elle a accepter de prier ! Attention non pas une petite prière comme ça vite fait pour être en règle. Nous sommes catholiques non pas parce que nous croyons en Dieu ou parce que nous faisons nos prières, non ! Nous sommes catholiques parce que nous aimons Dieu.
Oh qu’elle est belle cette victoire de l’amour, qu’elle est belle ! Et, au final, elle nous vient du prêtre, n’en doutez pas ! Et si le démon s’acharne en ce moment en étalant dans la presse les actes scandaleux et ignobles de certains de nos prêtres, c’est pour décrédibiliser à nos yeux celui qui nous donne dans le sacrement de la sainte confession un don inestimable. Oh, frères et sœurs qu’il serait dommage, qu’au soir de Pâques, un seul d’entre nous ne connaisse pas cette plénitude de la Victoire de l’Amour par ce qu’il na pas osé se confesser. Oh mes frères, donnez votre cœur, voilà ce qui intéresse Jésus, ouvrez lui votre peine, et laissez le rentrer dans les chambres les plus sombres de votre vie car le Bon Dieu est si BON !
fr. Paul-Marie Cathelinais, op