Un être pour l’éternité

par | 22 juin 2014

Frère Pavel Syssoev

Saint sacrement 2014 Jn 6, 51-58
Celui qui me mange vivra par moi…
Chacun de nous porte en son sein un homme pour l’éternité. Tout ce que nous faisons, tout ce que nous choisissons, chaque acte d’amour forme celui qui vivra pour toujours. A travers de nombreux événements de ce monde grandit en nous un être mystérieux qui se déploiera à l’infini au-delà du passage de notre mort.
Si nous vivons de nous-mêmes, nous vivons pour la mort. Tout le bien que nous pouvons aura toujours un arrière-goût de l’amour-propre, tout affection sera lié au désir de puissance et toute joie demeurera éphémère. Afin de vivre pour l’éternité, il nous faut que celui qui est éternel vienne déposer en notre chair sa vie, qu’il la fasse grandir en nous, jour après jour, semaine après semaine. Il nous faut qu’il soit notre respiration et notre nourriture, alors seulement se formera à travers ce que nous sommes un être pour l’éternité. Ce mystérieux engendrement, cette croissance qui est le cœur de tout ce que nous sommes, se fait dans les sacrements.
Dans le baptême, une source de la vie divine s’ouvre en nous. Dieu nous unit à jamais à son Fils, il nous recrée de telle sorte que la vie de Jésus, Dieu fait homme, se fasse nôtre, que nous devenions Dieu. Dieu par notre regard, car la foi est une participation à la science de Dieu, Dieu par notre amour, car la charité est le débordement en nous de la dilection de Dieu, Dieu par toute notre vie, acte après acte, pas après pas.
L’Eucharistie nourrit en nous cette vie. Celui qui me mange vivra par moi. Peu à peu, s’il ajuste sa vie à ce pain qu’il reçoit, l’homme pensera en Christ. Comme dit l’apôtre : nous avons la pensée du Christ. Une telle parole, est-elle eucharistique ? Rend-elle grâce à Dieu ? Sert-elle le salut du monde ? Une telle parole, peut elle trouver sa place dans ce grand mouvement qui vient de Dieu et qui va vers Dieu ? S’il s’agit de demander pardon, là où cela m’est impossible, puisse le Christ dans son Eucharistie me donner les forces et la lucidité pour le faire. S’il s’agit d’accorder le pardon, celui qui a pardonné à ses bourreaux sur la Croix, vient habiter en nous moi, il peut donc intercéder en ma vie pour les persécuteurs, comme il l’a fait dans sa Passion.
Telle fidélité, inatteignable à ma pauvreté, est sans doute possible à celui qui est la fidélité même. La fidélité à son Père : ma nourriture – dit Jésus à ses apôtres – c’est de faire la volonté de mon Père. La fidélité à son Église : le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle. Dans ce sacrement s’instaure le corps à corps : Jésus et l’Eglise, se livrent et se reçoivent. Nous célébrons l’Eucharistie, nous vivons d’elle. Toute alliance, tout engagement, toute union chrétienne est scellée dans l’Eucharistie, est vivifiée par elle. Cette fidélité se communique à celui qui mange de ce pain.
Jour après jour, comme par une respiration de l’Esprit Saint dans notre histoire, Dieu s’offre à nous. Dans le bruit du quotidien, dans les soucis, dans la rumeur des choses, passe le souffle de l’Esprit. Il prend le pain et le vin, ce fruit de nos travaux et de la générosité du Père et en fait un pur acte d’action de grâce, l’Eucharistie, la chair et le sang de notre Dieu. Nous en mangeons. Nous en vivons. Pauvrement, mais réellement. Toute notre vie chrétienne y est suspendue. Chacun de nous porte en son sein un homme pour l’éternité, un fils de Dieu qui grandit à travers tout. Tout ce qui n’est pas Eucharistie, tout ce qui n’est pas offert et n’est pas reçu tombera en oubli, sombrera dans le néant, tel un écorce. Seule rayonnera à jamais cette parole : celui qui me mange, vivra par moi.

fr. Pavel Syssoev, op

Frère Pavel Syssoev

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