Dieu aime toujours !

par | 19 octobre 2022

A de nombreux points de vue, la bienheureuse Agnès de Langeac que nous fêtons aujourd’hui ne semble pas une figure très attrayante de sainteté.

Et pour cause, elle fait partie de ces saints dont la vie est toute de mortifications et de phénomènes mystiques, parmi lesquels la bilocation et les stigmates sont les plus ordinaires. Si bien qu’il nous est difficile de nous identifier à elle et de suivre son chemin de sainteté. Et non seulement difficile mais pas vraiment désirable non plus. Car ces phénomènes mystiques ont été accompagnés d’innombrables souffrances de tous ordres en lesquelles Agnès de Langeac a trouvé sa joie. Elle aime la croix, à en faire peur. D’autant plus peur qu’elle souhaite justement des « milliasses de croix » à ceux qu’elle aime et qui se confient à elle. Non, à ce compte-là, la bienheureuse Agnès de Langeac n’est vraiment pas une figure très attrayante de sainteté.

Si ce n’est que ces raisons que nous avons de nous méfier d’elle reposent sur une connaissance bien approximative et déformée d’Agnès. Au-delà de la première impression, elle est en réalité une figure bouleversante et stimulante de sainteté pour qui veut bien se donner la peine de la connaître.

Née au début du 17e siècle dans une famille de petits artisans du Puy-en-Velay, à l’ombre du couvent des Dominicains, elle développe très jeune une intense vie de foi et de charité. Ainsi, âgée de 8 ans elle chaparde une petite chaînette dans l’atelier de son père, qu’elle porte alors à la taille. Et ce n’est pas là une mortification mais un signe d’offrande d’elle-même en esclavage à la Vierge Marie. Par la suite c’est ce geste enfantin qui inspirera à s. Louis-Marie Grignion de Montfort son acte de consécration à la Vierge Marie. Ainsi encore, toujours gamine, elle se dévoue souvent pour assister les femmes en train d’accoucher et lorsque la délivrance s’annonce périlleuse voire désespérée, la seule présence d’Agnès suffit à arranger la situation, et permettre un heureux dénouement.

Plus tard, âgée de 21 ans, elle entre au monastère des moniales dominicaines de Langeac, petite ville non loin du Puy. Là, sa vie mystique et de charité s’intensifie. Ainsi alors qu’elle est dans son monastère, elle se présente en même temps à Paris à Monsieur Ollier, fondateur des sulpiciens, dont elle devient le guide spirituel. Elle meurt relativement jeune avec réputation de sainteté qui traverse l’Europe à l’instar de celle de s. Thérèse d’Avila un siècle plus tôt. Aujourd’hui, elle est particulièrement priée pour les vocations et pour les couples en attente d’enfant.

Mais l’essentiel de la vie de Mère Agnès ne tient ni aux mortifications ni aux croix, ni aux phénomènes mystiques ni à ses miracles. Elle tient davantage à sa conviction inébranlable que « Dieu aime toujours », comme elle le dit elle-même. La sainteté de Mère Agnès tient à cet abandon confiant en Dieu, en vertu duquel elle compte non sur ses propres mérites car elle se sait pauvre et petite mais exclusivement sur l’amour et la miséricorde de ce Dieu qui aime toujours. Elle sait que sa petitesse n’est pas un obstacle à l’amour de Dieu mais bien au contraire la raison pour laquelle Dieu l’aime toujours et vient toujours la secourir. Mère Agnès fait preuve de cette espérance théologale qui ne déçoit pas car elle se fonde sur l’amour indéfectible de Dieu. Qu’à son école, nous aussi, nous ne doutions jamais que Dieu aime toujours. Amen.

fr. Romaric Morin

Fr. Romaric Morin