L’union au Christ et l’unité des chrétiens

par | 23 janvier 2011

Frère Pavel Syssoev

L’union au Christ et l’unité des chrétiens
Homélie du fr. Pavel SYSSOEV o.p. 23 janvier 2011 3ème dimanche du TO. Année A
selon 1Co , 10-13.17 ; Mt 4, 12-23.
 
Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ?
Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent.
 
D’où vient l’unité entre Jacques et Pierre, André et Jean ? Ils quittent leurs familles et leur travail pour être ensemble. Quelle est la source de cette unité ? Serait-ce une amitié soudaine, un esprit de vagabondage qui emporte une joyeuse bande de copains de sorte qu’ils abandonnent leurs proches en s’envolant vers une radieuse aventure ? Qu’est-ce qui tient ensemble ce groupe auquel se joindront un zélote et un collecteur d’impôts, des lettrés et des gens sans instruction ? Ces demi-païens de galiléens, qu’est-ce qui les unit dans la prophétie d’Isaïe que nous venons d’entendre ?
Leurs sympathies personnelles ? Non. Leurs intérêts politiques et culturels ? Non plus. La tradition ? Le profit ? Le même combat ? Rien de tout cela. L’unité qui se crée sous nos yeux dans l’Évangile de ce jour n’a pas d’autre source que le Christ Jésus. Sans lui, tout se disloque. Sans l’union intime avec sa personne, sa doctrine et son œuvre, toute unité des chrétiens est impossible.
C’est lui qui appelle André et Pierre, Jacques et Jean, qui ne se rencontrent que parce que le Christ les a unis dans la même vocation. C’est en Jésus que les nations dispersées par le péché retrouvent leur unité, c’est la manifestation de sa lumière éternelle qui rassemble tous les enfants de Dieu plongés dans l’ombre de la mort.
L’unité chrétienne qui voudrait emprunter un autre chemin que l’union au Christ n’est qu’un leurre.
Pourquoi les chrétiens de Corinthe sont-ils divisés ? Parce qu’ils ont préféré appartenir à quelqu’un d’autre que le Christ. Ils ont préféré Paul, Apollos ou Pierre – contre la volonté de Pierre, de Paul et d’Apollos, notons-le ! – au Christ, leur Sauveur. Du coup, leur communauté est déchirée par le jeu de leur amour-propre. Cette situation est paradoxale : les Corinthiens se réclament de la doctrine des anciens – de Pierre, de Paul et d’Apollos – contre l’union réelle, contre l’obéissance réelle à Pierre, à Paul, à Apollos. Chaque fois que l’obéissance aux Apôtres est niée au nom de la volonté propre, le Corps du Christ est blessé.
Comment retrouver l’unité entre les chrétiens ? En s’engageant résolument dans la direction inverse. Ne rien préférer au Christ. Faire de lui un centre réel de sa vie. Entrer en communion avec lui. Comment ? Par la prière. Par la pénitence. Par une obéissance réelle et efficace.
Tout d’abord, par la prière. Plus notre cœur sera uni à Dieu dans la vie intensément contemplative, plus ce même cœur se trouvera ouvert à ses frères. Ce ne sont pas nos sympathies individuelles qui bâtissent l’Église, mais le choix du Christ qui nous a englobés dans la même vocation. Plus nous lui serons fidèles, plus notre union sera étroite. Avant toute politique, l’œcuménisme est une question proprement mystique.
Ensuite, par la pénitence. Savoir reconnaître ses erreurs. La vertu de la pénitence nous donne la joie de les reconnaitre et de les corriger. Il y a des fautes morales – des persécutions, des injustices commises au long des siècles ; il y a des erreurs théologiques – quand un guide spirituel lance une doctrine contraire à la tradition, quand les responsables des communautés prennent des décisions contraires aux mœurs enseignées par le Christ, il n’y a pas d’autre chemin vers l’unité que de reconnaitre ces fautes et de les corriger. On ne peut pas brandir le drapeau de l’œcuménisme en s’enlisant toujours davantage dans la décadence morale et dans le relativisme doctrinal.
Enfin, par l’obéissance réelle et efficace. Si ma doctrine passe par une désobéissance factuelle et concrète aux successeurs des apôtres unis à Pierre, je peux évoquer toutes les objections possibles, mais réellement je me sépare de l’Église. Vous l’avez entendu : Paul n’accepte pas que sa doctrine soit un prétexte pour rompre la communion avec Pierre. Si l’Église toute entière – assistée pourtant infailliblement par l’Esprit saint – n’est pas assez sainte pour moi, peut-être c’est moi qui ai un problème et non pas l’Église.

Nous désirons l’unité des chrétiens, je l’espère. Cette unité ne peut venir que du Christ. Unissons-nous à lui davantage. Plongeons-nous dans son amour, dans sa doctrine, collaborons généreusement à son œuvre. Alors nous rencontrerons nos frères et nos sœurs animés du même désir. Notre Seigneur l’a dit : Cherchez d’abord le Royaume du Père et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît (cf. Mt 6, 33). Cherchons à être unis au Christ dans la sainteté authentique, et l’unité visible de l’Église viendra exprimer la communion des saints que nous formerons.

fr. Pavel Syssoev, op

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