Si tu es le Roi des Juifs, sauve-toi toi-même

par | 22 novembre 2010

Frère Pavel Syssoev

Si tu es le Roi des Juifs, sauve-toi toi-même…
 
 
dimanche 21 octobre 2010, Solennité du Christ, Roi de l’univers année C
Selon : Col 1, 12-20 ; Luc, 23, 35-43
Rien n’échappe au Règne du Christ, et pourtant il est possible de ne pas y entrer. Rien n’est hors de son empire, et pourtant nous prions pour que son Règne vienne. Le Règne de Dieu est là, au milieu de nous, et pourtant nous pouvons nous trouver ailleurs.
Sur le Golgotha, lieu de supplice, Dieu règne. Il trône en Maître élevé en gloire ; le peuple reste là, à regarder, et pourtant peu nombreux sont ceux qui saisissent l’éclat de sa gloire. Qu’y a-t-il d’auguste dans ce supplicié ? Qu’y a-t-il de puissant dans ce condamné à mort ? Il ne peut même pas se sauver soi-même, comment peut-il nous sauver ? Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même, descends de la Croix et nous croirons en toi ! Descends de la Croix, et nous reconnaîtrons ta royauté !
Descends de la Croix, arrête les guerres, guéris ceux qui nous sont chers, protège l’innocent. Descends. Descends dans cette cathédrale de Bagdad où les fanatiques massacrent tes prêtres et tes fidèles, descends, sauve-les, protège-les, triomphe sur tout ce qui s’oppose à ta puissance. Descends et écrase ton adversaire. Montre-nous que tu es plus puissant que le prince de ce monde – que les balles des abrutis ne frappent pas ces innocents de Bagdad réunis pour célébrer ta gloire !
Tu n’es pas descendu. Ni de la Croix du Golgotha ni de l’autel de Bagdad. Comment croire en ta Royauté si tu ne te sauves pas toi-même ?
Si l’histoire s’arrête là, vaine est notre espérance, vaine est notre foi. Si l’amour de la Croix ne refleurit pas dans la Résurrection, vide est notre message, illusoire est cette Royauté.
Oui, tu n’es pas descendu de la Croix. Tu es allé jusqu’au silence glacial de la tombe, jusqu’aux ténèbres des enfers. Dans ces cris des moqueurs, tu as distingué la faible voix du mourant : Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. Lui, tu l’as entendu, tu l’as exaucé, tu l’as introduit dans ton Royaume. Tu n’es pas descendu de la Croix, mais tu es allé au-delà de la nuit du tombeau dans la lumière de ta Pâque. Quand tu brises les portes de la mort, notre vieux monde craque et se déchire, tel un voile de l’ancien Temple, devant l’irruption de ta vie, de ton Royaume, de ta Résurrection, non pas avant la mort, mais au-delà de la mort. Non pas avant la souffrance, mais au-delà d’elle. Non pas à la mesure du prince de ce monde, mais selon ta Loi nouvelle et éternelle de la charité.
Tous ceux qui te suivent sur cette route, entrent dans ton Royaume. Le bon larron. Les saints martyrs de Bagdad. La foule innombrable de ceux qui ont accepté de se perdre par amour, comme toi, tous ceux qui règnent par amour, comme toi. Les pères et les mères de familles qui consument leur vie par amour. Les chrétiens, simples et humbles, qui s’oublient tout simplement en prenant soin d’autres qu’eux. Toutes ses âmes qui, sans encore te connaître, se dévouent en choisissant pour unique puissance la droiture, la douceur, la fidélité qui vont jusqu’à l’oubli de soi.
C’est l’unique porte d’entrée dans le Royaume, il n’y en a pas d’autre. Elle est étroite et dure, certes, mais le Christ nous a prévenus. Si nous voulons une route large et spacieuse, ce n’est pas à ce Roi qu’il nous faille nous adresser. Il y a un autre prince, celui de ce monde, lui qui triomphe par force et séduction, dont la gloire est pour tout de suite et à n’importe quel prix, de préférence au prix de la vie de son prochain. Notre Roi, lui, donne sa vie pour celui qu’il aime. Pour reprendre la parole de Ste Catherine de Sienne : ce ne sont pas les clous qui te tenaient attaché à la Croix, mais ta seule miséricorde.
La Croix est notre véritable bannière de ralliement. Il n’est roi que s’il descend de sa Croix, – disent ceux qui rejettent le Christ. Il est Roi parce qu’il monte sur la Croix et ne descend pas avant que notre rachat soit accompli, – répondons-nous. Il n’y a pas pour nous d’autre Royauté que celle qui se perd pour la vie des autres. Il n’y a pas d’autre Royauté que celle qui traverse la souffrance au lieu de la nier. Cette Royauté seule est sortie victorieuse du tombeau, cette Royauté seule brillera quand ce monde passera. Toute autre Royauté n’est qu’une singerie et une bagatelle.
Nul n’échappe à l’empire du Christ, car nul n’échappe à son amour et à sa justice. Si nous répondons à son appel amoureux – peu importe que notre réponse soit humble et fragile – son Règne sur nous sera celui de notre béatitude. Si, par malheur, nous faisons de notre vie une négation de son amour et de sa justice, il règnera sur nous, mais sa lumière et son amour feront notre tourment éternel.
Que notre Roi nous en préserve par le sang de sa Croix ! Qu’il se souvienne de nous en venant dans son Royaume ! Qu’il nous donne de ne jamais triompher autrement que par sa Croix !

fr. Pavel Syssoev, op

Frère Pavel Syssoev

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