Cet enfant est notre paix

par | 24 décembre 2014

Noël, messe de la nuit Lc 2, 1-14.
Paix sur la terre aux hommes qu’il aime.
Le Seigneur vient là où nous sommes, il ne nous attend pas là où nous aurions du être. Il vient dans la nuit, le froid, le creux de notre vie, dans le non-accueil, au mauvais moment, là où tout est pris et où règne pourtant le grand vide. C’est là où cet enfant nous saisit. Ni dans le palais du césar, ni sous les tentes des bergers, mais toujours excentré, toujours hors-de, à côté de la salle commune, là où il n’y a pas de place, c’est là où Dieu vient. Dans le tumulte des foules en déplacement, dans la fugue des jours, inévitable comme une naissance, inattendu, sourdement désiré et pourtant mis d’à côté, résolument pas là où nous aurions du être et pourtant là où nous sommes, il vient, le prince de notre paix. L‘amour jaloux du Seigneur de l’univers a fait cela !
Un cercle de lumière dans la grande nuit du monde. Dans ce cercle : une étable, des bêtes, un jeune homme, son épouse, le nouveau-né. Tout le reste, pour eux, est comme suspendu. Ils sont là, pris dans cet événement – un enfant nous est né, un fils nous est donné – et l’univers trouve son sens dans cette naissance. L’empereur et les bergers, les anges et les peuples à recenser – tout gravite autour de ce nouveau-né. Tel un centre de l’immense nébuleuse en formation, il fait converger à ce point lumineux tout ce qui existe. Celui qui vient dans un désordre douloureux de nos vies, devient leur centre. Cet enfant est le Dieu-Fort, le centre du monde, le centre de notre histoire et celui de nos âmes.
Levons nos yeux vers les étoiles et regardons – c’est par lui que ces astres sont créés. Penchons-nous vers l’herbe qui ondule, sentons le froid saisissant, suivons du regard un oiseau qui plane dans les airs – tous ces rythmes, tous ces êtres trouvent en lui leur source. Le cœur qui bat dans cette poitrine minuscule abrite la vie du monde. Lui, perdu parmi eux, tel un grain de sable dans le désert, les porte et les attire. Il est le centre du monde, celui qui a tout créé, celui vers qui converge tout ce qui existe.
En lui, notre histoire trouve son centre de gravité. César Auguste peut penser que c’est par sa décision impériale que les multitudes se mettent en mouvement, mais en réalité c’est pour que ce bébé naisse à Bethléem que son empire existe. Les justes et les prophètes, les criminels et des gens sans histoires – tous, nous ne sommes qu’une succession de générations sans but si cet enfant ne vient pas habiter notre terre. En lui, notre naissance et notre mort se trouvent chargées d’un poids d’éternité. Ce qui n’était qu’une série sans fin des apparitions et des évanouissements sur la scène du monde s’unifie en lui pour devenir l’histoire du salut. Le bien que nous faisons vient de lui et oriente vers lui ceux qui nous sont confiés. Le mal dont nous nous sommes rendus complices est guéri par lui, et lui seul peut faire même de l’impasse de notre mort un accès à Dieu. Aujourd’hui vous est né un Sauveur. C’est pour cela que les anges guident vers lui les hommes, et qu’en sa naissance chacun de nous trouve sa vraie origine. Pourquoi naissons-nous ? Pour l’accueillir. Pour vivre de lui. Pour devenir en le recevant les enfants de Dieu.
Ce nouveau-né est le centre de notre âme. Nos rêves les plus vrais, nos désirs les plus puissants, nos pensées les plus justes sont les prémices de sa gloire. Tant qu’il n’est pas né en nous, tout est désordre, tumulte et chaos, mais lorsque ce Verbe de Dieu est engendré par le Père dans notre âme, tout trouve sa place, son poids, sa mesure. Il est le Messie, le Seigneur. Allons vers lui, accourons à Bethléem, entrons dans ce cercle de lumière où veillent Joseph, Marie, Jésus. Là est notre centre, là est le lieu de notre repos, car tout est en ordre lorsque tout converge vers cet enfant. Du plus haut des cieux jusqu’aux profondeurs les plus sombres de notre être, tout se trouve inondé d’une grande lumière.
Dieu ne nous attend pas là où nous aurions du être. Il vient là où nous sommes, avec tout ce qu’il y a en nous de blessé, de froid, d’illusoire. C’est là qu’il vient, notre enfant-Dieu, centre de notre monde, de notre histoire, de notre âme, il vient et instaure sa paix. Nous sommes saisi par sa main et avec une troupe céleste innombrable nous clamons : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime » !

fr. Pavel Syssoev, op

Fr. Pavel Syssoev