Dominicain, pourquoi ?

par | 24 mai 2018

Fr Hughes-François Rovarino

Dominicain, pourquoi ?

fête de saint Dominique – fr. Hugues-François Rovarino O.P. – Couvent de Bordeaux – 24 mai 2014 

Sans doute vous êtes-vous parfois demandé : « Mais comment peut-on aujourd’hui encore être ou devenir dominicain ? » Mais vous vous êtes un peu trompés ! Nous sommes entre amis ; vous me permettrez de vous le dire. Une meilleure question sera de nous demander : « Mais pourquoi être ou devenir dominicain ? »

Ce pourquoi est une vraie question. Certains peuvent l’avoir toujours eu sur les lèvres, les démangeant, comme une répartie qu’on aimerait bien lâcher et puis, pffutt … tout s’arrête.

Alors je reprends cette question, pour vous qui avez eu la bonne idée de venir vous réjouir avec nous. « Mais pourquoi être ou devenir dominicain ? »

Mais ceux d’entre vous qui nous connaissent le mieux comprendront que cette réponse sera scandée par deux lettres : O.P. ; O.P. en effet, comme des initiales de l’Ordre des Prêcheurs, autrement dits : « Dominicains ». O.P. deux lettres, une réponse dont vous me pardonnerez la facilité : O.P. c‘est-à-dire: on prie, on prêche. Et pour le dominicain les deux vont ensemble et se vivent ensemble, c’est-à-dire en communauté, celle que l’on osa appeler « Sainte prédication ».

On prie : c’est la première des choses. Prier nous fait découvrir que l’on est aimé de Dieu, aimé jusqu’à en mourir : le « Livre de la Croix » que contemplait saint Dominique révèle ce mytère et appelle à en vivre. C’est la découverte, celle de la vie dans le Mystère du Don de soi à Dieu et au bénéfice de tous, celle qui va transfigurer le prêcheur.

Et pour partager cette réalité, la prière est le moyen essentiel, l’éternité divine mise à portée de cœur. Prière liturgique, personnelle, méditation de la Parole de Dieu, cette prière aura un esprit particulier, celui du cri de saint Dominique : « Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pêcheurs ! »

Ce cri résonne depuis huit siècles. Il a d’abord engendré des priantes, sœurs moniales dominicaines, avec qui ce cri tourne toujours en prédication. Donc « On prie... » ; et parce qu’on prie…

« On prêche » : savamment le dominicain vous formulera sa devise : « Contemplare et contemplata aliis tradere » ; « Contempler et transmettre aux autres le fruit de sa contemplation ».

Il lui faut prêcher. Le Seigneur le veut prêcheur. En retour, lui ne pourra vivre sans plaire à Dieu ainsi ! Ces deux désirs constituent son cœur. Le dominicain ne sera pas prêcheur comme il ferait un travail, à tel moment. Il sera précheur comme il sera religieux ou comme il respire : à savoir, tout le temps.

Et en ce monde, il sera apôtre. C’est urgent. Urgent, non pas seulement parce qu’il faudra toujours que quelqu’un explique les mystères de la foi ; mais parce que Dieu nous appelle pour cela ; l’urgence, c’est le cœur du Christ prêcheur par excellence, qui la met dans le nôtre.

La prédication a ses exigences d’étude, de technique aussi, mais d’abord elle naît de Dieu et elle appelle ceux que Dieu choisit en raison de sa charité pour tous les hommes ; parce qu’il aime confier à certains la transmission d’un bonheur promis à tous. On prêche en coopérant à la volonté de Dieu « qui veut que tous les hommes soient sauvés ». Oui, on prêche par vocation, on prêche par grâce, on prêchera toujours parce que Dieu et son Eglise nous enverrons pour cela : « Comment prêcheront-ils, s’ils ne sont pas envoyés ? » écrivait déjà l’Apôtre saint Paul.

Le pluriel traduira toujours pour nous une communauté, un couvent, ce lieu qui prêche par le fait même qu’il existe ; cette « Sainte Prédication » qui est à Bordeaux par exemple.

Par elle, avec nous, le Seigneur s’adresse à nos contemporains. Il nous demande de rencontrer notre prochain, d’exprimer de l’amitié envers les gens que Dieu a créés à son image, qu’il met sur notre route pour être aidés, consolés, p our grandir comme enfants de Dieu, ou pour restaurer nos bâtiments et même… nous édifier.

Car chacun, et par exemple vous-mêmes, avez aussi ce rôle : nous édifier, nous aider, nous permettre – en facilitant notre déplacement, en suscitant telle rencontre ou telle célébration – oui de permettre de réaliser la vocation à laquelle nous sommes appelés pour vous, et par vous pour d’autres.

« Pourquoi être ou devenir dominicain ? » parce que si on prie, si on prêche, c’est aussi pour que tous puisse vivre dans l’action de grâce envers Dieu, attitude essentielle que nous rappellera la Vierge Marie, dont le rétable restauré sera bientôt réinstallé.

Ainsi « Dominicain,  pourquoi ? » Deux lettres disent une réponse : O.P., On Prie, On Prêche, parce que dans sa bienveillance et dans sa charité Dieu le veut. Il veut révéler sa vie à nos contemporains, et il appelle certains pour cela. Puissent-ils y répondre et y durer pour leur joie aussi !

fr. Hugues-François ROVARINO, o.p.

Fr Hughes-François Rovarino

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